sam 19 avril 2025 - 21:04

Franc-maçonnerie à Catamarca : une plongée dans les aspects méconnus de l’histoire provinciale

De notre confrère argentin elancasti.com.ar

Le 14 avril 2025, le Musée historique provincial de Catamarca a accueilli la présentation officielle de l’ouvrage Maçons et franc-maçonnerie à Catamarca, un travail de recherche signé par le professeur Carlos Carabajal et le licencié Héctor Daniel Nieva. Ce livre, publié par l’éditeur Tropa Circe de Tucumán, propose une exploration inédite de la présence et de l’influence de la franc-maçonnerie dans l’histoire de cette province argentine, mettant souvent perçue comme une institution mystérieuse, voire secrète.

Fruit d’une investigation rigoureuse, l’ouvrage met en lumière des figures historiques majeures de Catamarca – comme le dramaturge Ezequiel Soria, l’ex-gouverneur José Silvano Daza ou le politique Ramón Gil Navarro – tout en reliant leurs contributions aux idéaux maçonniques de liberté, égalité et fraternité. Cette présentation, marquée par un panel d’experts et un débat animé, a souligné la valeur de ce travail pour repenser l’identité régionale et ouvrir de nouvelles perspectives sur le passé provincial.

Un regard neuf sur l’histoire locale

L’événement, organisé avec le soutien du ministère de la Culture, du Tourisme et du Sport de Catamarca, a réuni des intervenants de renom : le chercheur chilien Yuri Jeria, la députée Adriana Díaz, l’historien Marcelo Díaz, et le musicien-chercheur Sergio Lambruschini, qui a modéré les échanges. Les auteurs, Carlos Carabajal et Héctor Daniel Nieva, ont partagé leur ambition : combler une lacune dans l’historiographie catamarqueña en explorant un sujet rarement abordé. « Le livre cherche à contribuer à la construction de notre mémoire historique à partir d’une perspective souvent passée sous silence ou peu connue », ont-ils déclaré, soulignant l’importance de revisiter l’histoire locale à travers le prisme des réseaux maçonniques.

L’ouvrage retrace l’arrivée de la franc-maçonnerie à Catamarca dès la Révolution de Mai (1810), moment clé de l’indépendance argentine, où les idéaux des Lumières – importés d’Europe – commencent à imprégner les élites locales. Contrairement à une vision romantisée ou conspirationniste, les auteurs adoptent une approche factuelle, documentant comment des loges maçonniques ont servi de lieux de débat et d’échange intellectuel pour des personnalités de la politique, de la culture et du commerce. Le livre met en évidence des connexions inattendues, comme les liens historiques entre Catamarca et le Chili, où la franc-maçonnerie a également joué un rôle dans la formation des identités nationales au XIXe siècle.

Des figures emblématiques et des idéaux universels

Au cœur de l’ouvrage, on trouve l’analyse des contributions de figures provinciales ayant adhéré à la franc-maçonnerie. Ezequiel Soria, dramaturge et metteur en scène, incarne l’élan culturel de Catamarca, ses pièces théâtrales reflétant parfois les valeurs d’égalité et de progrès chères aux maçons. José Silvano Daza, gouverneur dans une période tumultueuse, aurait puisé dans les principes maçonniques pour promouvoir des réformes administratives. Ramón Gil Navarro, quant à lui, illustre l’engagement politique des maçons dans la consolidation d’une identité régionale, marquée par des idéaux républicains. Ces portraits, étayés par des archives et des témoignages, montrent comment la franc-maçonnerie a été un vecteur d’influence discrète mais significative, reliant Catamarca aux courants intellectuels et politiques de l’époque.

Les auteurs insistent sur l’importance des trois piliers maçonniques – liberté, égalité, fraternité – qui, arrivés d’Europe au XIXe siècle, ont trouvé un écho particulier dans une province en quête de modernité. À Catamarca, ces idéaux se sont traduits par des initiatives éducatives, des débats sur la laïcité, et des efforts pour réduire les inégalités sociales, bien que souvent limités par les structures conservatrices de l’époque. Le livre explore également comment des travailleurs, des intellectuels et des migrants – notamment du Chili et d’autres provinces argentines – ont contribué à implanter ces idées, faisant des loges maçonniques des creusets de diversité et d’échange.

Une méthodologie rigoureuse

Carabajal et Nieva se distinguent par leur approche méthodique, croisant sources primaires (registres de loges, correspondances, journaux d’époque) et secondaires (études historiques sur la franc-maçonnerie argentine). Leur travail s’inscrit dans une historiographie régionale en plein essor, qui cherche à dépasser les récits officiels pour explorer les dynamiques sous-jacentes des sociétés provinciales. Le panel de présentation a salué cette rigueur : Yuri Jeria a souligné les parallèles avec l’histoire chilienne, où la franc-maçonnerie a également façonné les élites républicaines ; Marcelo Díaz a insisté sur la nécessité de telles recherches pour déconstruire les mythes autour de la maçonnerie ; et Adriana Díaz a loué l’ouvrage comme un outil pour repenser les politiques culturelles contemporaines.

