3 minutes pour comprendre les métiers, traditions et symboles des bâtisseurs de cathédrales
Jean-Michel Mathonière
Le Courier du Livre, 2020, 160 pages, 21,90 €
Connaître l’histoire de ces bâtisseurs, si souvent ignorée, c’est ce dont l’auteur nous offre en de multiples fragments permettant ainsi de mieux comprendre toute la richesse et la diversité de l’architecture de ces édifices de pierre qui résistent vaillamment à l’épreuve du temps et dont la France est semée.
Jean-Michel Mathonière, auteur de « Le plan secret d’Hiram » (Dervy, 2012), est un spécialiste connu et reconnu des compagnonnages et, tout particulièrement, des compagnons tailleurs de pierre et charpentiers. Il a été aussi commissaire, et rédacteur du catalogue, de l’exposition « La Règle et le Compas ou de quelques sources opératives de la tradition maçonnique », en 2013, au musée de la franc-maçonnerie.
Chez « Le Courier du Livre », une des marques éditoriales du groupe Guy Trédaniel Éditeurs, Jean-Michel Mathonière signe ici le soixante-et-unième volume de cette belle collection « 3 minutes pour comprendre » qui aborde tous les grands domaines de la connaissance (ésotérisme, franc-maçonnerie, histoire, légendes, mythes, philosophie, religions, sciences, etc.) et qui doit son succès au sérieux de ses auteurs et à l’esthétisme de ses publications.
Le principe est simple, efficace et d’une grande lisibilité pour le lecteur, suivant en cela le même « process ». Pour chaque chapitre un glossaire est proposé, expliquant ainsi les mots clés parfois mal connus. Ensuite, chaque théorie ou sujet s’affiche sur une double page : une explication claire et concise sur celle de gauche avec « Un développement en 3 minutes », un « Résumé en 3 secondes », un « Focus en 30 secondes », des « Thèmes liés » revoyant toujours à des chapitres de l’ouvrage et un « Texte en 30 secondes ». Quant à celle de droite, elle s’enrichie de croquis, dessins ou photographies, toujours remarquablement bien légendés – l’auteur citant même Napoléon Bonaparte « un bon croquis vaut mieux qu’un long discours ». Le chapitre s’achevant avec une fiche descriptive, dénommée profil, d’un célèbre maître d’œuvre ou architecte, tels, par exemple, Viollet-le-Duc, l’abbé Suger, Villard de Honnecourt pour les plus connus.
Ici encore, apprentissage et clarté, pédagogie et vulgarisation intelligente, loin de tous contours nimbés de mystères. Un beau-livre destiné donc tant à l’initié qu’au profane, au sachant qu’au néophyte.
Connaître l’histoire de ces bâtisseurs, si souvent ignorée, c’est ce dont l’auteur nous offre en de multiples fragments permettant ainsi de mieux comprendre toute la richesse et la diversité de l’architecture de ces édifices de pierre qui résistent vaillamment à l’épreuve du temps et dont la France est semée.
Une introduction, sept chapitres et des annexes forment l’ossature du livre.
L’introduction, elle, débute avec le dramatique incendie du 15 avril 2019 qui a ravagé Notre-Dame de Paris, cathédrale inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, et qui soulève la question de savoir si nous serions, encore aujourd’hui, capable de reconstruire à l’identique.
Questionnement qui concerne tout autant l’histoire de la construction que celles des métiers. Domaines abordés avec rigueur par Jean-Michel Mathonière qui débute avec « Le temps des cathédrales », comprenant la transmission de savoirs antiques, des bâtisseurs tant religieux que laïcs, des pèlerinages, des matières premières, et le passage à l’An Mil. Ce dernier suscitant une grande peur apocalyptique mais révélant une « formidable frénésie architecturale ».
Chose étonnante et surtout fort méconnue, dans le second chapitre sur « Les acteurs de la commande et du chantier » où sont traités « L’architecture, art royal » ou encore « L’évêque et la cathédrale », c’est surtout le sujet sur « Les femmes sur le chantier » qui ne manquera pas d’interpeller le lecteur. Nous y apprenons qu’elles figurent, même si cela est marginal, « dans les comptes des fabriques des chantiers des cathédrales et d’autres édifices médiévaux en Europe ».
Ensuite, des chapitres « Les organisations professionnelles », « les métiers des bâtisseurs de cathédrales », « Les connaissances pratiques et théoriques », « La géométrie, cinquième art libéral », « Les mythes, légendes et symboles de bâtisseurs », quatre retiennent essentiellement, pour le maçon que nous sommes, notre attention. À savoir, les organisations, les métiers, l’art libéral et les symboles, comme l’Arche de Noé, la Tour de Babel, le Temple de Salomon ou encore les quatre saints couronnés. Jean-Michel Mathonière nous présente les organisations professionnelles et les métiers tel Le Livre des métiers, rédigé au temps de Saint Louis vers 1268 par Étienne Boileau, prévôt de Paris, est le premier grand recueil de règlements sur les métiers parisiens. Il y aborde tant les corporations qui sont dirigées par des maîtres, les compagnons assistant aux réunions et aux fêtes qu’elles organisent que les confréries de métier représentant l’aspect pieux de la corporation.
Les pages « La loge, cœur du chantier », « Aux origines du Compagnonnage et « Aux origines de la franc-maçonnerie » remettent, selon l’expression populaire, « l’église au milieu du village ». L’auteur nous rappelle les fondamentaux, du simple abri qu’est la loge à la franc-maçonnerie spéculative qui défend les valeurs les plus nobles chez l’être humain, en passant par le Compagnonnage, bien au-delà « des clichés romantiques hérités du XIXe siècle et de la littérature ».
« Les métiers des bâtisseurs de cathédrale » s’ouvrent sur le plus noble d’entre eux, celui d’architecte « qui est tout à la fois un artiste et un technicien ». Se succèdent ensuite tous les types de métiers À côté des tailleurs de pierre, maçons, manœuvres (manouvriers) et apprentis, on trouve d’autres corps de métiers : forgerons, charpentiers, tuileurs, verriers et vitriers, charpentiers…
Quant à la géométrie, ayant également pour objet les proportions, elle préside depuis l’Antiquité à la « construction du beau ». Elle fait partie du quadrivium qui se rapporte au « pouvoir des nombres » et devient la clé de la science des bâtisseurs. Il en découle donc un langage propre, chargé de symbolique.
Finalement, comme Victor Hugo (Notre-Dame de Paris, Livre V, Chapitre 2, 1832) qui écrivait « … le genre humain enfin n’a rien pensé d’important qu’il ne l’ait écrit en pierre… », nous retenons qu’il s’agit bien là de la belle ouvrage qui relate l’histoire de ces chefs-d’œuvre de structure et de beauté.
Le bandeau le disait « une formidable épopée ». Si nous en gardons le sens figuré, il s’agit bien d’une aventure fabuleuse que nous fait vivre Jean-Michel Mathonière. Au sens premier, son récit a su exalter en nous un grand et beau sentiment à travers les exploits et l’audace de ces œuvriers que sont les bâtisseuses de cathédrales, forçant encore et toujours notre respect. Et puisque les francs-maçons, aujourd’hui, ne taillent plus de pierres ni ne lèvent de charpentes, puisse ce livre nous aider à façonner notre cœur.