mar 08 juillet 2025 - 18:07

L’Expérience mystique selon C.G. Jung

Une Analyse de la voie de l’individuation et de la réalisation du Soi

Cet article reprend et résume la thèse de doctorat de Luc Beaubien, L’Expérience Mystique Selon C.G. Jung : La Voie de l’Individuation ou la Réalisation du Soi. Je rends ainsi hommage à la profondeur de l’analyse de Luc Beaubien et à la complexité de l’héritage de Jung, un penseur qui, par son exploration du Soi, invite à une rencontre avec le divin au-delà des dualités.

Cette étude examine comment Jung, à la fois scientifique rigoureux et esprit sensible au numineux, articule une vision du divin qui transcende les cadres traditionnels de la psychologie, de la théologie et de la philosophie.

Introduction : Le Fil Conducteur de la Question Mystique

L’introduction de la thèse pose une question fondamentale qui résonne tout au long de l’œuvre de Jung : est-il un homme de science, un psychologue, un philosophe ou un mystique ? Cette ambiguïté, loin d’être une faiblesse, est au cœur de sa contribution intellectuelle. Il y est souligné que la question du divin, et plus précisément du Soi, est omniprésente dans l’œuvre de Jung. Le Soi est défini comme « non seulement le centre, mais aussi la circonférence complète qui embrasse à la fois conscient et inconscient ; il est le centre de cette totalité comme le moi est le centre de la conscience » (Ma Vie, p. 462). Ce concept central de la psychologie analytique est exploré à travers la conjunctio oppositorum – la conjonction des opposés – une formule qui encapsule l’expérience de Dieu comme une synthèse des conflits psychiques.

Beaubien pose une question clé : l’individuation, en tant que voie universelle de connaissance de soi, peut-elle conduire à des états de conscience comparables à ceux décrits par les mystiques de diverses traditions spirituelles ?

Pour répondre, il distingue le savoir théorique de Jung, ancré dans une approche phénoménologique inspirée de Kant, de son vécu personnel, marqué par des expériences numineuses – ces rencontres avec une réalité transcendante qui inspirent crainte et fascination. Comme il l’écrit dans le Résumé I, « le témoignage personnel de C.G. Jung révèle davantage de profondeur concernant la question de Dieu que le savoir théorique dont ce dernier fait état » (p. 2). Cette distinction est l’originalité de la thèse, qui soutient que la richesse de la pensée de Jung réside dans l’interaction entre son empirisme rigoureux et son esprit mystique.

Jung lui-même souligne l’importance de rendre conscient l’inconscient pour enrichir la vie : « Plus la raison critique prédomine, plus la vie s’appauvrit ; mais plus nous sommes aptes à rendre conscient ce qui est inconscient et ce qui est mythe, plus est grande la quantité de vie que nous intégrons. La surestimation de la raison a ceci de commun avec un pouvoir d’état absolu : sous sa domination, l’individu dépérit » (Ma Vie, p. 344). Cette idée guide l’analyse de Beaubien, qui explore comment l’individuation, en réconciliant les opposés, ouvre la voie à une expérience mystique. La thèse souligne également la complexité du Soi, un concept difficile à circonscrire, mais essentiel pour comprendre les conflits intérieurs et les transformations psychologiques. Jung note que « le conflit intérieur étant toujours à l’origine des transformations psychologiques d’un individu, la réintégration des contraires devient, dans l’œuvre de Jung, son thème central » (p. 10).

L’introduction conclut en identifiant les sources principales utilisées par Beaubien, notamment Ma Vie, Le Divin dans l’Homme, Aion, Mysterium Conjunctionis, et divers articles des Cahiers Jungiens de Psychanalyse. Ces textes permettent de cerner la perspective de Jung sur le Soi et sa relation avec l’expérience mystique, un thème que la thèse explore à travers une méthodologie qui privilégie le vécu de Jung autant que ses théories.

