Tout le monde a récupéré le solstice d’été et sa grande fête païenne dédiée au culte du soleil. L’Église, la première, dès le Ve siècle, en allumant partout des feux de joie, dans la nuit du 23 au 24 juin, soit à la saint-Jean, celle de saint Jean le Baptiste, lui, le prophète. Vive le soleil qui fait croître les récoltes ! Conjurons leur destruction par les accidentels feux du ciel !
Les francs-maçons reprirent cette tradition et organisèrent, aux alentours de la même date, des cérémonies champêtres chantant les cycles de la Nature, source profuse de spiritualité ! Mais la culmination de l’Esprit fait, en réalité, son chemin, réfléchissons-y, dans le grignotement des ténèbres, jusqu’au solstice d’hiver et à l’autre saint-Jean, celle de saint Jean l’Évangéliste, lui, l’apôtre, car n’est-il pas dit, dans la Genèse, et dans cet ordre-là, « Il fut nuit, il fut matin » ?
Je songe aussi à cet autre allumage des feux, au sens trivial de l’expression, que sont la fête et la danse des brandons, procession aux flambeaux, faits de torches de paille, brûlant les mauvaises herbes, les odeurs fétides et les taupes ravageuses, qui avait lieu le soir du premier dimanche du Carême, marquant l’amorce des purifications six semaines avant le dimanche de Pâques, ce tout-puissant symbole de la Résurrection, dans la chrétienté.
Au reste, Pâques qui, bien plus que Noël, est au fondement de la foi, chez les orthodoxes, renvoie aussi à Pessa’h, la fête juive qui célèbre autant l’Exode hors d’Égypte que le début de la moisson de l’orge, prémices du cycle agricole. Chez les orthodoxes, justement, avez-vous vu ou entendu parler de cette fête populaire qui enflamme, chaque année, au printemps, cinq villages de la Grèce du Nord ? J’ai assisté, autrefois, à Langadas, non loin de Salonique, aux abords du pauvre lac Korónia qui se meurt d’année en année, à la cérémonie se déroulant le soir du 21 mai, fête de Constantin et d’Hélène, où, devant toutes sortes de curieux accourus du monde entier, les membres de la secte des Anastenaria foulent des braises, pieds nus, sans se brûler…
Les scientifiques vous expliqueront que le bois et le charbon sont de piètres conducteurs de la chaleur et, qu’à condition d’avoir les pieds secs et bien calleux et surtout de ne pas s’arrêter en chemin, vous pouvez honorer sans danger cette tradition millénaire qui ne s’est, d’ailleurs, implantée là qu’à partir de 1923, lors de l’exil des Grecs d’Asie mineure. La légende rapporte que cette pratique rend hommage à « d’ardents fidèles » qui sauvèrent des icônes dans une église en flammes et s’en sortirent indemnes. Pour ma part, avant de tenter pareille expérience, je méditerais sur l’origine du nom de ces adeptes. Il dérive du verbe grec ἀναστενάζω (anastenazo) qu’on trouve une fois dans la Bible et qui signifie : soupirer profondément…
Au demeurant, la marche sur le feu, savamment appelée pyrobatie, ce qui veut dire strictement la même chose, semble assez répandue. C’est le cas, notamment, en Inde. Et, puisqu’elle vise à manifester une foi authentique dans la Nature, la suprématie de l’esprit sur le corps et la force de l’énergie collective, ne serait-il pas judicieux de renforcer par cette épreuve ignée la cérémonie d’initiation ? Certains protesteront que cette aventure nouvelle implique une trop haute maîtrise de soi pour ne pas la réserver aux degrés ultimes du rite… Je le conçois volontiers, à condition, toutefois, de hâter le processus de collation des grades, maçonniques, s’entend, au risque de noircir la canne. Cette idée lumineuse signerait tout autant un retour à la réalité sacrée qu’un sacré retour à la réalité.
Après tout, ne dansons-nous pas, tous les jours, sur des charbons ardents ?
La pyrobatie, proposition désopilante pour l’épreuve du feu ! J’en ris rien que d’y penser encore !
J’ai trouvé ça amusant, moi aussi. Merci de ce partage.