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ENQUÊTE : Le Franc-maçon est-il manipulable ?

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ENQUÊTE : Le Franc-maçon est-il manipulable ?
Marionnette et main de marionnettiste

La Franc-maçonnerie se drape volontiers dans un manteau de liberté. Chaque Franc-maçon ou Franc-maçonne, lors de son initiation, prête serment d’être « libre et de bonnes mœurs », une formule rituelle qui résonne comme une promesse d’émancipation spirituelle et intellectuelle. Pourtant, sous cette façade éclatante, un paradoxe tenace se dessine : la liberté tant vantée semble souvent illusoire, prisonnière des dynamiques de groupe, des diktats obédientiels et des vestiges d’un passé primal.

Pourquoi un Franc-maçon, fier de son indépendance, refuse-t-il de rejoindre une loge dite « sauvage » ? Comment des obédiences, en 2025, osent-elles infantiliser leurs membres ou censurer leurs lectures ? Plongeons dans cette tension entre désir d’appartenance et quête de rupture, pour révéler une pseudo-liberté qui interroge l’essence même de la Franc-maçonnerie.

Le besoin d’appartenance : un héritage primal

Tribu préhistorique dans une grotte
Tribu préhistorique dans une grotte

Entrer en Franc-maçonnerie, c’est rejoindre une fraternité, une chaîne d’union qui transcende les siècles. Mais ce désir d’appartenance, si naturel soit-il, enferme parfois le Franc-maçon dans une contradiction. Combien clament haut et fort leur liberté, tout en s’accrochant à leur obédience comme à un totem ? « Ils sont libres et de bonnes mœurs », disent-ils, mais pour rien au monde ils ne franchiraient le seuil d’une loge « sauvage » – ces ateliers indépendants, hors des grandes structures. Pourquoi ce rejet visceral ?

La réponse pourrait remonter à nos origines. L’anthropologue Robin Dunbar, dans Human Evolution (2014), suggère que l’appartenance au groupe était jadis une question de survie : un australopithèque isolé était une proie facile, tandis que le clan offrait protection et ressources. Chez le Franc-maçon moderne, cet « archéocortex », ce cerveau primitif, semble encore à l’œuvre. L’obédience devient une tribu, un refuge où l’identité se forge dans l’appartenance plutôt que dans l’autonomie. Comme le note l’auteur Roger Dachez dans Histoire de la franc-maçonnerie française (2003), « la Franc-maçonnerie a hérité des guildes médiévales un sens communautaire qui peut étouffer l’individualité ». Ainsi, la liberté proclamée bute sur une peur atavique : être exclu, être seul.

Les incohérences de l’appartenance

Cette dépendance au groupe engendre des incohérences flagrantes. Un Franc-maçon peut passer des années à « polir sa pierre brute » – métaphore de l’ego à dompter – tout en refusant de s’affranchir des structures qui le définissent. Les loges sauvages, souvent perçues comme des espaces d’expérimentation libre, sont dénigrées comme illégitimes ou désordonnées. Pourtant, ne sont-elles pas l’incarnation même de cette liberté que la Franc-maçonnerie célèbre ? « Pour beaucoup, quitter une obédience, c’est perdre une part de soi », observe Pierre Mollier, conservateur du musée de la Franc-maçonnerie à Paris, dans La Franc-maçonnerie (2016). Cette fidélité, louable en surface, trahit une peur de l’inconnu, un attachement qui bride plus qu’il ne libère.

Et que dire des Francs-maçons qui, après des décennies de pratique, développent un orgueil lié à leurs grades ou à leur ancienneté ? Le 33e degré du Rite Écossais Ancien et Accepté devient un insigne de supériorité, non une étape initiatique. Cette hypertrophie de l’ego, déjà explorée dans d’autres contextes, montre que l’appartenance peut se muer en vanité, éloignant l’initié de l’humilité originelle.

L’infantilisation par les obédiences

Assemblée nationale en France
Assemblée nationale en France

Passons maintenant aux structures obédientielles, où la pseudo-liberté atteint son paroxysme. Imaginez un PDG de Toyota convoquant ses employés pour leur dicter leur vote aux élections nationales : le tollé serait mondial, les journaux s’enflammeraient. Pourtant, en France, cette pratique est courante dans certaines obédiences maçonniques. À chaque scrutin présidentiel ou législatif, des communiqués officiels – parfois subtils, parfois directs – orientent les consciences des membres. En 2022, par exemple, le GODF a publié des positions claires sur des candidats, sous couvert de défendre les valeurs républicaines. « C’est une infantilisation indigne d’un ordre qui prône la liberté de pensée », dénonçait un ancien vénérable dans une tribune anonyme sur un blog maçonnique.

