ven 26 avril 2024 - 17:04

Le bois et ses légendes, mais pas que …

Aujourd’hui, nous allons faire connaissance avec l’homme du bois ou l’homme des bois qui reste l’emblème contemporain de la vie primitive et support de rêverie sur le sauvage que nous sommes et qui reste bien enfoui tout au fond de notre cerveau reptilien.

Les forêts, les arbres par la majesté de leur port, la durée de leur existence, suscitaient dans l’esprit de nos ancêtres un profond sentiment de sacralité. Aussi les voit-on jouer un rôle dans le culte de nombreuses sociétés anciennes ou plus récentes.

Hiram l’architecte, ne reçoit-il pas d’un autre HIRAM les cèdres du Liban pour la construction du temple de Salomon. Deux Hiram vont associer le bois et la Pierre. Toutefois il faut reconnaître que c’est la forêt qui recouvre l’édifice. Quand la forêt est absente c’est la voûte céleste qui apparaît. On est de ce fait dans la clairière qui va devenir le temple construit sans bruit.

Au fond de nos forêts on s’imaginait que des divinités qui veillaient à la conservation des arbres, avaient placé leur demeure. Les mêmes divinités reçurent chez les peuples italiques les noms de Sylvains, de Faunes . C’est aux premiers de ces dieux, dont les Anciens eux-mêmes ont reconnu l’origine la plus primitive, que les paysans latins adressaient des prières pour la conservation de leurs troupeaux. Lucain décrit une forêt sacrée près de Marseille. L’armée de César n’osait y toucher : le premier il y porta la hache ; et les troupes, rassurées en voyant que les divinités des bois ne l’avaient pas foudroyé, soutenirent ses efforts.

Le culte des forêts, des arbres et des bocages se rencontre également chez toutes les populations germaniques. Les chênes de la forêt Hercynie, de même que ceux des forêts druidiques, recevaient, à cause du respect qu’inspiraient leurs troncs séculaires, les vœux, les offrandes et les sacrifices des peuplades qui les visitaient. En Germanie comme en Gaule, cette religion résista longtemps aux efforts de propagande chrétienne, et il fallut l’intervention de l’autorité laïque, les menaces de la loi pour l’extirper définitivement. Encore se conserva-t-elle dans les deux pays, sous une forme déguisée.

Dans la Scandinavie, ces Walgeist reçoivent le nom de Trold ou Troll. Les Elfes aiment aussi, suivant la croyance des peuples du Nord, à résider sous les arbres et dans les forêts. L’imagination populaire prêtait deux formes différentes à ces esprits des bois. Quand elle se les représentait comme la personnification des forces qui animent la terre et président à la végétation, elle voyait en eux de petits êtres aux formes les plus variées, des êtres gracieux et folâtres qui menaient dans les clairières ou dans les futaies une vie joyeuse et amusante ; tels étaient les Elfes, les Kobolds, les Trolls, les Nymphes, les Fées.

Au contraire, si ces esprits s’offraient comme la personnification de cette vie sauvage, que les forêts réveillent toujours dans l’esprit, c’était sous la forme d’hommes velus, d’êtres farouches, noirs et hideux que le peuple se les représentait ; tels étaient les Satyres, les Sylvains ; vrais diables des bois, qui servirent de type aux sauvages du Moyen âge, selon la Notice historique sur le Sauvage de l’Aveyron de Bonnaterre on a cru longtemps à l’existence d’hommes sauvages habitant dans les bois.

Le culte que les Gaulois rendaient aux arbres des forêts et aux chênes en particulier, a été rapporté par les auteurs de l’Antiquité, et forme un des traits caractéristiques du druidisme, dont le nom en est dit-on, dérivé. Ces forêts étant sensées être protégées, les Romains n’osaient y porter la hache.

Les apôtres du christianisme eurent grand peine à déraciner ces conceptions, et ils n’y parvinrent généralement qu’en consacrant au culte nouveau ces mêmes arbres qui étaient l’objet de la vénération populaires. On plaça sous le patronage de la Vierge ou des saints ces enfants des forêts, longtemps adorée comme des images de la Divinité.

On christianisa les fêtes païennes qui se rapportaient à ce culte. Il existait en France, à une époque encore récente, plusieurs arbres qui avaient hérité de l’antique vénération qu’avaient longtemps inspirée leurs devanciers.

Non loin d’Angers, Dulaure nous apprend qu’on voyait un chêne nommé Lapalud que les habitants entouraient d’une sorte de culte. Cet arbre, que l’on regardait comme aussi vieux que la ville, était tout couvert de clous jusqu’à la hauteur de 40 pieds environ. Il était d’usage, que chaque ouvrier charpentier, charron, menuisier, maçon, en passant près de ce chêne, y fichât un clou.

Plusieurs de ces arbres vénérés avaient été consacrés à la vierge ou aux saints, et décorés de petites statues ou d’images, de croix que plaçaient les pèlerins. De plus, la fête de la plantation des Mais, si générale en France, si rattache elle aussi.

La forêt des Ardennes était personnifiée en une déesse nommée Arduinna et que les Romains assimilèrent à leur Diane. Les habitants du Hainaut et du pays Wallon sont restés très longtemps fidèles à ce culte, dont la nature prenait elle-même le soin de renouveler sans cesse les monuments autour d’eux. Au VIe siècle, Grégoire de Tours nous apprend que le culte de Diane se conservait encore à Trèves. Ce fut dans le siècle suivant que saint Hubert et saint Bérégise déracinèrent les premiers, les croyances païennes de ce pays.

