jeu 31 octobre 2024 - 09:10

Réflexions pour le monde d’après

Comme tout le monde, je suis confiné chez moi. J’ai pu trouver de quoi m’occuper, qui me prend du temps : recoudre ma tenue d’arts martiaux, aménager un coin bureau digne de ce nom pour m’occuper de projets de longue haleine, classer ma bédéthèque (8 mètres linéaires), tenter de télétravailler, réduire mon année de retard en lecture de livres divers, me refaire une santé et bien sûr, garder les liens avec les outils modernes. D’ailleurs, mes Frères et moi parvenons à communiquer ensemble via des outils de téléconférence.

Et comme je suis souvent connecté, je peux lire les journaux divers et réfléchir non seulement au présent mais aussi à l’avenir. Ainsi, j’ai appris avec joie que des milliards allaient être débloqués pour soutenir les entreprises, et peut-être même l’hôpital public. Il me semblait qu’en pleine crise, il avait été rétorqué aux personnels soignant qu’il n’y avait « pas d’argent magique ». Si ces milliards sont disponibles d’un coup de baguette magique, pourquoi ne pas les avoir mobilisés avant, pour, au hasard, créer des logements sociaux (voire des logements tout court) là où il y en avait besoin, dans les « zones en tension » pour reprendre les termes à la mode ? Ou permettre le maintien d’activités industrielles et donc les équilibres socio-économiques locaux ?

L’avantage des crises, pour les dirigeants, c’est que ces derniers peuvent créer des lois vers la société d’ordre et par conséquent s’amuser à réduire chaque jour un peu plus les libertés individuelles. Il n’y a qu’à étudier certaines dispositions de lois d’exception passées dans le droit commun durant l’état d’urgence proclamé au lendemain des attentats du 13 novembre 2017. Dispositions qui tendent à renforcer le pouvoir de l’exécutif au détriment du judiciaire, par exemple…

Là, le danger est différent, même si le principe est le même. D’après l’hebdomadaire Mariannei, il semblerait que le gouvernement ait décidé d’utiliser la crise comme prétexte pour revenir sur certains acquis sociaux comme les 35 heures ou les congés payés… Certes, il s’agit de lois d’exception. Néanmoins, le mot «provisoire » a été omis de ces textes de lois. Négligence ou malveillance ?

Nous avons une tradition dans notre beau pays de voter des lois d’exception pour chaque situation exceptionnelle, qui perdurent dans le droit commun. Parfois même au détriment des rédacteurs et législateurs de la loi d’exception, d’ailleursii. Néanmoins, le danger est grand, très grand de voir ce que nos ancêtres avaient acquis réduit à néant par une clique néolibérale et inhumaine, dont l’ardoire ne cesse de s’alourdir : réforme des retraites inepte, injuste et impopulaire passée par article 49-3, refus d’extension des congés de deuil d’enfants, au motif de coût trop élevés pour l’entreprise, accélération de la casse des hôpitaux (dont nous subissons les conséquences aujourd’hui), réforme de la fonction publique (adoptée en douce en août), réforme des impôts et de la fiscalité qui ont eu pour effet de priver le secteur associatif de ressources indispensables, privatisations diverses de biens stratégiques au profit d’intérêts privés, sans compter les nombreux conflits d’intérêt des uns et des autres. Nous avons aussi sur cette même ardoise le blocage d’une directive européenne sur l’allongement du congé parental pour les jeunes pèresiii. L’égalité homme-femme n’entre donc pas dans le « proooooooooojeeeeeet » de la « start-up nation ». Trop cher pour l’entreprise, paraît-il. Dommage, car si les femmes étaient payées de manière égale aux hommes, il y aurait étrangement moins de problème de coûts pour les assurances sociales. A méditer…

Mes problèmes de hernie font que je ne m’abaisserai à évoquer les frasques des uns des autres, assez idiots pour être pris en photo ou vidéo dans des situations compromettantes. Le tableau est chaque jour un peu plus moche, certes, mais au final, stationnaire. On se souviendra de l’éloge funèbre de Clémenceau à l’endroit du président Félix Faure, retrouvé mort en compagnie de sa maîtresse : « il voulut finir César, il ne finit que Pompé ». Ah, que des gens comme Clémenceau nous manquent.

