mar 20 mai 2025 - 22:05

Patrick Carré : poète, philosophe et Franc-maçon… nous offre des poèmes

Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est un poète, philosophe, artiste et Franc-maçon français, figure notable de la spiritualité maçonnique. Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, diplômé en philosophie (Université de Rennes), en gestion (IGR, Enass), et en arts plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain, Bruxelles), il est également potier-tourneur certifié.

Son œuvre, riche de poèmes et d’essais philosophiques, explore l’initiation traditionnelle et la quête spirituelle. Son livre Francs-Maçons Alchimistes (2015, LiberFaber) met en parallèle les rituels maçonniques du REAA et les traités alchimiques, proposant une lecture dynamique des symboles pour guider les maçons vers un accomplissement intérieur. Son site, Patrick Carré Poésie (www.patrick-carre-poesie.net) (www.patrick-carre-poesie.net), avec plus de 800 000 visiteurs, est une référence en langue française sur l’initiation maçonnique.

Carré contribue régulièrement à des conférences, comme celle sur « Alchimie et Langue des Oiseaux » (2016, GLFF), et partage sa vision de la maçonnerie comme un chemin de transformation, ancré dans la raison et l’humanisme. En 2025, il intervient dans 450.fm, abordant l’alchimie maçonnique. Son credo : « Être bien en soi-même, sans se déconnecter du chaos ambiant. »

Il sera conférencier pour la 17e croisière maçonnique

Poèmes d’un Franc-Maçon

La Voûte Étoilée

Avant de prendre à l’heure pour aller méditer
Un train de mots filant dans le ciel des idées
Attardons-nous séant sous cette immensité
Dardées d’étoiles de noires flammes glacées

Jouons à nous laisser prendre au filet doré
À reconnaître un sens même au vide insensé
À penser et comprendre le pourquoi adoré
Du comment en latence de points illuminés

Jouons à nous étendre dans cette infinité
Transparente et puissante déesse d’éternité
Vibrante résonnance d’un tout dans l’unité
Absorbant nos silences et nos cœurs inspirés

Toute cette transcendance
Nourrît l’humanité
Qui revit en conscience
Survit dans les nuées

Ses cris tendres et secrets
Emmaillotés de sens
Babillent sans défense
Les mots frais et sucrés

D’un enfant qui dérange
Sans tache et sans regret
Encore proche des anges
Loin de tous ses aînés

Qui s’encombrent de sens
Sombres de gravité
Pourvus d’intelligence
Mais pauvres en vérité

La rencontre d’un mot ou d’une idée est toujours essentielle dans un poème ou une planche. Ils sortent soudain de l’anonymat du langage « courant » pour embraser le vocabulaire et donnent à vivre au poète ou au Maçon l’expérience saisissante de « marcher à son pas » dans le temps subtil de l’inspiration, loin du temps linéaire des discours sans relief du quotidien. On entre ainsi en Poésie comme en Maçonnerie par des mots d’esprit qui jaillissent en nous de sources profondes, gonflent le flot d’autres mots et idées jusqu’aux grands deltas à l’orient des Loges. Je vis personnellement comme des rencontres ces inspirations, jusqu’à me souvenir souvent des moments où elles surgissent dans mon imaginaire, tel « Être Ici et Maintenant », dans l’état d’esprit de celles et ceux qui travaillent sur eux-mêmes pour sortir de la douce errance de la pensée, les sens et le mental grands ouverts à ce qu’ils perçoivent en s’ancrant (en s’encrant) dans le présent.

« Être ici et maintenant,
C’est nettoyer les abords
De l’Être, ses ornements,
Les parvis du Temple intérieur,
Distinguer l’envers de l’endroit,
Le sanctuaire de ses décors,
La lumière de la chaleur,
Ceux qui regardent de ceux qui voient.

Être ici et maintenant,
C’est le vouloir, et le sachant
Se voir voyant sans être sage,
Sans en rechercher la cause
Être avec l’autre en symbiose,
En harmonie, en partage,
Cœur et conscience à l’ouvrage
Pour élever l’homme à la rose.

Être ici et maintenant,
C’est renouveler l’espace
Immédiat indéfiniment,
Se dire je vois, je remplace,
Régulièrement, à toute heure,
Percer, voir l’environnement,
Le percevoir en couleurs
Quand il était noir et blanc.

Être ici et maintenant,
C’est être soi dans l’instant,
Se retrouver, se reprendre,
Intensément voir, entendre,
Renaître au monde sans connaître
L’après, l’avant du moment,
Et cependant sans méconnaître
Son âge et l’œuvre du temps.

Être ici et maintenant,
C’est sonner l’heure du réveil,
L’instant s’éclaire et résonne,
Le maillet cogne aux oreilles
De ceux qui dorment, inconsciemment
Filent le cocon des pensées
Et mollement s’abandonnent
À l’opacité des idées.

Avec ce poème, je découvrais la légèreté des vers octosyllabiques et les compositions par multiples de quatre vers, particulièrement adaptés aux poèmes-chansons et à l’écriture symbolique. Le nombre « quatre » symbolisant la stabilité matérielle, et le « huit » la totalité et la cohérence de la création en mouvement, les compositions artistiques qui portent leurs marques gagnent en équilibre et en régularité, et peuvent illustrer pour des êtres en quête de sens un projet de vie intérieure, concentrant en quelques verbes : être, rechercher, voir, savoir, une spiritualité en devenir et en action. « Se voir voyant sans être sage » s’inspire aussi des célèbres mots d’Anderson « Ni athée stupide, ni libertin irréligieux » extraits de la Constitution de 1723, charte de la Franc-Maçonnerie moderne, pratiquant la « double dénégation », ou l’art de conjuguer des formules contradictoires. Des travaux en sciences cognitives tendent à démontrer que les dénégations formulent un modèle de la pensée et de la cognition centré sur la fuite du déplaisir, renouvelant les racines émotionnelles premières de l’acte de connaissance, au fondement de l’initiation maçonnique.

