sam 22 février 2025 - 21:02

Septième degré du REAA Prévôt et Juge ou Maître Irlandais

Le « Prévôt et Juge » ou « Maître Irlandais », l’un des plus anciens grades de la Maçonnerie française, était déjà connu sous ce nom en 1745 dans l’Ancienne Maîtrise parisienne en quatorze degrés, en 1750 dans l’Ancienne Maîtrise bordelaise en douze degrés et même avant, puisqu’il reste un tableau daté de 1711 (Aujourd’hui utilisé pour ce grade par la Grande Loge de France). Ce grade est donc antérieur à la création du REAA (1804).

Le nombre sept de ce degré, nombre particulièrement sacré, devrait nous inciter à la prudence en ce qui concerne une interprétation rapide ou l’idée de s’en débarrasser, soit en ne l’étudiant plus, soit en faisant appel à un rituel funéraire chinois, tout en faisant l’impasse sur le mot de passe Tito, sous prétexte, comme l’écrit avec raison Irène Mainguy, qu’il s’agit d’un véritable « casse-tête chinois ». Et ce d’autant que les deux T de Tito n’apparaissent pas toujours sur les tableaux de loge comme c’est le cas sur ce premier tableau.

Le rituel du REAA 1804 (Kloss XXVII)

Ce degré, nous dit-on, concerne l’organisation judiciaire des ouvriers du temple de Salomon après la mort d’Hiram ou plutôt de Khiram ou de Chiram car Hiram ne commence pas par un h latin mais par un ‘Heith hébreu qui se prononce comme un Ch allemand soit comme le Ch de Bach.

L’édification du tombeau de Khiram ayant été le thème du 5ième degré, nous retrouvons Salomon et les travaux du temple après l’épisode de Johaben, veillant sur la sécurité du roi au risque de sa vie au 6ième degré. Salomon crée alors un septième grade, le « Prévôt et Juge ». Johaben en sera le premier candidat après un certain Tito.
Le « Prévôt et Juge » doit rendre la justice et être le gardien d’une part des plans du Temple conservés dans une boite d’ébène et d’autre part du cœur embaumé d’Hiram placé dans une urne flamboyante. Pour cela il recevra une clef d’or qui servira à ouvrir la cassette où se trouvent les plans du temple et ouvrir le lieu où se trouvent le corps et le cœur d’Hiram.

Que ce grade soit le septième n’est pas anodin d’autant que le nombre sept, en hébreu est la lettre hébraïque, Zayin, mot, qui signifie « clef » et que, dit le rituel, «La clef d’or est la marque distinctive de ce grade. »

On peut donc penser que ce degré nous donne des clefs d’interprétation intéressantes, non seulement pour lui-même mais également pour l’ensemble du REAA. Il n’empêche : ce degré est particulièrement un degré à clefs !

Le Président de la loge représente Tito, prince des harodim (‘Heith Reish Daleth Yod Mem) nombre 7 (pluriel de harod) et mot que l’on ne trouve qu’une fois dans la Bible. Ces harodim sont les chefs surveillants ou préfets dans I Rois V, 30. Il y en 3300.
Bien qu’il n’y ait pas de Tito dans la Bible et que ce mot n’existe pas, le rituel maçonnique fait de lui Le Plus Ancien des Prévôts et Juges, Grand Surveillant et Inspecteur des 300 architectes (qui ne sont pas dans la Bible non plus) qui étaient destinés à lever les plans pour les ouvriers.

Il n’est pas dans un lieu précis : il est partout pour veiller à la conduite de l’ouvrage.

Décoration

La loge est tapissée de rouge. Rouge comme le feu de l’Éternel, avec à l’Orient un dais d’azur. Elle est éclairée par cinq grandes lumières, une dans chaque coin plus une au milieu, marquant ainsi les quatre points cardinaux plus le centre, soit l’ensemble du monde.

Heures d’ouverture et de fermeture :

« Huit heures, deux et sept », les mêmes pour l’ouverture et la fermeture des travaux. Car il n’y a pas d’heure pour rendre la justice, tout comme il n’y a pas de lieu.

Batterie

4 +1 détaché, rappelant la position des cinq lumières, les quatre points cardinaux plus le centre.

Réception

Le récipiendaire est à nouveau Johaben (celui qui est devenu le conseiller de Salomon dans le degré précédent). Il reçoit la clef d’or et voit dans le temple une balance, symbole de justice, ainsi que l’urne contenant le cœur d’Hiram.

