mer 15 janvier 2025 - 00:01

Réconcilier le corps et l’esprit : de la dualité à l’union sacrée

Texte écrit avec la participation active de Régis Belamich

La relation entre le corps et l’esprit a longtemps été marquée par une tension palpable, souvent exacerbée par des doctrines religieuses qui ont historiquement considéré le corps comme un obstacle à l’ascension spirituelle. À travers les âges, des voix ont clamé que l’âme était piégée dans une enveloppe charnelle, et que le salut ne pouvait être trouvé qu’en renonçant aux plaisirs de la chair.

Cette vision dualiste, illustrée par les enseignements de Platon avec sa théorie de la forme et de la matière, ou par certains courants du christianisme prônant l’ascétisme, a conduit à une guerre ouverte contre le corps, le réduisant à une simple prison de l’âme.

Le Corps sous l’Emprise de la Spiritualité

Dans de nombreuses traditions religieuses, le corps était vu comme un lieu de péché, un élément à réprimer et à ignorer pour accéder à une dimension spirituelle supérieure. Le besoin de couvrir le corps, le rejet des plaisirs physiques et une ascèse rigoureuse étaient perçus comme des voies vers la purification. Les monastères médiévaux, par exemple, ont souvent promu une vie de mortification de la chair comme moyen de se rapprocher de Dieu. Cependant, cette dichotomie a engendré une déconnexion entre l’esprit et le corps, laissant de nombreuses personnes se sentir coupées de leur propre existence physique, une condition que certains philosophes modernes, comme Nietzsche, ont critiquée comme étant une négation de la vie.

Une Nouvelle Perspective : Le Corps comme Sanctuaire

À l’ère moderne, un renversement des valeurs s’est opéré. Le corps est désormais célébré, idolâtré même, comme une œuvre d’art à embellir, à préserver et à exhiber. Les normes de beauté, souvent imposées par la société, poussent à une quête incessante de perfection physique, où l’âme est mise au service de cet idéal. Pourtant, cette obsession pour l’apparence extérieure peut parfois mener à une superficialité qui néglige la profondeur de l’être. Des mouvements comme le yoga moderne ou le fitness holistique cherchent à redonner au corps son rôle de temple de l’esprit, non pas en le niant mais en le glorifiant à travers la santé et la bienveillance envers soi-même.

L’Holisme : Une Vision d’Interconnexion

Dans une approche holistique, tout est interconnecté. Les philosophies qui émergent de traditions anciennes, comme celles du tantrisme du Cachemire, nous rappellent que la spiritualité ne peut être atteinte sans reconnaître la sacralité de la matière, y compris celle de notre corps. Dans ces traditions, le corps n’est pas un ennemi à dominer, mais un allié à honorer. Le plaisir, loin d’être un obstacle, devient un outil puissant pour éveiller la conscience et élever la fréquence vibratoire de notre existence, une idée que l’on retrouve aussi dans certaines formes de méditation bouddhiste où la sensation corporelle est utilisée comme un ancrage vers l’illumination.

Retrouver le Sacré dans le Corps

"L'Homme et le Sacré", la journée d'étude de l’Académie Maçonnique de Lyon

Réconcilier le corps et l’esprit, c’est retrouver le sacré dans notre propre chair. C’est comprendre que la communion avec le divin passe par l’acceptation de notre humanité et de notre corporalité. En intégrant le corps dans notre quête spirituelle, nous découvrons un espace de rencontre où la matière et l’esprit coexistent harmonieusement. Cette union sacrée nous permet non seulement d’honorer notre corps, mais aussi de le voir comme un véhicule de notre évolution spirituelle, une notion que les pratiques tantriques ou certains cheminements chamaniques illustrent parfaitement.