Première Partie : Dieu et l’Homme

I. L’Épistémologie

a) L’Empirisme

Jung se définit comme un empiriste, une position qu’il maintient tout au long de sa carrière. Un article du British Medical Journal (9 février 1952), approuvé par Jung, déclare : « Les faits d’abord et les théories ensuite, telle est la note dominante de l’œuvre de Jung. Il est un empiriste du début à la fin » (p. 16). Cette approche empirique est ancrée dans une méthode phénoménologique inspirée de Kant, qui se concentre sur l’observation des phénomènes psychiques sans recours à des spéculations métaphysiques. En 1940, Jung précise : « Encore qu’on m’ait souvent traité de philosophe, je suis un empiriste comme tel, et je m’en tiens au point de vue phénoménologique […] je traite ce sujet d’un point de vue purement empirique, me bornant à l’observation de phénomènes, et m’abstenant de toute considération métaphysique ou philosophique » (Psychologie et Religion, p. 14).

Cette méthode est particulièrement évidente dans son approche des phénomènes religieux, qu’il considère comme des expressions de la psyché humaine. Jung écrit : « En me proposant d’analyser la trinité, ce symbole central du christianisme, à partir de la psychologie, j’ai conscience de pénétrer dans un domaine apparemment très éloigné de celui où évolue le psychologue. Cependant, les religions sont à mon sens, tant par leur nature que par leurs doctrines, si proches de l’âme humaine que la psychologie n’a pas le droit de les ignorer » (Essais sur la Symbolique de l’Esprit, p. 150). Pour Jung, les images religieuses, comme la Trinité, sont des projections de l’inconscient collectif, contenant des archétypes – des modèles universels qui structurent l’expérience humaine. Cette perspective psychologique suscite des critiques, certains accusant Jung de « psychologisme », c’est-à-dire de réduire la religion à des phénomènes psychiques. Il répond à ces critiques en 1929 : « C’est pourquoi ma manière d’approcher ce problème, (religion) me vaut souvent le reproche de ‘psychologisme’. […] je dépouille les choses de leur aspect métaphysique pour en faire des objets de psychologie » (Commentaire sur le Mystère de la Fleur d’Or, p. 69–70).

b) La Théorie Psychique

La théorie de la psyché de Jung est fondamentale pour comprendre sa conception du Soi.

Il distingue le moi, défini comme « la seule partie du psychisme que nous connaissons et pouvons connaître puisque le reste est inconscient » (Cercle de Psychologie Analytique de Montréal, cité p. 14), du Soi, qui représente la totalité de la psyché, englobant à la fois le conscient et l’inconscient.

Jung commence sa carrière à l’hôpital psychiatrique de Burghölzli à Zurich en 1900, où il développe des expériences d’association verbale (1904–1905). Ces tests révèlent l’existence de complexes, qu’il décrit comme « des contenus psychiques qui se sont séparés de la conscience et qui mènent une existence autonome dans la sphère obscure de l’âme, d’où ils peuvent à tout moment entraver ou favoriser des activités conscientes » (Problèmes de l’Âme Moderne, p. 200). Les complexes, chargés d’émotion, sont des indicateurs de conflits psychiques non résolus, mais aussi des opportunités de croissance.

Le Soi, en tant qu’archétype de la complétude, orchestre l’intégration de ces complexes et d’autres contenus inconscients, comme l’anima (l’aspect féminin de la psyché masculine) et l’animus (l’aspect masculin de la psyché féminine). Jung souligne que « le moi n’étant que le centre du champ de la conscience, ne se confond pas avec la totalité de la psyché ; ce n’est qu’un complexe parmi d’autres » (p. 15). La relation entre le moi et le Soi est dynamique, le moi servant de pont vers les contenus inconscients. Comme le note Michel Cazenave, citant Maître Eckhart : « L’œil par lequel je vois Dieu est le même œil par lequel Dieu me voit : mon œil et l’œil de Dieu sont un seul œil, une seule vision, une seule connaissance, un seul amour » (cité p. 40). Cette idée illustre l’unité ultime entre le moi et le Soi, un thème central de l’individuation.

c) L’Inné et l’Acquis

Jung s’oppose au behaviorisme, qui réduit le psychisme à des comportements observables, en insistant sur l’importance de l’inconscient collectif et des archétypes innés. Il postule une interaction entre l’inné (les structures archétypales) et l’acquis (les expériences individuelles), enrichissant sa conception du Soi comme une instance supérieure transcendant le moi. Cette perspective permet à Jung de dépasser les approches réductionnistes de son époque, en reconnaissant la complexité du psychisme humain.