Placé entre les deux Surveillants, le 1er Surveillant lui ordonne de s’agenouiller et dit : CIVI puis lui pose son épée nue sur l’épaule et après une minute, le 3 Fois Illustre dit : KI
Ensuite le 1er surveillant lui fait faire 7 voyages récapitulant les signes des grades au passage. Après quoi, le 3 Fois Illustre lui confie la clef du lieu où sont placés le corps et le cœur de Khiram Abif.

Instruction

-Etes-vous Prévôt et Juge ?
-Je rends la justice à tous les ouvriers sans exception
-Que veut dire CIVI ?
-Mettez-vous à genoux.
-Et KI ?
-Relevez-vous.
-Que vous a-t-il donné ?
-Une clef d’or

Dans une urne placé en haut d’un obélisque.
-Que signifie les deux lettres X et J ?
-XENICE et JACQUINAI
-Que signifient les lettres J H S surmontées d’une branche d’acacia ?
-J, JVA ; H, Hiram et S, Stolkin.

Quel est l’usage de cette clef ?

Elle sert à ouvrir une petite boite d’ébène dans laquelle sont déposés tous les plans nécessaires à la construction du temple.
-Quelle est la parole de passe ?
-TITO
-Où repose le cœur d’Hiram Abif ?

Notons qu’il s’agit là des anciens rituels, ceux de 1745 et de 1750 : on y retrouve les mêmes significations pour les lettres X et J soit Xenice et Jacquinaï et non pas du chinois genre Xinxee !

Chez Franken (1783) dans le Rite de Perfection Xenice est devenu Xinxee de sorte X et J dans le tableau de loge signifient Xinxee et Jakinaï ! Et il est vrai que Xinxee pourrait bien évoquer une sonorité chinoise. Et il semble bien que c’est grâce à cette erreur de transcription que soit née l’idée d’un rituel chinois comme certains veulent bien nous le faire croire ?

Or il nous paraît logique de se référer aux mots d’origine plutôt qu’à ceux déformés au cours de la transmission. Mais mettons.
Commençons par le commencement si l’on peut dire : soit l’un des titres du degré « Prévôt et Juge ».

Certes ce degré concerne l’organisation judiciaire des ouvriers du temple de Salomon après la mort d’Hiram, mais on l’a vu le Prévôt et Juge n’a ni lieu ni heure pour rendre la justice…

Le plus ancien des Prévôts et Juges

Où se trouve donc Tito, ce « plus ancien Prévôt et Juge », « prince des Harodim », soit des nobles ou des puissants comme des membres importants parmi les douze tribus d’Israël, ayant avec lui 300 « architectes » ?

Ne serait-ce pas logiquement dans le Livre des Juges en hébreu « Juges » Shophetim (Shin 300 + Pé 80 + Teith 9 + Yod 10 + Mem 40 = 439 = 16 = 7) dont le nombre est sept comme celui de ce degré ?
Juge Shofèt et Prévôt Shitef ! Deux mots commençant par un Shin nombre 300.
Cherchons-le donc dans le Livre des Juges :
Dans ce livre, qui fait suite à Josué, les fils d’Israël ont du mal à rester fidèles à Yahvé. Sacrifiant aux autres dieux, ils suscitent sa colère et se retrouvent impuissants devant les autres nations. Ils pleurent.

Des Sauveurs

Si les juges d’Israël existent depuis Moïse (Exode 18) qui les constitua, on les voit dans Josué le suivre, marchant avec lui aux côtés de la Tente et de l’Arche d’Alliance, que les Lévites transportaient. Dans le Livre des Juges, ils deviennent des chefs de guerre :
Yahvé suscitent régulièrement aux fils d’Israël des Juges, qui, dorénavant, prenant les choses en mains, les « sauvent », rétablissent la situation, leur permettent de continuer leurs conquêtes et les mènent à la « victoire ».

Le premier « Sauveur » Moshia en hébreu – car c’est aussi comme ça qu’on les appelle- est Othniel qui sera juge durant quarante ans, le quatrième sera Deborah, la prophétesse vers qui « les fils d’Israël montaient pour le jugement ».