J’en viens à me demander ce que nous attendons des gens qui nous dirigent. De l’efficacité pour les missions de l’État, certes. Mais dans ce cas, des hauts fonctionnaires formés au commandement ou à la gestion de crise devraient suffire, non ? De l’amour, peut-être ? Ou au moins, de la considération ? Hum, quand un chef d’État parle de « gens qui ne sont rien » en évoquant le peuple qui l’a porté au pouvoir, je crois qu’on a encore du boulot. Se départira-t-on un jour du mépris de classe ?
Le problème est qu’il est difficile d’attendre quoi que ce soit d’une aristocratie privilégiée, coupée de la réalité du monde ( aristocratie souvent héréditaire et endogame, rendant ainsi caduque l’espérance de la méritocratie républicaine). En fait, je me demande si nous n’attendons pas de nos dirigeants une éthique des vertus, à savoir se comporter comme des gens de bien, vertueux. D’où le fait que leurs frasques filmées nous sont de plus en plus intolérables.

Pour ma part, outre un minimum d’exemplarité, j’attends de nos dirigeants un peu de pensée à long terme dans leur action, avec peut-être un peu de régulation dans l’économie, ne fût-ce que pour éviter de laisser fermer, par exemple une usine d’équipements sanitaires tels que des masques médicauxiv , en Bretagne, pour le profit de quelques uns. Les plans de relance montrent bien que l’économie est un fait politique et non un phénomène en tant que tel. Donc il est faisable de créer une économie respectueuse du droit, de l’environnement et surtout, utile en cas de problème. Oui, c’est keynesien. Mais John Maynard Keynes ne s’est jamais trompé, contrairement à Alan Greenspan.

En fait, il faut comprendre, que dans l’esprit français, il y a toujours de la méfiance entre ce qui vient du pouvoir central et la base, en raison de l’absence de connexion entre ces deux lieux. L’histoire de l’administration française est celle de la centralisation du pouvoir et de la gestion d’un territoire vaste, liant plusieurs territoires que tout sépare. La Convention et les régimes qui ont suivi ont tenté d’instaurer une langue, le français parlé en Touraine et un grand récit (le fameux « Nos ancêtres les Gaulois ») pour tenter d’assembler ce qui était épars. Malheureusement, l’imposition de cette norme s’est faite par la force. A ce propos, les corps intermédiaires, ceux que le pouvoir en place a méprisés et lessivés, avaient pour fonction d’adoucir les esprits. Je crains qu’il ne soit trop tard maintenant.

Dernière petite réflexion pour la semaine, à propos de contrat social : l’Acte Unique, le Traité de Maastricht et tous ces documents qui constituent le « droit primaire » imposent à l’État de ne garder que ses fonctions régaliennes (police, armée, justice, fiscalité). Et si, dans ces fonctions régaliennes, on y incluait aussi la santé ? On aurait ainsi un peu plus de contrôle sur le nombre de lits disponibles, on paierait un peu mieux le personnel soignant, et on limiterait les dégâts des Diafoirus des grands laboratoires ! Dans la mesure où les fonctions régaliennes consistent à maintenir l’existence de l’État et donc celle de ces citoyens ou sujets, la santé y a largement sa place. Le débat doit être lancé, pour notre futur à tous.

Certains me reprocheront de trop politiser mon propos, voire d’être un pilier de café du commerce. Ils en ont le droit. Néanmoins, je crois utile, en tant que Franc-maçon, d’appeler à la vigilance, voire d’alerter sur la casse du contrat social français, contrat social dans lequel nos prédécesseurs ont été très impliqués, quand ils ne l’ont pas tout simplement établiv.

Plus que jamais, soyons vigilants.

Ne nous laissons plus faire.

J’ai dit.

ihttps://www.marianne.net/societe/c-est-confirme-la-loi-urgence-coronavirus-va-revenir-sur-les-droits-aux-conges-les-35-heures

iihttps://youtu.be/O2Vq0SVSdXg

iiihttps://www.marianne.net/societe/conge-parental-la-france-la-manoeuvre-pour-bloquer-une-directive-europeenne-favorable-l

ivhttps://www.ouest-france.fr/bretagne/plaintel-22940/cotes-d-armor-38-emplois-menaces-honeywell-le-fabricant-de-masques-plaintel-5764734?fbclid=IwAR0gpIOnMBk8KkARVexKjEylQgaLy-lDWjL961IgACi0ncxm4sLGgfuwzd0

vVoir à ce propos mon billet sur le solidarisme, sur cette même plate-forme.

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).
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