d) Jung et le Behaviorisme

Jung critique le behaviorisme pour son incapacité à rendre compte de la réalité psychique. Il soutient que le psychisme est une réalité irréductible, distincte du physique, bien qu’il n’exclue pas une interaction entre les deux. Cette position est cohérente avec son empirisme, qui privilégie l’observation des phénomènes psychiques sans présupposer leur nature ultime.

e) Conclusion

La première section conclut que l’épistémologie de Jung, bien qu’ancrée dans l’empirisme, est marquée par une ambiguïté. Sa méthode phénoménologique limite les assertions métaphysiques, mais ses expériences personnelles suggèrent une ouverture à une dimension transcendante. Beaubien note que « les vues théoriques de Jung ou encore sa perspective phénoménologique sur Dieu sont claires », mais « son point de vue sur Dieu nous livre d’autres secrets » (p. 17).

II. L’Individuation

L’individuation est le processus par lequel un individu devient un tout psychique, réconciliant le conscient et l’inconscient.

Jung décrit ce processus comme une « connaissance de soi » (p. 52), impliquant une confrontation avec l’inconscient à travers des expériences telles que les rêves, les visions et les synchronicités. Il introduit la notion de « fonction transcendante » (p. 71), un mécanisme psychique qui facilite l’intégration des opposés, permettant au moi de s’aligner avec le Soi.

Beaubien souligne que l’individuation n’est pas seulement psychologique, mais spirituelle. Elle peut conduire à des états de conscience mystiques, comparables à ceux décrits par les traditions chamaniques ou spirituelles. Jung relie l’individuation à l’« objectivité psychique » (p. 66), où les contenus de l’inconscient acquièrent une réalité autonome, et à l’« expérience chamanique » (p. 62), où l’individu entre en contact avec des forces transpersonnelles.

III. Le Parcours de Jung Depuis l’Enfance

La vie de Jung est marquée par des expériences numineuses dès l’enfance, qui façonnent sa compréhension du divin. Il écrit : « Je trouve que toutes mes pensées tournent autour de Dieu comme les planètes autour du soleil et qu’elles sont irrésistiblement attirées par lui comme les planètes par le soleil. Je ressentirais comme le plus gros des péchés de vouloir opposer une résistance à cette force » (Ma Vie, p. 17). Ces expériences, détaillées dans Ma Vie (p. 140–172), incluent des visions et des rêves qui révèlent un inconscient actif et autonome.

Sa thèse de médecine et son travail à l’hôpital psychiatrique de Burghölzli renforcent son intérêt pour l’inconscient, notamment à travers l’étude des psychoses et des névroses. Beaubien note que Jung distingue entre expériences mystiques et états psychotiques (p. 91), une distinction cruciale pour comprendre son approche du numineux. Ses recherches sur la psychopathologie, notamment sur la névrose et la psychose (p. 97), l’amènent à reconnaître que les expériences mystiques peuvent être mal interprétées comme pathologiques.

IV. Le Dieu de Jung

a) La Transcendance

Jung aborde la question de Dieu à travers les notions de transcendance et d’immanence. Il ne nie pas l’existence d’un Dieu transcendant, mais s’abstient d’en parler, préférant se concentrer sur les représentations psychiques. Il écrit : « Un archétype – dans la mesure où il est possible d’en constater empiriquement l’existence – est une imago. Une imago, c’est, comme la notion même l’indique, une image de quelque chose […] On trouve de Dieu des images innombrables, mais l’original, lui, est introuvable. Il est pour moi hors de doute que derrière nos images se cache l’original, mais il nous est inaccessible » (La Vie Symbolique, p. 161).