Le cinquième en rapport avec le nombre cinq de la batterie c’est Guid’ôn (Guimel 3+ Daleth 4 +Ayin 70 + Vav 6 + Noun 50 = 133 = 7), nombre sept, en français Gédéon…

Il doit, sur ordre de Yahvé, sélectionner 300 guerriers, après avoir éliminé tous les autres milliers dont il dispose. Ce qu’il fait et Yahvé lui fait gagner la guerre. C’est la Victoire.
Ainsi, s’il n’y a pas de Tito dans la Bible, ni de Grand Surveillant ou Inspecteur travaillant avec 300 architectes, il y a bien là le Premier Juge et Prévôt à la tête d’une armée architecturée sur 300 guerriers.

Trois cents et le Tau grec

Les commentateurs chrétiens de la Bible, depuis les premiers Pères de l’Église jusqu’au XVI° siècle, ont fait de l’Ancien Testament une figure du Nouveau, mettant un certain nombre de scènes de l’Ancien Testament en rapport avec des scènes de l’Évangile pour en faire sentir la profonde concordance.
C’est ainsi par exemple qu’ils vont expliquer l’histoire de Gédéon en la fondant sur les chiffres et l’alphabet grec !
Ils nous expliquent que « Si Gédéon entre en campagne avec trois cents compagnons, ce n’est pas sans raison profonde, car il y a dans le nombre trois cents un mystère. En grec, trois cents se rend par la lettre Tau (le T grec) T : or cette lettre est la figure de la croix, celle de la crucifixion. Donc, par-delà Gédéon et ses compagnons , il faut voir Jésus et sa croix »

Ainsi l’écrivait Walafried Strabo (808-849) dans sa Glose ordinaire (dans Juges VII) mais déjà Isidore de Séville (560-636) écrivait que la victoire remportée par Gédéon avec ses trois cents compagnons préfigurait la victoire que le Sauveur remportera en mourant sur la croix parce que le nombre de trois cents (T) est le hiéroglyphe même de la croix.

Cette interprétation du nombre 300 fut répétée sans cesse par les Pères de l’Église en commençant par Barnabé (II° siècle) dans son Épître. Suivie par Clément d’Alexandrie (150-215) qui le cite : « Par sa forme (T) la lettre qui représente 300, est dit-on une figure du signe du Seigneur », puis par St Augustin (354- 430), puis par Raban Maur (780- 856).
Enfin Thibaut de Langres à la fin du XII° siècle reprit cet argument dans son Traité sur le symbolisme des nombres .

Dans l’Apocalypse. Le Tau grec : le signe des Justes

Dans l’Apocalypse, dernier chapitre du Nouveau Testament, écrit en grec, ce sera donc le Tau grec « T » de valeur 300, qui sera le signe des Justes. Il sera donc gravé sur leur front.
300 et les 24 vieillards, les 24 juges de l’univers :
Or, écrit Thibaut de Langres, « on trouve remarquable le nombre de 300 soldats de Gédéon parce que 300 a pour origine le nombre des 24 vieillards ».
En clair le triangulaire de 24 est égal à 300.
Et justement ces 24 vieillards sont présents dans l’Apocalypse : Ils entourent le trône de Dieu que Jean de Patmos voit dans le ciel et sont eux même assis sur des trônes et portent des couronnes. On les retrouvera au 17ième degré du REAA.
Ils font référence aux 24 étoiles nommées Juges de l’univers dans l’astronomie chaldéenne rapportée par Diodore de Sicile : les 12 au-dessus de l’Équateur affectées aux êtres vivants, les 12 au-dessous, aux morts.
Par ailleurs, l’Apocalypse qualifie le Tau grec, ce signe des Justes, de « Sceau du Dieu Vivant » sphragida theou zôntos, transposition du « Dieu Vivant » ou de « Dieu la Vie » de la Bible hébraïque Elohim Khaïim (pluriel de Khaï qui s’écrit ‘Heth Yod et transcrit en français donne le fameux « Ki » signifiant « relevez-vous » en chinois !). Ceux qui seront marqués de ce sceau seront sauvés.

A suivre…

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Marie Delclos
Marie Delclos
Marie Delclos est une éminente spécialiste de l'ésotérisme et des traditions initiatiques. Elle est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages de référence aux éditions Trajectoire, parmi lesquels : "Le Grand Livre de l'oracle Belline", "L'Astrologie en 16 leçons", "La Voyance en 16 leçons", "Le Grand Livre des pouvoirs de la Lune", etc.

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