sam 19 avril 2025 - 18:04

Le Frère Yoland Bresson et le revenu d’existence

Yoland Bresson (1942-2014) était un économiste français, professeur à l’Université Paris XII et à Abidjan, connu pour être un précurseur du revenu universel en France. Dès les années 1970, il s’intéresse à la relation entre temps, travail et économie, un intérêt qui culmine avec la publication de L’Après-salariat en 1984. Il fonde en 1985 l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) avec Henri Guitton, et en 1986, il co-fonde le Basic Income Earth Network (BIEN) avec Philippe Van Parijs, un réseau international de chercheurs sur le revenu universel. Il était aussi un Franc-maçon actif.

Le concept de revenu d’existence

Bresson propose un revenu versé de manière inconditionnelle à chaque individu, sans condition de ressources ni contrepartie, simplement en raison de son existence. Il distingue le terme « revenu » d’« allocation » : pour lui, un revenu est une dotation légitime en contrepartie d’une participation à la création de richesses, même indirecte, tandis qu’une allocation relève de l’assistance. Dans L’Après-salariat, il écrit : « Il faut que la collectivité, par le biais de l’État, alloue périodiquement à tout citoyen économique, sans autres considérations que celle de son existence, l’équivalent monétaire de la valeur de l’unité de temps. »

Son raisonnement part d’une observation faite en 1971, lors d’études sur le Concorde : il note que ceux qui maîtrisent le mieux leur temps (les plus riches) ont aussi les ressources monétaires les plus élevées. Pour Bresson, le temps est une ressource universelle, et chaque individu, par sa simple existence, participe à la production de richesses sociales – par ses interactions, ses échanges, sa présence dans une communauté. Le revenu d’existence vise à reconnaître cette contribution implicite et à répondre à la dégradation du modèle social, incapable de juguler chômage, précarité et pauvreté.

Une approche pragmatique

Yoland Bresson

Bresson est pragmatique : il propose une mise en œuvre progressive sur cinq ans minimum pour éviter les résistances et ancrer l’idée dans les esprits, comme ce fut le cas pour les congés payés en 1936. Il imagine aussi des mécanismes de financement innovants, comme la création d’un « euro-franc » (monnaie non convertible) pour cofinancer le revenu d’existence sans alourdir les impôts, une idée qui pourrait relancer l’activité économique.

Impact et réception

Arnaud Montebourg

Ses travaux ont influencé des intellectuels et politiques comme Yann Moulier-Boutang, André Gorz, ou encore Arnaud Montebourg, bien qu’il ait aussi des détracteurs, comme Jean-Marie Harribey, qui y voit un « piège néolibéral ». Bresson défend une vision humaniste du revenu d’existence, qui résonne avec des idéaux maçonniques : en libérant l’individu de la contrainte du travail aliénant, on lui permet de se réaliser pleinement, une idée qui fait écho à la quête d’épanouissement et de fraternité propre à la Franc-maçonnerie.

2. La répartition de la valeur du travail des ancêtres

Le concept de répartition de la valeur du travail des générations passées est moins explicitement développé dans les écrits de Bresson, mais il est sous-jacent dans sa réflexion sur le revenu d’existence et s’inscrit dans une tradition de pensée économique plus large, notamment celle de Thomas Paine et de James Meade.

Une richesse collective héritée

Thomas Paine – La Justice agraire (1797)

Bresson s’inspire de l’idée que la richesse contemporaine est le fruit du travail collectif et de l’inventivité des générations antérieures. Cette idée, popularisée par Paine dans La Justice agraire (1797), soutient que la terre et ses ressources, appropriées par certains, devraient générer une rente redistribuée à tous sous forme d’un revenu universel. James Meade, économiste nobélisé en 1977, prolonge cette réflexion en affirmant que la richesse actuelle est un héritage collectif, et que chacun devrait en bénéficier.

Dans Le Capital-Temps (1977) et Le Partage du Temps et des Revenus (1994), Bresson explore comment le temps, en tant que ressource universelle, est à la base de la création de valeur. Il considère que chaque individu, par sa simple existence, hérite de la richesse accumulée par les générations passées – non seulement matérielle, mais aussi intellectuelle et culturelle. Le revenu d’existence devient alors une manière de redistribuer cette valeur héritée, en reconnaissant que la société actuelle repose sur les efforts de ceux qui nous ont précédés.