b) L’Immanence

Cependant, Beaubien conteste cette inaccessibilité, arguant que Jung, dans ses expériences personnelles, accède au divin « non par la tête mais par le cœur » (p. 28). Cette tension est illustrée par des déclarations comme celle de 1959, où Jung affirme dans une interview : « Je ne crois pas, je sais » (cité p. 29). Cette certitude transcende l’analyse phénoménologique, suggérant une connaissance intuitive du divin. Dans une lettre à Valentine Brooke (16 novembre 1959), il précise : « Lorsque je dis que je n’ai pas besoin de croire en Dieu parce que je ‘sais’, je veux dire par là que je sais ce qu’il en est de l’existence des images de Dieu » (Le Divin dans l’Homme, p. 137–138). Pourtant, il va plus loin : « Cette étrange force qui se manifeste pour ou contre mes mouvements conscients m’est bien connue. C’est pourquoi je dis : ‘Je la connais.’ Mais pourquoi devriez-vous appeler ce quelque chose ‘Dieu’ ? Je répondrais : ‘Pourquoi pas ?’ On l’a toujours appelé ‘Dieu’ » (Le Divin dans l’Homme, p. 137–138).

c) Théologiens, Philosophes et Psychologues

Jung critique les théologiens pour leur dépendance à la foi dogmatique, affirmant : « Je connais la réalité de l’expérience religieuse, et je connais des modèles psychologiques qui en permettent une compréhension limitée. […] Chaque confession revendique pour elle-même ce privilège [de la vérité], de là la désunion généralisée » (La Vie Symbolique, p. 189). Il privilégie l’expérience directe sur la croyance, une position qui le rapproche des mystiques.

Deuxième Partie : Dieu et le Mal

I. L’Orient et l’Ombre

Jung s’inspire des philosophies orientales – taoïsme, hindouisme et bouddhisme – pour développer sa notion de l’ombre, l’aspect inconscient de la psyché contenant les traits refoulés ou non reconnus. Le principe taoïste du yin et yang résonne avec sa conjunctio oppositorum. Jung écrit : « L’archétype de Dieu existe et l’image archétypale, c’est-à-dire ses différentes représentations à travers le temps et la diversité des cultures, sont des données psychiques » (La Vie Symbolique, p. 161). Beaubien explore comment Jung intègre ces perspectives pour comprendre l’ombre comme une composante essentielle du Soi.

Dans le taoïsme, Jung trouve une confirmation de l’unité des opposés (p. 126), tandis que l’hindouisme et le bouddhisme l’aident à conceptualiser la non-dualité (p. 133–138). Cependant, sa méthode phénoménologique limite ses conclusions à des observations psychiques, évitant les affirmations métaphysiques. Il note : « On ne peut rien savoir métaphysiquement, mais seulement psychologiquement. C’est pourquoi, je dépouille les choses de leur aspect métaphysique pour en faire des objets de psychologie » (Commentaire sur le Mystère de la Fleur d’Or, p. 69–70).

II. Le Christianisme et l’Ombre

Jung critique le christianisme pour son incapacité à intégrer l’ombre, notamment le problème du mal. Dans Réponse à Job (1952), il analyse le Livre de Job pour montrer que Dieu possède une nature ambivalente, englobant le bien et le mal. Il écrit : « Ce que certains appellent l’instinct ou l’intuition n’est rien d’autre que Dieu. Dieu est cette voix en nous qui nous dit ce qu’il faut faire et ne pas faire. En d’autres termes, notre conscience » (Jung Parle, p. 196–197). Cette vision transcende le monothéisme chrétien, qui sépare le divin du mal.

Jung explore également la synchronicité, un principe d’ordre acausal reliant les événements psychiques et physiques. Il relie ce concept à l’« archétype de l’Unité » (p. 216), suggérant une réalité unifiée au-delà des dualités. Beaubien note que Jung reste ambivalent sur la question du mal, hésitant à affirmer un dépassement complet de l’ombre dans ses écrits théoriques.

Troisième Partie : Le Dieu Mystique

I. L’Individuation

Dans cette partie, Beaubien examine l’individuation comme une voie mystique, conduisant à la transcendance des opposés. Jung décrit l’individuation comme « le fait de devenir un tout, comprenant par définition la totalité du phénomène humain et la totalité de l’énigme de la nature » (Correspondance, 1958–1961, p. 228–229). Ce processus implique une réconciliation du moi avec le Soi, aboutissant à un état de non-dualité.

