A première vue, la sincérité est une. On est sincère ou on ne l’est pas ! Et dans ces conditions mon exposé devrait être vite terminé. Et puis je me suis très vite rendu compte que le sujet était beaucoup vaste qu’il n’y paraissait à première vue. Je suis donc parti d’une feuille blanche, sachant qu’aucun manuel ne pourrait m’être utile, en essayant de trouver, une réponse à ce vaste sujet.
Je vous livre donc l’état de mes réflexions, que j’ai scindé en deux principales parties, la première étant consacrée à la définition de la sincérité, la seconde étant consacrée à sa mise en œuvre dans notre rite.
Pour moi être sincère équivaut à dire la vérité, faire état de ses pensées, de ses sentiments, de ses motivations, en fait être transparent.
Mais la sincérité c’est également être authentique, de bonne foi, franc, scrupuleux, honnête et impartial … en fait être un cœur pur. « Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu ».

La notion de sincérité est aussi pour moi indissociable de l’éthique et de la morale, mais en disant cela j’ai conscience qu’il faut aussi poser le problème de la définition même de l’éthique et de la morale. Pour faire simple, alors que le sujet est éminemment complexe, je dirai qu’il s’agit des valeurs universellement reconnues en précisant pour limiter le sujet dans notre monde occidental et dans notre civilisation judéo chrétienne.
En effet comment pourrait-on parler des valeurs d’Adolf Hitler et de sa clique qui voulaient se débarrasser des Juifs et des Francs Maçons, tout comme des islamistes qui décrètent lors d’une fatwa récente (qu’outre les Juifs), les Francs maçons : « sont un grand danger et ses objectifs vicieux, l’Assemblée de jurisprudence a déterminé que la franc-maçonnerie fait partie des organisations les plus dangereuses et les plus destructrices pour l’islam et les musulmans. D’autre part, celui qui adhère à cette organisation tout en connaissant sa réalité et ses objectifs, est considéré comme mécréant, et non pas comme musulman. »
Tout un programme pour un futur holocauste…
Pour revenir au cœur de notre sujet, la notion de sincérité est forcément duale : on est sincère par rapport à soi (l’image du miroir) et par rapport aux autres (le monde). Mais cette notion est forcément fluctuante en fonction de chaque individu, de ses croyances, de son éducation et des valeurs qui sont siennes.
Je pourrais définir la sincérité aussi à contrario et dans ces conditions elle est le contraire de la fausseté, de l’hypocrisie et du mensonge. Voici dans une première analyse mon sentiment sur ce sujet, mais quelles sont les définitions données par nos penseurs et philosophes ?
J’en ai trouvé plusieurs.
C’est ainsi que :
Dans la tradition confucéenne, la sincérité qu’on peut aussi traduire par honnêteté ou fidélité est une vertu de clarté et de transparence dans les relations sociales. Elle est donc définie par rapport aux autres et à la vie sociale.

Aristote donne une analyse différente de la sincérité : Est sincère l’homme « qui reconnaît l’existence de ses qualités propres, sans y rien ajouter ni retrancher. ». Aristote reconnaît que la sincérité comme la fausseté peuvent être utilisées dans un but précis ou sans but, mais que le « véritable caractère de tout homme se révèle dans le langage, les actes et la façon de vivre, toutes les fois qu’il n’agit pas en vue d’une fin ». Il indique que la sincérité est une vertu noble, et que son contraire est méprisable.
Il s’agit donc d’une définition plus large que celle de Confucius puisqu’elle y rajoute la notion d’honnêteté vis-à-vis de soi, et la notion de désintérêt dans les rapports humain.
La sincérité a aussi une valeur Biblique, sur laquelle insiste un des dix commandements (« Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain (Exode 20.16) »). Règle de vie en commun, règle d’estime de soi et de désintéressement, elle prend ici une autre valeur, dans le cadre de l’universalité Divine.
Dans le nouveau testament Jésus dit :
« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. » (Mathieu 7:12). En d’autres termes, traitez les autres comme vous aimeriez être traités. Ce principe fondé sur l’amour, ou cet intérêt porté à notre prochain est devenu la « Règle d’Or » de la déontologie, car c’est le seul moyen de garantir la paix et l’harmonie entre tous. Cette règle d’or aide à discerner, dans les situations concrètes, s’il convient ou non de révéler la vérité à celui qui la demande.

Le respect de la réputation et de l’honneur des personnes interdit toute attitude ou toute parole de médisance ou de calomnie. Les confidences préjudiciables à autrui n’ont pas à être divulguées. Les secrets professionnels doivent être gardés.
Cette règle d’or met l’Amour au centre des rapports humains, en introduisant des limites à la sincérité : ne pas blesser l’autre, agir avec délicatesse, c’est le corollaire du commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même.(Mt 22,37) »
A ce stade de l’exposé, je pourrai citer d’autres penseurs comme Montesquieu qui disserte dans l’éloge de la Sincérité en distinguant la sincérité dans la vie privée et la sincérité par rapport au commerce des grands en concluant de manière magistrale : « Détestons la flatterie ! Que la Sincérité règne à sa place ! Faisons-la descendre du Ciel, si elle a quitté la Terre. Elle sera notre vertu tutélaire. Elle ramènera l’âge d’or et le siècle de l’innocence, tandis que le mensonge et l’artifice rentreront dans la boîte funeste de Pandore. », Saint Augustin, Montaigne, Pascal, Rousseau ont eux aussi apporté leur pierre à l’édifice de la définition de la sincérité…

