mar 22 juillet 2025 - 05:07

Crise de la Franc-maçonnerie cubaine : entre dignité et manipulation

De notre confrère cubain diariodecuba.com

« Mieux vaut que la maçonnerie ferme et disparaisse dans la dignité plutôt que de la voir manipulée par le régime. »

En juillet 2025, la franc-maçonnerie cubaine traverse une crise sans précédent, marquée par des tensions internes et une pression croissante du régime. Une phrase percutante, prononcée par l’écrivain Ángel Santiesteban et analysée avec l’avocate Edel González dans un récent entretien publié sur Diario de Cuba, résume l’enjeu : « Il vaut mieux que la franc-maçonnerie soit fermée et disparaisse dans la dignité plutôt que de la voir manipulée de manière flagrante par le régime. » Cette déclaration illustre un débat profond sur l’autonomie de cette institution face à l’ingérence étatique, un sujet qui préoccupe les membres et suscite des interrogations sur l’avenir de la franc-maçonnerie à Cuba.

Une institution sous influence

Âne Santiesteban-Prats. Journal cubain

Historiquement, la franc-maçonnerie a joué un rôle influent dans la société cubaine, notamment lors des luttes pour l’indépendance au XIXe siècle. Cependant, sous le régime actuel, elle est confrontée à une régulation stricte imposée par le Ministère de la Justice, qui supervise ses activités. Selon les analystes, cette tutelle s’est transformée en une forme de contrôle, avec des accusations récurrentes d’infiltration par des agents de la Sécurité de l’État. Ángel Santiesteban, connu pour ses critiques envers le gouvernement, souligne que cette manipulation vise à aligner les loges sur les objectifs politiques du Parti communiste, sapant ainsi leur indépendance spirituelle et philosophique.

Edel González, avocat engagé dans la défense des droits humains, ajoute que des fonds en devises, essentiels au fonctionnement des loges, sont criminalisés ou confisqués, accentuant la pression financière. Cette stratégie, selon elle, vise à affaiblir l’organisation de l’intérieur, rendant ses membres vulnérables face aux directives étatiques. Ces interventions soulèvent des questions sur la capacité de la franc-maçonnerie à préserver ses valeurs traditionnelles, comme la liberté de pensée et la fraternité, dans un contexte autoritaire.

Une révolte interne

La crise a atteint un point culminant avec des actions spectaculaires menées par des membres dissidents. En juillet 2025, des groupes de francs-maçons ont tenté de reprendre le contrôle de la Grande Logie de Cuba, accusant le Gran Maestro, Mayker Filema Duarte, d’avoir été imposé par le régime. Cette destitution, décidée lors de réunions extraordinaires, marque une rupture ouverte avec les dirigeants perçus comme des « faux frères » au service de la dictature.

Ces événements, largement relayés sur les réseaux sociaux, traduisent une volonté de résistance, mais aussi une fracture au sein de l’institution.Les témoignages recueillis indiquent que cette implosion est le résultat d’une tension croissante, accumulée sur plusieurs années. Certains membres estiment que la franc-maçonnerie cubaine, autrefois un espace de débat et de réflexion, est devenue un outil de propagande, vidant ses rituels de leur sens originel.

Cette situation pousse une partie de la communauté à préférer la dissolution plutôt qu’une soumission dégradante.Une dignité menacéeLa phrase de Santiesteban reflète un dilemme éthique central : préserver l’intégrité de la franc-maçonnerie au prix de sa disparition, ou la laisser survivre sous une forme dévoyée. Pour González, cette option de fermeture serait un acte de résistance symbolique, permettant aux membres de maintenir leur honneur face à une manipulation qui trahit les idéaux maçonniques. Cependant, cette perspective divise, certains plaidant pour une lutte interne afin de restaurer l’autonomie, malgré les risques.

En 2025, cette crise s’inscrit dans un contexte plus large de restrictions sociales à Cuba, où les libertés individuelles sont de plus en plus limitées. La franc-maçonnerie, en tant qu’organisation structurée et influente, devient un symbole de cette bataille entre contrôle étatique et aspiration à l’indépendance. Les débats sur son avenir reflètent ainsi une lutte plus vaste pour la dignité et l’identité dans un pays en proie à des défis économiques et politiques.

Une issue incertaine

À ce jour, l’issue de cette crise reste incertaine. Les tentatives de récupération de la Grande Loge ont suscité des réactions contrastées, allant de l’espoir à la répression. Le régime, de son côté, nie toute ingérence, affirmant respecter l’autonomie des organisations privées, une position largement contestée. Pendant ce temps, la communauté maçonnique cubaine se trouve à un carrefour, tiraillée entre la résilience et la résignation.

Cet épisode illustre une tension universelle :

Jusqu’où une institution peut-elle préserver ses valeurs face à des pressions extérieures ? Pour Ángel Santiesteban et Edel González, la réponse réside dans un choix radical, où la dignité prime sur la survie à tout prix.

En juillet 2025, la franc-maçonnerie cubaine incarne ainsi un microcosme des luttes pour la liberté dans un contexte autoritaire, offrant une réflexion poignante sur les compromis imposés par le pouvoir.

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Erwan Le Bihan
Erwan Le Bihan
Né à Quimper, Erwan Le Bihan, louveteau, a reçu la lumière à l’âge de 18 ans. Il maçonne au Rite Français selon le Régulateur du Maçon « 1801 ». Féru d’histoire, il s’intéresse notamment à l’étude des symboles et des rituels maçonniques.

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