Cette tutelle n’est pas nouvelle. Dès le XVIIIe siècle, les Grandes Loges anglaises imposaient des lignes idéologiques pour asseoir leur autorité. Aujourd’hui, elle persiste sous une forme modernisée : des obédiences françaises bien connues, bien que distinctes dans leurs approches (spirituelle pour les unes, laïques pour les autres), n’hésitent pas à rappeler à leurs membres leurs « devoirs citoyens » – une expression qui sonne comme un ordre déguisé. Pourquoi un Franc-maçon, censé cultiver son libre arbitre, tolère-t-il cela ? La réponse réside peut-être dans le confort de l’appartenance : obéir, c’est rester dans le giron protecteur. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de réhabiliter le vote des extrêmes, mais au nom de quel droit, une Oébdience peut-elle emettre une idée sur ce point aussi intime que celui du vote ?

La censure : un paradoxe en 2025

Brassard de presse
Brassard de presse

Plus troublant encore, une nouvelle tendance émerge : la censure des lectures. En 2025, alors que la liberté de la presse est un pilier en France, certaines obédiences – que leurs membres reconnaîtront sans peine – interdisent la lecture ou la collaboration avec des organes de presse maçonniques jugés trop critiques ou indépendants. Des revues comme L’Initiation ou des blogs dissidents sont bannis, sous prétexte de préserver l’unité ou d’éviter les « déviances ». Oui, vous avez bien lu : en 2025, un Franc-maçon peut se voir dicter ce qu’il a le droit de lire.

Cette pratique évoque les heures sombres de l’histoire. En 1933, les nazis brûlaient les livres maçonniques ; aujourd’hui, certaines obédiences jouent les censeurs en douceur. « C’est une atteinte à l’esprit même de la Franc-maçonnerie, qui naît des Lumières et de la libre pensée », s’indignait une Franc-maçonne anonyme dans un témoignage recueilli en 2024. Les victimes de ces interdits – exclues ou marginalisées – abondent, et leurs récits circulent dans les cercles initiatiques.

Comment un ordre qui célèbre la lumière peut-il ainsi obscurcir les esprits ?

Pourquoi cette acceptation ?

La question brûle les lèvres : « Mais comment un Franc-maçon peut-il accepter cela ? » Plusieurs hypothèses émergent. D’abord, le poids de la tradition : des siècles de hiérarchie ont ancré une culture de soumission implicite. Ensuite, la peur de l’exclusion : quitter une obédience ou défier ses règles, c’est risquer l’isolement, un prix trop lourd pour beaucoup. Enfin, un manque de recul : certains, bercés par les rituels et l’appartenance, ne perçoivent plus ces entraves comme des chaînes, mais comme des marques d’appartenance.

Daniel Béresniak

L’anthropologue Daniel Béresniak, dans Les Symboles de la franc-maçonnerie (1997), offre une piste : « Le Franc-maçon est un paradoxe vivant : il cherche la liberté dans un cadre qui la limite. » Cette tension entre l’idéal et la réalité est au cœur de la pseudo-liberté maçonnique. Les obédiences, avec leurs structures pyramidales et leurs injonctions, reproduisent parfois les systèmes qu’elles prétendent transcender.

Vers une vraie liberté ?

Alors, la liberté du Franc-maçon est-elle un mythe ? Pas entièrement. Des loges sauvages existent, des voix dissidentes s’élèvent, et certains initiés, hommes comme femmes, choisissent l’autonomie au prix de l’exclusion. Mais pour la majorité, la pseudo-liberté persiste, nourrie par un besoin primal d’appartenance et des obédiences qui oscillent entre guidance et contrôle.

En 2025, la Franc-maçonnerie pourrait se réinventer. Elle pourrait encourager l’indépendance réelle, abolir les censures et laisser chaque Franc-maçon ou Franc-maçonne voler de ses propres ailes.

Comme le disait Albert Pike dans Morals and Dogma (1871) :

« La vraie liberté est celle qu’on conquiert, pas celle qu’on reçoit.

3 Commentaires

  1. Sincère félicitation pour cette analyse pertinente et ô combien réaliste.
    J’aimerais la reprendre pour nos Cahiers de recherche maçonniques si possible
    Bien fraternellement

  2. La liberté n’est jamais acquise et une opinion n’est pas une vérité. Aujourd’hui la FM plus que jamais doit défendre sa devise liberté, Égalité, Fraternité, là est l’essentiel dans le monde réel.

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