Pour ce qui nous intéresse, nous découvrons ainsi, que La Charbonnerie n’était pas, selon le récit des quatre Bons Cousins de La Rochelle dont la tête tomba sous la guillotine de la Restauration en 1822, une grande milice secrète libérale dont le modus operendi était dicté par les rites francs-maçons du bois entraînant un certain intérêt envers le mysticisme du Carbonarisme dirigé par La Fayette qui a seulement permis avec l’aide des Bons Cousins Charbonniers des années 1800 à maintenir leurs traditions en France jusqu’au XXe siècle mais avec plus ou moins de succès.

C’est au contraire une société très secrète qui trouve son origine depuis la nuit des temps et qui demeure bien mystérieuse. Nous ne savons rien des premiers rites pratiqués car c’est par la tradition du geste et de la parole qu’ils se sont perpétués. Les initiés n’ont laissé aucune trace écrite. La structure antique de la “pensée de la forêt” est antérieure à l’Empire romain et recouvrait toute l’Europe celtique tant atlantique que germano-scandinave et l’ensemble des régions balkaniques.

Une étude archéologique et anthropologique nous montre une société pré-industrielle forte et brillante dont la structure sociale repose sur des clans disséminés au sein des forêts (lieux considérés sacrés par les Celtes).

La Charbonnerie était de fait un compagnonnage réservé à ceux qui travaillaient les métiers du bois, associés à la trilogie artisanale celte : “fendeur-charbonnier-forgeron”.  C’est cette hiérarchie que je pratique actuellement en notre rituel. Plus terre-à-terre, c’était également une façon de fidéliser une main-d’œuvre difficile à intéresser. Ces métiers étaient exercés hors des villes, des pouvoirs de l’église et de la monarchie mais dans la maintenance d’un grand attachement à la nature et d’une spiritualité païenne.

Ces forestiers ont eu une pratique initiatique dans la transmission de leur savoir-faire, et ont naturellement adopté des rituels, des cérémonies et des symboles hors christianisme.

Une fois encore l’Église, dut diaboliser et animaliser ceux qu’elle évangélisa par la suite afin de mieux justifier son action.
Le silence s’installa pendant 400 ans. Puis au XVe siècle, de nobles proscrits qui avaient trouvé refuge dans les forêts bourbonnaises pendant les troubles qui marquèrent les règnes de Charles VI (1368-1422) et Charles VII (1403-1461), furent initiés par les charbonniers qui par obligation et devoir étaient toujours présents dans ces forêts, qui protégeaient hautement leur liberté. Les assemblées, ou ventes dans le langage de la Charbonnerie, se sont pratiquées dans les milieux aristocratiques et à la cour du roi. La noblesse apprécia grandement cette maçonnerie où le déguisement permettait de se livrer aux plaisirs de la bonne chère et aux éclats d’une haute gaieté.

Un de leur plus prestigieux défenseur aurait été Henri VI qui, un jour s’étant égaré en forêt lors d’une chasse, tomba furtivement sur une réunion rituelle des Charbonniers qui lui offrirent d’office l’hospitalité. Ayant été très bien reçu, il demanda à subir les épreuves, ce qui lui fut immédiatement accordé. Le Roi s’étant assis sur le billot qui servait de trône au ” Père-Maître “, ce dernier l’en délogea en prononçant cette phrase devenue proverbe : “Sire, Charbonnier est maître chez lui.” Il fut souvent dit que c’est à partir de ce moment-là que Henri VI prit l’habitude d’appeler ses proches “mon Bon Cousin” ou ma “Bonne Cousine” et qu’il en devint “protecteur des fendeurs et charbonniers.” Puis ce fut encore le silence. En France, la franc-maçonnerie serait apparue à Saint-Germain en Laye, en 1688. Mais là encore les avis diffèrent quant à la naissance de la première loge française. Etienne Gout soutient que la première loge connue en France daterait du 1er juin 1726. Il est juste de signaler ces dates puisque la Charbonnerie basera à l’avenir ses rituels forestiers sur la Franc-Maçonnerie.

Il faudra attendre exactement 200 ans après la mort de François 1er pour la mise en place en France par Charles François Radet de Beauchesne (ou Beauchaine), d’un rite forestier mixte ; un glissement non voilé vers la franc maçonnerie révolutionnaire. Le chevalier de Beauchesne tenta, vers 1747, de récupérer à son profit les Rites des Fendeurs, mais c’est l’Ordre de la Fenderie dit du Grand Alexandre de la Confiance qui constitue la tentative la plus spécifique d’évolution opérative de la Franc-Maçonnerie du bois entre 1760 et 1770. Ce rituel d’ailleurs, ne fut pas inventé par Beauchesne, mais aurait été seulement capté par lui à la suite d’une transmission accomplie par un responsable des Eaux et Forêts du comté d’Eu, en Normandie.

Les différents corps de métiers des forestiers présentent une évolution historique comparable à celle de la Franc-Maçonnerie traditionnelle de la pierre. On se demande même, si l’une n’a pas puisée ses rituels dans l’autre, et vice versa. Les fameuses loges maçonniques… ne proviennent-elles pas des us et coutumes des charbonniers ? “Les charbonniers vivaient avec leurs familles dans des huttes qu’ils appelaient des loges. Peu à peu, les villages se sont formés et portèrent des noms comme : les Loges de Dressais, les Loges de la Cueille, les Loges de Brenne, les Loges de Cherpères, les Loges de Jopeau…” les loges margueron, La loge Pomblin, Les loges en Josas, route des Loges à Arnage à coté du Mans, etc…

Oui mes Sœurs et mes Frères, Mes Bonnes Cousines et Bons Cousins, la maçonnerie de la pierre et du bois est bien française par cette branche et nous pouvons honorer tous ces sylvains, ces visages noirs de suie, ces cagots et la grande cagoterie signant de la patte d’oie et protégés par la Vente Mère.

Frère Thierry Bui∴

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