« Le poème, cette hésitation prolongée entre le son et le sens » (Paul Valery) darde à fleuret moucheté toutes les attentions, tous les reflets du cœur et de l’âme qui se couvrent de mots pour mieux refléter l’Autre. Dédiés d’abord à nos muses, ils ne s’offrent qu’une fois et ne vivent que « ce que vivent les roses, l’espace d’un matin » (François de Malherbe), lorsqu’ils se découvrent et « se disent ». Ainsi mes acrostiches du prénom d’une Maçonne, « Françoise », peuvent-ils refléter une Sœur (premier acrostiche) tout en restant fidèle au secret qui les relie toutes (deuxième acrostiche).

Feu de Dieu ; À mon seul désir ;
Réjouis celle qui mêle en mon cœur
Amour toujours, éclats de rire ;
Nos jeux de mots doux d’âmes sœurs
Croquent au vol ce qui va sans dire :
Or, argent, rien n’a de valeur,
Inverse tout ! Goûte à loisir
Sur les braises des rêves en chaleur
En rouge et noir, l’art du plaisir. »

Femme rose, rouge et blanche,
Réchauffe à ton feu intérieur,
À ton cœur qui brûle, s’épanche,
Notre idéal et nos valeurs ;
Cendres des racines, des branches,
Ombres des ondes de chaleur,
Inspirent de noires avalanches
Sous les tabliers de nos Sœurs
Enserrant les robes, les hanches.

Mais alors ce lieu subtil où se croisent et se fécondent le mot et le sens, rappelant l’Équerre et le Compas croisés sur l’Autel des Serments et régulés par la Règle ou le Livre de la Loi sacrée, n’est-il pas un passage, un pont jeté par le poète au faîte de son inspiration entre la matière et l’esprit ? Chaque Maçon et Maçonne se balance entre l’espérance collective de ses Frères et Sœurs et ses propres aspirations. Entre Équerre et Compas, « Espérons ! » et « J’aspire ! » s’ouvre un espace-temps d’une autre dimension où s’écrivent les vers de ses poèmes, s’entendent les sons et les sens, les mots et les idées, et les mélopées silencieuses de leurs chants secrets. Cet autre temps s’ouvre à la grande ronde des poètes, à ceux et celles qui goûtent leur langue, savourent son esprit, ses accents. Quand d’autres disent « Je vous écoute », ils disent en souriant « Je t’entends », couvrent leurs muses de présents, de paroles aimantant le temps, et pour étirer le présent, partagent des agapes fraternelles.

Les Quatre Éléments

L’Orient et l’Occident lancent des ponts vers le ciel,
Au point où dans les nues convergent leurs rayons,
Roue cosmique et terrestre autour de l’essentiel :
L’amour de la Sagesse, mère des Traditions.

Fils tendus d’absolu des exigences ultimes
Au-delà d’horizons pétris d’humanité,
Nourriture d’êtres avides du sublime des cimes,
Leurs sens élèvent les Sœurs et Frères en vérité.

Zéphyr souffle au zénith sur leurs esprits à vif
Le chaud et le froid sec, Air glacial et brûlant
Suscitant des courants ascendants et actifs
De pensées dans l’esprit des quatre Éléments.

Les mots et leurs racines goûtent jusqu’au Nadir
Une langue universelle nourrie de ses terreaux,
La Terre et ses silences où vibrent les désirs
Les plus profonds des hommes en quête de héros.

Ses paroles coulent à flots, mêlent à contre-courant
Des appels qui dérangent sans mettre le chaos
Aux tourbillons des ondes aspirant au néant ;
L’Eau porte dans ses gouttes l’unité du zéro.

Un Feu pousse à la roue l’axe des destinées,
Distille des idées qui travaillent et s’affinent,
Parlent juste et s’entendent pour être devinées
Dès que l’âme s’enivre, chante sa vie divine.

Un Cinquième Élément en est l’émanation,
La mémoire liminaire délivrant les errants
Du socle imaginaire, vide en recréation,
Quintessence de l’Éther, immobile mouvement.

(Les Quatre Éléments, poème inédit, Patrick Carré)

L’amour fraternel sublime le lien établi dans les loges maçonniques entre le son et le sens des poèmes, symbolisés par la corde et la flèche de l’arc de Cupidon. Sa torche allumée, son feu d’amour, réchauffe le lien entre le son et le sens, qui en retour éclaire l’amour, chaleur et lumière touchant au cœur les Sœurs et les Frères du foyer qu’est la Loge. La chaleur et la lumière des poèmes se concentrent symboliquement dans la flamme de l’étoile allumée sur le plateau du Vénérable à l’ouverture de ses travaux. « Que la lumière nous éclaire ! » dit le Vénérable. « Et que l’amour nous réchauffe ! » rajouterait volontiers le poète, pour qu’à la fermeture des travaux, paix, amour, et joie se perpétuent, rayonnent et résonnent ensemble dans le cœur des Sœurs et des Frères et transforment chaque instant de leur vie en cadeau du ciel, en présent.

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