Ayya Khema est une très grande dame qui a laissé, à un niveau international, une empreinte mémorable dans la tradition du Théravada, notamment pour les nonnes.
Rappelons que le Théravada – la voie des Anciens – s’appuie sur les textes d’origine du bouddhisme, le “Tripitaka”, écrit en pâli, la langue parlée en Inde à l’époque du Bouddha. Les termes familiers provenant du bouddhisme tels que dharma, karma, nirvana, sutra, etc. sont des mots sanscrits, leur équivalent pâli étant dhamma, kamma, nibbana, sutta, que nous retrouverons ci-dessous.
Ayya Khema connut une existence particulièrement mouvementée, mais sans l’avoir cherché précise-t-elle dans son autobiographie (parue en anglais et en allemand) dont le titre résume à merveille la simplicité et la clarté de sa parole :’I give you my life” : “Je vous donne ma vie”.
Née à Berlin en 1923 de parents juifs, elle dut quitter l’Allemagne nazie en 1938 avec un transport de deux cents autres enfants et fut emmenée à Glasgow en Ecosse. Ses parents partirent pour la Chine et, deux ans plus tard, Ayya Khema les rejoignit à Shanghai. Au début de la guerre, cependant, la famille fut mise dans un camp de prisonniers de guerre japonais, et c’est là que son père mourut.
Quatre ans après la libération du camp par les Américains, Ayya Khema eut la possibilité d’émigrer aux Etats-Unis. Elle y connut la vie de mère au foyer entre son mari et ses deux enfants. Elle sentit que quelque chose d’essentiel lui manquait, ce fut le début d’une longue quête qui la mena en Amérique du Sud, au Pakistan, en Inde et finalement en Australie où elle rencontra la tradition bouddhiste du Théravada, la voie des Anciens qu’elle reconnut immédiatement comme sienne.
Elle s’y consacra entièrement et commença quelques années plus tard à enseigner elle-même la méditation à travers l’Europe, l’Amérique et l’Australie. Elle se rendit en 1979, au Sri Lanka où elle reçut l’ordination de nonne bouddhiste, sous le nom de Khema, qui signifie en pâli “sûreté et sécurité” (Ayya voulant dire Vénérable).
En 1978, elle établit Wat Buddha Dhamma, un monastère de la forêt selon la tradition Théravada, près de Sydney, en Australie.
A Colombo, elle fonda le Centre international des femmes bouddhistes comme centre d’entraînement pour les nonnes du Sri Lanka, et l’Ile des nonnes de Parappuduwa pour les femmes désirant s’initier à la vie religieuse.
Elle rencontra un vieux maître de méditation qui lui confirma qu’elle pouvait et devait enseigner en Occident non seulement la pratique du Vipassana — la vigilance à l’instant — mais également les états d’absorption, (c’est-à-dire des états de félicité atteints par une intense concentration, samatha) tels que pratiqués et enseignés par le Bouddha et tombés dans l’oubli. Ce à quoi elle s’employa jusqu’à sa mort.
Cette méthode qui permet au méditant de connaître rapidement des états de béatitude qui l’encouragent dans sa pratique a rencontré un très vif succès en Occident, et Ayya Khema dût bientôt passer de plus en plus de temps à animer des sessions de méditation partout en Occident.
C’est alors que la guerrilla tamoule tua le fondateur et protecteur du centre de l’ile de Parappuduwa. L’insécurité interdisant le développement du centre et la venue de postulantes occidentales, Ayya Khema décida d’accepter l’invitation qu’elle avait reçue de méditants allemands et de revenir dans son pays d’origine où elle créa en 1989 un centre de méditation, le Buddha-Haus,
Consciente des difficultés que rencontraient les femmes qui voulaient devenir nonnes bouddhistes, elle organisa en 1987, avec deux autres nonnes, la première conférence internationale des nonnes bouddhistes dans l’histoire du bouddhisme, ce qui entraîna la création de Sakyadhita, une organisation mondiale des femmes bouddhistes. Sa Sainteté le Dalaï Lama prononça le discours d’ouverture de la conférence.
En mai 1987, comme conférencière invitée, elle fut la première bouddhiste à avoir jamais pris la parole aux Nations Unies à New York.
En 1988, elle reçut, par la tradition chinoise du Mahayana, l’ordination complète.
Elle a écrit de nombreux livres en anglais et en allemand sur la méditation et les enseignements du Bouddha. Citons : ’ ll of us”. “Here and now”, “When the iron eagle flies”. En 1988, son livre “Being Nobody, Going Nowhere” a reçu le prix commémoratif Christmas Humphreys, une distinction pour la littérature bouddhiste.
En Français, un seul ouvrage d’elle a été traduit : “Etre une île.”, il s’agit d’enseignements donnés lors de sessions de méditation dans l’ile des nonnes de Parappuduwa.
Elle a quitté ce monde le 2 novembre 1997.
A la fin de son autobiographie elle écrivit ces derniers mot :
“Il y a quelque temps, une journaliste est venu nous voir au Buddha-Haus. Elle m’a demandé si la raison pour laquelle j’étais capable d’accepter si aisément ma mort était que je croyais à la renaissance.
Non lui ai-je répondu, je n’espère nullement cela. On ne renaît que si le désir de renaître est là. Quand il n’y a plus le désir d’exister en tant qu’individualité séparée, en tant qu’ego, alors tout est fini. Je suis prête à lâcher une fois pour toutes.
Et que se passe-t-il alors, s’enquit-elle ?
Rien, tout est fini. A ce point, il n’y a plus que le nibbana, la paix absolue qui est atteinte, la dernière, ultime, parfaite absorption.”
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