Beaubien compare les écrits tardifs de Jung à ceux des mystiques. Jung écrit : « Ma maladie eut encore d’autres retentissements : ils consistèrent, pourrais-je dire, en une acceptation de l’être, en un ‘oui’ inconditionnel à ce qui est, sans objection subjective, en une acceptation des conditions de l’existence, comme je les vois, comme je les comprends ; acceptation de mon être, simplement comme il est » (Ma Vie, p. 340). Cette acceptation évoque les perspectives non duelles de Lao Tseu, qui dit : « Tous les êtres sont clairs, moi seul suis trouble » (Ma Vie, p. 408), et de Maître Eckhart, qui insiste sur l’amour de Dieu sans constructions mentales.

a) L’Individuation et la Vision Mystique

Jung relie l’individuation à une vision mystique, où les opposés sont réconciliés dans « l’union mystique » ou conjunctio oppositorum (Ma Vie, p. 384). Cette vision transcende la psychologie analytique traditionnelle, s’approchant des expériences décrites par les mystiques.

b) L’Individuation et la Liberté

L’individuation offre une liberté psychique et spirituelle, permettant à l’individu de se détacher des projections et des attachements. Jung note : « Nos relations sont faites de désirs et d’exigences : on attend quelque chose de l’autre, ce par quoi cet autre et soi-même perdent leur liberté. La connaissance objective se situe au-delà des intrications affectives, elle semble être le mystère central » (Ma Vie, p. 339).

c) L’Individuation et la Connaissance de Soi

La connaissance de soi, au cœur de l’individuation, est un processus de confrontation avec l’inconscient. Jung écrit : « La pensée que nous devons porter personnellement le poids d’une telle responsabilité et d’une telle culpabilité est intolérable. […] Car la source du mal réside, comme l’expérience le montre, dans l’homme » (Présent et Avenir, p. 92–93). Cette reconnaissance du mal en soi conduit à l’amour et au pardon, un thème commun aux mystiques.

II. Conclusions

Conclusion I : Dieu Est-il Immanent ou Transcendant ?

Beaubien conclut que Jung croit en la transcendance, mais met l’accent sur l’immanence du divin, accessible à travers l’individuation. Jung ne rejette pas un Dieu transcendant, mais se concentre sur les images psychiques et les expériences personnelles. Il écrit : « Il est important que nous ayons un secret et l’intuition de quelque chose d’inconnaissable » (Ma Vie, p. 405).

Conclusion II : Dieu Est-il au-delà du Bien et du Mal ?

Jung dépasse la vision chrétienne d’un Dieu uniquement bon, proposant un Dieu qui englobe les opposés. Beaubien note que Jung manifeste une réserve quant au dépassement complet de l’ombre, mais ses pensées tardives suggèrent une réconciliation plus profonde.

Conclusion III : Dieu Est-il Celui de l’Expérience Mystique ?

Dans ses dernières années, Jung transcende la phénoménologie pour embrasser une expérience mystique. Il décrit une expérience intemporelle : « On recule devant l’emploi du mot ‘éternel’ ; pourtant je ne peux décrire ce que j’ai vécu que comme la béatitude d’un état intemporel, dans lequel passé, présent, avenir ne font plus qu’un » (Ma Vie, p. 338). Cette expérience, hors du temps et du moi, reflète l’union mystique.

Jung insiste également sur l’individualité :

« N’imiter personne, telle était ma devise » (Ma Vie, p. 108), et « j’ai évité toutes rencontres avec les saints personnages […] je devais me contenter de ma propre vérité » (Ma Vie, p. 316).

Ces propos s’alignent avec des mystiques comme Jiddu Krishnamurti, qui soutient que « la vérité est une terre sans sentier » (cité p. 324).

En somme, la pensée de Jung, telle qu’analysée par Beaubien, partage avec la Franc-maçonnerie une vision de la transformation intérieure, de l’unité des opposés et de la quête d’une vérité spirituelle personnelle. Si Jung n’était pas maçon, son exploration du Soi et de l’individuation reflète les idéaux maçonniques de perfectionnement, d’autonomie et d’harmonie universelle, offrant une passerelle entre la psychologie analytique et les traditions initiatiques.

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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