Le Corps dans la Franc-maçonnerie par Franck Fouqueray

Dans son ouvrage intitulé “Les Clés d’une nouvelle Franc-Maçonnerie par le Corps” (disponible sur le site de Numérilivre), Franck Fouqueray explore une dimension souvent négligée de la pratique maçonnique : le rôle central du corps dans la spiritualité et l’initiation maçonnique. Voici une analyse basée sur les idées et concepts présentés par Fouqueray :

Le Corps comme Instrument de l’Initiation

Fouqueray souligne que dans une époque où la vie moderne tend à désincarner les expériences spirituelles, la Franc-Maçonnerie doit réintégrer le corps dans son processus initiatique. Selon lui, le corps est le premier outil du maçon, non seulement comme un symbole, mais comme un véritable moyen d’expérience spirituelle. Il critique la tendance à intellectualiser l’initiation, affirmant que l’expérience maçonnique doit être vécue, ressentie physiquement, et non simplement pensée.

Les Quatre Nourritures du Franc-Maçon

Le livre de Fouqueray propose une relecture des “quatre nourritures” (Disponible sur le site de Dervy) du franc-maçon, qui incluent non seulement les aliments solides et liquides, mais aussi le traitement de l’air (respiration) et l’orientation de la pensée. Il met en avant l’importance de ces éléments pour le bien-être physique et spirituel du maçon, suggérant que chaque aspect de la vie quotidienne, y compris la manière dont on respire et pense, influence le parcours initiatique.

  • Alimentation : Non seulement comme un moyen de survie mais comme une part de l’initiation, où chaque repas partagé en loge devient une occasion de renforcer les liens fraternels et de nourrir l’âme.
  • Respiration : Fouqueray insiste sur les techniques de respiration qui peuvent être utilisées pour centrer le maçon, le préparer aux rituels et lui permettre de mieux intégrer les enseignements maçonniques.
  • Orientation de la Pensée : La manière dont on oriente ses pensées, selon Fouqueray, doit être alignée avec les principes maçonniques, ce qui se traduit par une pratique méditative ou introspective où le corps joue un rôle actif.
  • Air : La qualité de l’air, la respiration consciente pendant les rituels, tout cela contribue à la purification et à l’élévation spirituelle.

Symbolisme Corporel et Rituels

Fouqueray défend l’idée que les rituels maçonniques doivent impliquer le corps de manière plus consciente et intentionnelle. Les gestes, les postures, les déplacements dans l’espace de la loge ne sont pas que symboliques; ils sont des actes de transformation personnelle. Il propose de redonner vie à ces mouvements, les rendant plus significatifs et moins mécaniques, pour que chaque geste rituélique soit une étape dans le développement personnel et spirituel du maçon.

Une Maçonnerie du XXIe Siècle

L’auteur plaide pour une maçonnerie qui ne se contente pas de répéter les rituels du passé mais qui les réinterprète à travers le prisme du corps, en intégrant des pratiques éprouvées par d’autres traditions, comme celles de la Chine ancienne (mentionnant spécifiquement des pratiques de 2500 ans). Il suggère que cette approche pourrait non seulement revitaliser la Franc-Maçonnerie mais aussi l’adapter aux défis contemporains, en offrant une voie plus intégrée et holistique à l’initiation.

Franck Fouqueray invite à une redécouverte du corps dans la Franc-Maçonnerie, le voyant non comme un obstacle mais comme un allié dans la quête spirituelle. Son travail incite à une pratique maçonnique plus vivante, où chaque membre de la loge est conscient de son corps comme un véhicule de son évolution personnelle et collective. Le livre est une invitation à remettre la chair au cœur de l’action maçonnique, pour éviter que l’Art Royal ne devienne une pratique exclusivement philosophique et intellectuelle, mais plutôt un chemin de vie intégral.

Conclusion

La réconciliation entre le corps et l’esprit est une quête fondamentale pour retrouver notre essence véritable. En célébrant notre corps non pas comme une entrave, mais comme un sanctuaire, nous ouvrons la porte à une spiritualité intégrée et vivante. En fin de compte, la communion avec le divin en soi ne peut être atteinte que lorsque nous embrassons pleinement notre humanité, et cela passe par l’honorer et l’aimer, corps et âme. Et n’oublions jamais que le corps est sacré et divin par la nature magique de la vie qui l’anime, un principe que de plus en plus de traditions spirituelles contemporaines s’efforcent de réaffirmer.

François Cheng nous parle de son dernier ouvrage «De l’âme»

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