Une vision maçonnique de la transmission

L’appartenance de Bresson à la Franc-maçonnerie éclaire cette perspective. La maçonnerie, en particulier dans ses courants ésotériques et symboliques, valorise la transmission des savoirs et des valeurs à travers les générations. Le concept de « travail des ancêtres » peut être rapproché de l’idée maçonnique selon laquelle chaque maçon s’inscrit dans une chaîne initiatique, héritant des enseignements des anciens pour les transmettre à son tour. Appliqué à l’économie, cela signifie que la richesse produite par les générations passées est un bien commun, que la société doit redistribuer équitablement pour garantir la dignité de tous.

3. Mise en perspective maçonnique

En tant que franc-maçon, Bresson s’inscrit dans une tradition qui valorise l’initiation, la fraternité et le progrès de l’humanité. La Franc-maçonnerie, notamment dans sa branche libérale, met l’accent sur la liberté de conscience, la justice sociale et l’amélioration de la condition humaine. Le revenu d’existence de Bresson peut être vu comme une application pratique de ces idéaux : en garantissant à chacun un revenu inconditionnel, on libère l’individu des contraintes matérielles, lui permettant de se consacrer à son développement personnel et spirituel – une quête qui résonne avec le chemin initiatique maçonnique.

De plus, l’idée de répartition de la valeur du travail des ancêtres reflète une vision maçonnique de l’unité et de la solidarité intergénérationnelle. La maçonnerie enseigne que l’humanité est une, et que le progrès de chacun contribue au progrès de tous. En redistribuant la richesse héritée, Bresson propose une forme de justice sociale qui transcende les époques, alignée avec les principes maçonniques de fraternité et d’égalité.

4. Analyse critique

Points forts

  • Humanisme et universalité : La vision de Bresson est profondément humaniste, cherchant à redonner dignité et autonomie à chaque individu, en écho aux idéaux maçonniques.
  • Pragmatisme : Sa proposition d’une mise en œuvre progressive montre une volonté de concilier utopie et réalité.
  • Pertinence contemporaine : Dans un contexte de robotisation et de précarisation (45 % des emplois pourraient disparaître d’ici 10 ans selon le MIT), le revenu d’existence apparaît comme une réponse à la crise du travail salarié.

Limites

  • Effets économiques incertains : Comme le note le Sénat français, un revenu d’existence élevé (750-1000 €) pourrait désinciter au travail et réduire la richesse créée, compromettant son financement.
  • Critiques idéologiques : Certains, comme Jean-Marie Harribey, reprochent au revenu universel d’être une « roue de secours du capitalisme », en permettant de maintenir un système inégalitaire sans le réformer en profondeur.
  • Manque de clarté sur la répartition intergénérationnelle : Si l’idée de redistribuer la valeur du travail des ancêtres est séduisante, Bresson n’en détaille pas les mécanismes pratiques, ce qui laisse place à des ambiguïtés.

Pour finir

Les travaux de Yoland Bresson sur le revenu d’existence et la répartition de la valeur du travail des ancêtres s’inscrivent dans une vision humaniste et progressiste, profondément influencée par les idéaux maçonniques de fraternité, de justice et de transmission. Il propose une société où chacun, par sa simple existence, bénéficie de la richesse collective héritée des générations passées, un concept qui fait écho à la chaîne initiatique maçonnique. Cependant, ses idées, bien qu’innovantes, soulèvent des questions pratiques et économiques qui restent débattues. En tant que franc-maçon, Bresson a su intégrer à sa réflexion économique une dimension spirituelle et éthique, cherchant à élever l’humanité vers plus de dignité et d’harmonie – un objectif qui reste, à bien des égards, un idéal à atteindre.

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Charles-Albert Delatour
Charles-Albert Delatour
Ancien consultant dans le domaine de la santé, Charles-Albert Delatour, reconnu pour sa bienveillance et son dévouement envers les autres, exerce aujourd’hui en tant que cadre de santé au sein d'un grand hôpital régional. Passionné par l'histoire des organisations secrètes, il est juriste de formation et titulaire d’un Master en droit de l'Université de Bordeaux. Il a été initié dans une grande obédience il y a plus de trente ans et maçonne aujourd'hui au Rite Français philosophique, dernier Rite Français né au Grand Orient de France.

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