Mais parmi les penseurs, il existe aussi des détracteurs de la notion d’universalité des valeurs sur lequel est adossé la sincérité. Ils affirment que les valeurs universelles auxquelles elle fait référence ne sont que le produit de l’évolution historique en d’autres termes les valeurs du monde occidental, ne sont pas celles des tribus africaines. Devant cette critique je rétorquerais qu’il existe quelque soit l’endroit du monde dans lequel on se trouve un plus petit dénominateur commun, une valeur sur laquelle la sincérité peut asseoir son universalisme : l’Amour.
A ce stade je voudrai à nouveau recentrer le sujet sur ce qui me semble important voire central.
Tout ce que je sais, c’est-à-dire pas grand-chose, me ramène inexorablement, à la symbolique de notre temple, à la fraternité entre ses membres, toutes choses qui font que le Grand Architecte de l’Univers et/ou Dieu sont sur une même ligne, une même philosophie, un même enseignement.
Or les francs maçons pratiquent cette vertu telle que nous l’avons décrite dans leur Temple et c’est cette démonstration qui constitue la deuxième partie de cet exposé.
En corollaire de cette affirmation je donnerai quelques exemples :
Reprenons le jour de notre (mon) initiation où enfermé dans le cabinet de réflexion et seul face au miroir, je me suis posé la question est-ce bien ce que tu veux ? Or qu’est-ce que cette épreuve si ce n’est de rechercher au fond se soi la sincérité la plus absolue dans une démarche difficile. Le miroir placé en face de moi était là pour me rappeler sans cesse cette nécessaire quête.
Deux autres exemples me viennent en tête, l’entrée dans le Temple le Cœur dénudé et le pas de l’apprenti qui débute avec le pied gauche, ne sommes nous pas devant la symbolique du « Cœur Pur », de la Sincérité ?
Par ailleurs ma première entrée dans le Temple m’a rappelé qu’il fallait que je reste humble, non seulement vis-à-vis de moi, mais surtout vis-à-vis de ceux qui allaient devenir mes frères et d’accepter sans arrière pensée de n’être qu’une pierre brute. Ce message je l’ai bien reçu et je l’avais anticipé dans le cabinet de réflexion : rester humble et sincère.

Ce message m’a renvoyé à la parabole de la « Porte Etroite » : «Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas ». La porte du Temple/du Royaume de Dieu semblait promise à l’élite, or cette parabole nous dit qu’il n’en est rien, ce n’est pas une question de rite, de savoir, mais plus d’attitude, et d’invitation à l’authenticité dans sa foi, de sincérité- Nous y revoilà !
Un autre exemple tient à l’ouverture de la Bible à la première page de l’Evangile de Jean dont l’un des messages est « aimez vous les uns les autres », c’est l’Evangile de l’Amour, c’est aussi, à mon sens LA valeur universelle sur laquelle doit reposer la sincérité, c’est aussi le rappel de la règle d’or.
Il me serait impardonnable d’omettre, le fondement de notre obédience, dite Anciennes Obligations qui dispose comme obligation faite à chaque maçon de « Cultiver l’Amour Fraternel » fondement et clé de voûte de la Franc-maçonnerie universelle.
Alors oui pour moi la Franc-maçonnerie a fait sienne les définitions ci-dessus et applique concrètement la sincérité, basé sur l’amour fraternel de ses membres. C’est même un des premiers enseignements donné lors des voyages initiatiques.
Dès lors les rapports entre frères ne peuvent être qu’authentiques puisque basés sur cette notion. Il en est ainsi lors de chaque intronisation, ou chaque impétrant se voit offrir à plusieurs moments la possibilité de revenir en arrière et de renoncer à ses premiers vœux.
Il en est ainsi des rapports entre frères reposant sur la même notion, permettant ainsi à tout un chacun de pouvoir s’exprimer sans avoir peur d’être jugé et de pouvoir ainsi avancer sans tabous dans sa quête de Vérité. A contrario un frère ne cultivant pas cette vertu serait très vite démasqué. Dès lors la sincérité se pose comme une des clés de voûte de la Maçonnerie, un principe de base, sans elle plus rien n’est possible.
Mais le temps presse et il me faut conclure.
Oui, la franc maçonnerie pratique véritablement dans le secret de son temple, la sincérité, vis-à-vis de soi, vis-à-vis des autres.
Mais pour moi cette recherche va plus loin, car lorsque nous pratiquons la chaîne d’union sous la voûte étoilée, non seulement toutes les énergies des membres de la loge sont concentrées en ce lieu ici bas dans une même synergie d’amour et de sincérité, mais aussi notre communion, véritable Egrégore, nous donne le sentiment de partager un moment d’éternité avec ce qui nous dépasse et qui est au dessus de nos têtes, qui est à la fois notre passé et notre avenir.
Oui je trouve que la franc maçonnerie est une des rare fraternité ou l’amour du prochain est véritablement vécu
Merci pour ce bel article.
Le miroir dans le cabinet de réflexion et la question de la sincérité… je m’y vois encore…