mer 22 janvier 2025 - 07:01

GLDF – Divers aspects de la pensée contemporaine : « L’humain, le vivant et la planète »

De notre confrère radiofrance.fr

Dans un monde en quête de sens, il devient essentiel de réinventer notre manière d’habiter la Terre, non seulement par nos actions, mais aussi à travers une conscience qui unit l’esprit, le cœur et la vie qui nous entoure. Avec :

  • David Djaïz* Essayiste et enseignant à Sciences Po

Cette démarche ne se limite pas à préserver ou à protéger, elle invite à vivre en harmonie avec le vivant en cultivant une connexion plus profonde à soi, à l’autre et à la terre. Avec David Djaïz, essayiste, nous interrogeons cette prochaine « révolution obligée ».

Une réflexion sur l’humanité et la nature : vers un nouvel équilibre

Au cœur de cet échange, s’élève la voix de Michel Serres, philosophe du « Contrat Naturel », qui, il y a déjà plus de trois décennies, lançait une alerte : « L’histoire globale entre dans la nature, la nature globale entre dans l’histoire. Voilà de l’inédit en philosophie. » Ces mots, gravés dans une époque où l’optimisme de la mondialisation semblait promettre une humanité réconciliée, résonnent aujourd’hui avec une intensité troublante.

Michel Serres avait perçu ce qui échappait encore à beaucoup : une guerre subtile, insidieuse, que l’humanité livre à la nature. Non pas seulement par l’extraction brutale de ses ressources, mais par cette fusion inédite où la distinction entre l’homme et son environnement s’efface. La nature, autrefois observée comme un théâtre extérieur, est désormais irrémédiablement mêlée à l’histoire humaine. En cela, il préfigurait l’ère de l’Anthropocène, ce moment où la main de l’homme façonne la planète autant qu’elle se façonne elle-même.

La stagnation d’un monde fossilisé

Dans ce contexte, la transformation écologique, tant annoncée, demeure un mirage. Malgré les promesses et les discours, « nous sommes toujours autant drogués aux énergies fossiles qu’il y a 40 ans » nous rappelle David Djaïz. Les chiffres sont implacables : 82 % de l’énergie consommée aujourd’hui provient encore du charbon, du pétrole et du gaz, un héritage stagnant d’une ère passée.

Face à cette dépendance, la nécessité d’une révolution énergétique se fait pressante, mais il ne s’agit pas seulement de technologies ou d’investissements. C’est une révolution industrielle à part entière qu’il nous faut imaginer, un bouleversement profond des façons de produire, de consommer, et même de penser le monde. Comme autrefois le charbon avait imposé son règne au XIXᵉ siècle, une nouvelle matrice énergétique doit émerger, soutenue par des innovations audacieuses et une réinvention collective.

Vers un contrat entre l’humanité et la nature

Mais cette révolution ne peut se limiter aux infrastructures. Elle appelle une refondation de nos rapports avec la Terre elle-même. David Djaïz évoque ce contrat naturel, un pacte élargi qui reconnaît enfin l’interdépendance entre les sociétés humaines et les écosystèmes qui les soutiennent. « Nous faisons corps avec les écosystèmes, et c’est un élargissement de la focale qui nous est demandé. » précise t il.

Ce contrat s’appuie sur une philosophie de la solidarité, une reconnaissance que nous ne sommes pas seulement des individus isolés dans un monde fragmenté, mais des héritiers d’un patrimoine commun. Il nous invite à penser une justice nouvelle, où les efforts et les sacrifices imposés par la

transition écologique sont équitablement répartis, pour éviter que les plus précaires ne portent à eux seuls le poids d’un avenir à bâtir.

L’urgence d’un éveil spirituel

Au-delà des chiffres et des solutions techniques, cette transformation porte en elle une dimension spirituelle. Comme le rappelait Jacques Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Mais précise David Djaïz : « On ne peut pas regarder ailleurs quand la maison brûle, car nous sommes dans la maison. »

Alors, il y a une urgence plus vaste : celle d’une écologie de l’attention. Dans un monde saturé par les écrans, il devient impératif de retrouver le lien avec le vivant, de prêter attention à ce qui nous entoure, aux cycles de la nature, et aux liens invisibles qui nous unissent. Ce n’est pas seulement un enjeu écologique, mais une quête de « réenchantement du monde ».

Un horizon de renaissance

David Djaïz offre une note d’espoir et de défi. La transformation écologique n’est pas uniquement un projet technique ou politique, c’est une « gigantesque machine à redistribuer les cartes », un bouleversement qui redéfinit les positions sociales, économiques et symboliques. Comme chaque révolution industrielle qui l’a précédée, celle-ci devra s’accompagner d’un nouveau contrat social et naturel.

Dans cette quête, il ne s’agit pas seulement de préserver, mais de réinventer. Réinventer notre place dans le monde, notre manière d’y habiter, et la façon dont nous construisons une alliance avec la Terre et ses cycles fragiles. La route est ardue, mais comme le dit si justement Michel Serres : « Ce qui nous attache et nous relie tous universellement, notre Terre et notre espèce, est la somme intégrale de nos cordes et alliances. »

Et David Djaïz de conclure : « Nous sommes à l’heure de l’Alliance universelle, les hommes sont tous reliés les uns aux autres, encordés en quelque sorte par la technologie, mais nous sommes aussi reliés aux vivants et à la nature. Il faut que les hommes et les institutions permettent de faire vivre cette alliance et d’éviter qu’elle ne se transforme en un champ de ruines fumantes ».

  • * David Djaïz naît en 1990 à Agen. Il grandit entre le Sud-Ouest et le Maroc, où il passe six ans entre 1999 et 2005. Ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (première place au concours d’admission en 2010), et de l’École nationale d’administration (ENA), promotion George-Orwell (2015-2016), David Djaïz est aussi titulaire d’un master de philosophie politique de la Sorbonne, où il a conduit des recherches sur la genèse de la théorie politique moderne. normalien, haut fonctionnaire et essayiste. Auteur de nombreux ouvrages et notamment avec Xavier Desjardin de « La Révolution obligée » chez Allary Editions. Il est aussi président des Rencontres philosophiques Michel Serres à Agen

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