jeu 12 décembre 2024 - 22:12

La préparation à la mort : quelle spécificité pour les francs-maçons ?

Si l’actualité parlementaire a mis en avant la difficulté d’offrir aux français la possibilité de bénéficier d’une fin de vie digne, la préparation à la mort n’en reste pas moins une exigence si l’on souhaite mourir en conscience. Les travaux maçonniques peuvent-ils nous y aider ?

Bien que l’on sache pertinemment que notre existence soit un espace-temps de courte durée, il faut généralement attendre que les signes avant-coureurs de l’échéance apparaissent pour que les êtres humains s’en préoccupent plus ou moins réellement. Très souvent c’est le déni qui prime :

« Tu verras cela ira mieux ! » 

« Ce n’est qu’un mauvais moment à passer ! » 

« Courage, il faut te battre, tu vas être plus fort que le mal ! ».

La maladie est toujours présentée comme curable même quand les signes objectifs d’une spirale de la déchéance s’accumulent !  Le corps médical est mal à l’aise avec la mort qui symbolise l’échec de son interventionnisme. Les proches n’abordent pas facilement ce sujet ; au total l’être humain se retrouve seul, ne souhaitant pas inquiéter les êtres aimés !  La pensée religieuse avec son imaginaire d’une prolongation de la vie dans un univers irrationnel peut paraître un recours pour certains mais dans la réalité elle ne répond pas à la problématique de l’acceptation de la fin de vie !

Si la règle générale retrouve ce refus de l’évidence et une volonté acharnée de faire triompher la vie, dans de nombreux cas, dans son for intérieur, l’être humain a conscience que la fin de vie va arriver ; malheureusement la dégradation de l’état de conscience, favorisé par une médication antalgique et sédative, l’éloigne de plus en plus de la verbalisation et c’est dans le silence que la mort survient.

La démarche maçonnique nous ouvre des pistes mais là aussi, l’ambiance sociétale ne favorise pas qu’on les emprunte.

Il y a cette mort symbolique qui préside à notre initiation ; la pratique du testament philosophique pourrait être un premier pas mais elle est souvent mal comprise et dévoyée et pour finir, l’occasion est bien souvent manquée !

Et, bien sûr, le gros morceau c’est la mort au 3ème degré et la connaissance du symbolisme de la mort d’Hiram. Les dérives mystiques d’un Oswald Wirth ou d’un Jules Boucher en ont privilégié une interprétation qui ressemble à un autre déni pour une fuite dans un autre imaginaire.

De sorte que rares sont les travaux au 3ème degré qui abordent franchement la question et qui permettent un réel partage d’une expérience existentielle fondamentale.

Pour avoir accompagné récemment deux de nos frères dans leurs fins de vie, je voudrais ici témoigner qu’il ne faut pas attendre l’agonie pour s’en préoccuper et se préparer.

Deux frères, appelons les Jacques et André, deux situations comparables : des cancers invasifs, une dégradation des fonctions vitales, la souffrance et l’ambiance hospitalière. Dans les deux cas, la conscience a été conservée jusqu’à deux jours avant le décès.

Mais si pour Jacques le déni s’est imposé, en partie par l’influence familiale, André lui a exprimé cette acceptation de la mort, aussi bien à sa famille qu’aux frères et sœurs, dont j’étais, qui l’ont accompagné.

Autant la mort de Jacques n’a été que souffrance, souffrance silencieuse exprimée par le corps, le regard, le faciès, autant celle d’André m’a semblé plus sereine et plus conforme à celle que l’on peut attendre d’un initié. Le seul regret d’André aura été de ne pas avoir pu être chez lui.

L’émotion ressentie a inspiré ces quelques lignes :

Qu’attendre de la démarche maçonnique pour préparer sa mort ?

La réflexion sur la mort initiatique, le symbolisme des rituels, la spécificité du troisième, la grande proportion de frères et de sœurs âgées et le caractère intimiste des tenues sont des éléments objectifs qui donnent à la démarche maçonnique une spécificité que l’on ne retrouve pas dans le monde profane et qui doivent permettre de mieux préparer la fin de notre existence et ceci bien avant l’échéance.

Pour cela, on pourrait suggérer quelques éléments de réflexion :

  • Comprendre le déni sociétal de la mort,
  • Favoriser le partage du vécu de certains d’entre nous,
  • Préparer la nature et les conditions de l’appui fraternel dans la fin de vie,
  • Recueillir les volontés et les conditions de leur exécution.
Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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