L’événement s’est conclu par une séance de questions-réponses avec le public, révélant un vif intérêt pour ces aspects méconnus. Les spectateurs ont particulièrement apprécié les anecdotes sur les loges locales, comme leurs réunions dans des lieux discrets pour échapper aux persécutions de l’Église ou des gouvernements autoritaires. Ces récits humanisent l’histoire maçonnique, loin des clichés de société secrète, et montrent comment des individus ordinaires ont porté des idéaux universels dans un contexte provincial.

Catamarca et le Chili : une histoire connectée

Un des apports majeurs du livre est son exploration des liens transnationaux entre Catamarca et le Chili, un thème abordé lors de la présentation par Yuri Jeria. Au XIXe siècle, les deux régions partagent une proximité géographique et culturelle, renforcée par des migrations et des échanges commerciaux. La franc-maçonnerie agit comme un pont, facilitant la circulation d’idées libérales et républicaines. À Catamarca, des chiliens maçonniques auraient contribué à structurer les premières loges, tandis que des catamarqueños participaient à des réseaux andins plus larges. Cette perspective d’« histoire connectée » enrichit le récit local, montrant que la province n’était pas isolée mais intégrée à des dynamiques régionales.

Ces connexions soulignent également le rôle de la franc-maçonnerie dans la formation de l’identité régionale. À une époque où Catamarca cherchait à s’affirmer face à Buenos Aires, les loges offraient un espace pour débattre de l’autonomie provinciale, de l’éducation publique, et de la place de la religion dans la société. Bien que minoritaire, l’influence maçonnique a laissé des traces dans des institutions locales, comme les premières écoles laïques ou les associations culturelles, qui perdurent sous des formes transformées.

Un outil pour le débat contemporain

L’ouvrage ne se contente pas de fouiller le passé ; il invite à réfléchir sur le présent. En valorisant la franc-maçonnerie comme un espace de dialogue et de pluralisme, les auteurs posent une question implicite : comment ces idéaux peuvent-ils inspirer la Catamarca d’aujourd’hui ? Dans une province confrontée à des défis socio-économiques, le livre suggère que la mémoire historique – y compris ses facettes oubliées – peut nourrir une identité collective plus inclusive. La présence d’une députée au panel, Adriana Díaz, traduit cette volonté de relier l’histoire aux enjeux politiques actuels, notamment en matière d’éducation et de cohésion sociale.

Le livre s’adresse à un public varié : historiens, passionnés de culture régionale, ou simples curieux. Sa clarté et son ancrage dans des récits humains en font une lecture accessible, tandis que ses références solides satisfont les exigences académiques. En mettant en lumière des figures comme Soria, Daza ou Navarro, il redonne vie à des acteurs souvent éclipsés par les grands récits nationaux, tout en montrant leur rôle dans une histoire globale des idées.

Une invitation à la redécouverte

Maçons et franc-maçonnerie à Catamarca est plus qu’une monographie locale ; c’est une fenêtre sur les dynamiques intellectuelles et sociales qui ont façonné une province argentine. En explorant des aspects peu étudiés, Carlos Carabajal et Héctor Daniel Nieva offrent un outil précieux pour repenser l’histoire catamarqueña, non pas comme une périphérie isolée, mais comme un carrefour d’influences et d’idéaux. La présentation du 14 avril, avec son panel diversifié et son public engagé, a démontré l’actualité de ce projet : dans une époque de polarisation, l’héritage maçonnique – dialogue, tolérance, progrès – résonne comme un appel à redécouvrir les racines plurielles de l’identité régionale.

Pour ceux qui souhaitent approfondir, le livre est disponible via l’éditeur Tropa Circe, et le Musée historique provincial envisage d’autres événements pour prolonger ce débat. En attendant, cette œuvre rappelle une vérité simple mais puissante : l’histoire, lorsqu’elle est revisitée avec curiosité, a le pouvoir de transformer notre regard sur nous-mêmes.

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Pierre d’Allergida
Pierre d’Allergida
Pierre d'Allergida, dont l'adhésion à la Franc-Maçonnerie remonte au début des années 1970, a occupé toutes les fonctions au sein de sa Respectable Loge Initialement attiré par les idéaux de fraternité, de liberté et d'égalité, il est aussi reconnu pour avoir modernisé les pratiques rituelles et encouragé le dialogue interconfessionnel. Il pratique le Rite Écossais Ancien et Accepté et en a gravi tous les degrés.

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