Notre société crée un sentiment d’urgence qui nous pousse au simplisme. La franc-maçonnerie nous aide à y résister.
J’ai une grande admiration pour la complexité, tous mes frangins et sœurs vous le diront. C ‘est la complexité, avec ses propriétés émergentes, qui a rendu la vie possible, malgré les contraintes que la chimie a imposées. Les molécules, elles, ont pu exister malgré les contraintes que les mondes atomique et subatomique ont imposées. Et puis voilà notre cerveau, lui aussi une merveille, mais à triple commande : un système reptilien avec ses pulsions, un système limbique avec ses émotions, et un système cortical avec ses raisonnements.
Oui mais, que voit on dans la vie de tous les jours ? Nos contemporains semblent n’aimer que des choses simples et binaires : bon / mauvais, gentil / méchant, amour / haine. Dépasser le binaire est un challenge, et avoir dépassé le grade d’apprenti ne signifie pas qu’on a durablement réussi le défi.
Pourquoi donc cette addiction au simplisme chez une (trop) grande partie des gens ?
Darwin nous fournit une explication : le chasseur-cueilleur qui voit remuer le rideau de feuilles a besoin de décider vite de son action ; il lui est peu conseillé de faire une analyse sur paperboard avec liste des avantages et inconvénients comparés des différentes options. Donc l’urgence pousse à simplifier vite fait et décider à toute vitesse. Cette disposition s’est probablement inscrite dans nos gènes.
Celui qui veut obtenir une décision rapidement a intérêt à vous présenter les choix comme urgents : cela s’appelle mettre la pression. Nos ancêtres la subissaient déjà, et ont inventé un espace hors du temps nommé tenue, auquel on accède en ayant laissé ses métaux – lisez soucis – au vestiaire.
A notre époque la société est devenue médiatique, mondialisée, et hyperconnectée, bref c’est le déferlement ininterrompu d’informations de tous ordres, dont une quantité certaine émise dans le but de vous faire réagir.
Problème : il faut d’abord capter votre attention, puis obtenir votre décision, dans le sens souhaité. Une seule solution : forcer le trait, et tant pis si l’ensemble devient mensonger, et jouer sur ce qui remue le plus le cerveau émotionnel de la cible. A retenir donc : ceux qui veulent vous influencer visent le cerveau limbique et les pires visent le cerveau reptilien.
Les sociologues montrent que les nouvelles associées à la colère ou l’indignation se répandent le plus vite sur les réseaux sociaux : il faut donc présenter un nouveau scandale et lui associer une urgence d’action, ne pas agir étant déjà moralement condamnable. Ca tombe bien, le salaud désigné dans les scandales sera le bouc émissaire pour porter un maximum de responsabilité des problèmes, dégageant la cible des siennes et l’ancrant dans le camp des bons.
Nous maçons devons porter à l’extérieur les lumières acquises pendant notre travail maçonnique : voici ci-après une opportunité .
Notre société est bien moins dangereuse pour notre intégrité physique que la plupart des époques révolues : profitons en pour évacuer le plus souvent possible ce sentiment d’urgence qu’on tente de nous imposer. Suis-je directement et physiquement menacé ? Non ? Eh bien alors j’ai droit au temps nécessaire pour appréhender le problème posé, avec la finesse de détail et de vérifications que je jugerai nécessaires, jusqu’à me forger une opinion non faussée par trop de simplifications effectuées sous la pression de l’immédiateté, et mes trois cerveaux auront chacun eu voix au chapitre.
Bonjour François.
Sachons distinguer entre la complication, stérile la plupart du temps, et la complexité, qui permettra un changement de niveau.
De même, il faut distinguer le simplisme, qui maintient dans le dangereux manichéisme, de la simplification, outil de décomposition des problèmes afin de les résoudre un à un.
Patrick
Personnellement, je trouve qu’en Franc-maçonnerie on fait l’inverse ; on complique à outrance. On se sert de jumelles et de longues vues et c’est à celui qui aura la plus grosse ou la plus longue, alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux.