dim 18 mai 2025 - 12:05

L’énigme des Maîtres -19- La lettre cachée

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Hôtel de l’Académie

À l’abri des regards, installés dans la suite de sir Archibald, nos amis étalèrent les douze registres de compte aux couvertures cartonnées. Ils concernaient la gestion du château Lamothe.

On y apprend que le lendemain du 3 décembre 1600, la reine Marie de Médicis suivie des princesses et des seigneurs attachés à sa personne alla entendre la messe à La Motte et y déjeuna. On avait dressé une estrade sur laquelle elle pouvait entrer dans sa chambre qui occupait toute la façade du château entre les deux tours côté Lyon en direction du Rhône. Cette estrade assez vaste pour contenir toutes les personnes qui composaient son cortège, était couverte et parée de riches tentures et le trône s’élevait au milieu. Chaque dépense y était notée

La plus fastueuse dépense fut faite pour la visite de Louis XIII. La ville avait donné au nommé Hugues Crépier, l’ordre de bâtir et de construire un Palais et un Théâtre à l’entrée de l’enclos de la Motte, Le Roi et la Reine entrèrent dans la grande salle pour déjeuner et à la fin du repas, installés sur l’estrade ils virent défiler en bon ordre toute la milice bourgeoise, dont le nombre se montait à plus de 8 à 9000 hommes divisés en 36 pennonages, armés et vêtus avec beaucoup d’élégance et de richesse.  

Le roi donna aux valets de chambre tout le « théâtre du château de la Motte  où se firent les réceptions, tapisseries de Flandres et meubles compris. Sans doute, il ignora que ces richesses ont été apportées là et prêtées par les plus riches bourgeois de la ville qui ont vidé leur appartement luxueux pour lui faire honneur. Heureusement les valets de chambre sont gens accommodants. Ils consentent à « céder au bénéfice de la ville le don que sa majesté Louis XIII leur a fait  mais pour 300 livres. Puis c’est le capitaine des gardes, Mosny et son exempt Vaustin, à qui le Roi a donné les ornements du théâtre La Motte. L’exempt se contente de  la valeur d’un habit de satin, soit 60 livres, mais de Mosny en exige 600 et encore garde-t-il le dais de velours violet, les chaises, les chenets, les taffetas et les tapis de Turquie. Quand les visiteurs de marque sont partis en emportant leur butin, quand la ville a payé sa rançon et racheté ses meubles, restent les amis à satisfaire, et les services extraordinaires à récompenser. Hallincourt s’est signalé tout particulièrement par son zèle à faire aboutir les réclamations de la ville à son Roi. En reconnaissance, la ville distribue des étrennes à toute sa maison, à celle de son fils, le marquis de Villeroy et du lieutenant gouverneur conte de Bury. Pour lui même on réserve un cadeau royal, il touchera 3000 livres de rente annuelle. Les services extraordinaires des gros fonctionnaires de la ville coûtent 6357 livres, ceux des petits 860; les domestiques privés du Prévôt des marchands, du receveur de la ville et des autres, reçoivent leurs étrennes au frais de la même et inépuisable caisse qui ne peut payer ses créanciers. La visite royale coûte à la ville de Lyon à peu près le budget d’une année : 61000 livres.

Ces découvertes amusèrent les lecteurs et surtout Caris qui en riait.

En ouvrant le dernier registre concernant les préparatifs faits au château de la Motte en vue d’y recevoir le Roi Louis XIV, Alexander fit remarquer que la couverture était anormalement épaisse, quelque chose y était dissimulée entre le carton et la page de son dos.

Ils décidèrent d’entamer la reliure avec d’infinies précautions.  Y apparut un fac-similé plié et inséré d’une lettre de Léonard de Vinci à Charles Villeneuve, traduite en français.

À Charles de Villeneuve, Seigneur et Baron de Joux,

Noble Seigneur,

Pardonnez mon retard à vous écrire. Depuis mon arrivée salvatrice, il y a 3 ans auprès de notre Très Noble et Très Puissant roi François. Je suis devenu une curiosité que mon royal « père » est heureux de présenter à ses hôtes et je me dois d’y répondre.

C’est avec une profonde gratitude que je prends la plume, vous exprimant mes sincères remerciements tardifs pour l’hospitalité que vous m’avez accordée lors de mon séjour à votre charmant château de La Motte. Votre bienveillance et votre accueil chaleureux ont su embellir mon passage par cette région que j’ai tant admirée.

Je garde un souvenir des échanges intellectuels que nous avons partagés avec Jean Perréal qui m’avait conduit vers vous. Cet artiste émancipé de la tutelle de la commande ecclésiastique et pleinement partie prenante de la communauté humaniste de Lugdunum, m’a prodigieusement inspiré. Il est rare de croiser des esprits aussi éclairés que les vôtres, qui savent allier sagesse et curiosité, tout en se dédiant à l’essor des arts et des sciences. Votre passion pour l’érudition se manifeste à chaque recoin de votre pensée.

Les repas que vous m’avez offerts, parés des délices de votre table, homards, faisans rôtis, poissons d’eau douce, desserts à la cannelle demeureront gravés dans ma mémoire, tout comme les conversations où l’art et la science ont dansé ensemble sous le ciel étoilé de votre château. Soyez assuré que l’amitié que vous m’avez témoignée ne sera jamais oubliée et que je chérirai toujours les souvenirs de mon passage chez vous.

La  lumière du diamant dont je vous ai parlé est si pure qu’elle pourrait percer les ténèbres de l’âme humaine, révéler les secrets cachés par le Créateur. En regardant à travers ce diamant, on pourrait contempler ce qui précède le commencement… ou ce qui suit la fin. L’objet ne doit pas être mis entre n’importe quelles mains. Je crains que l’humanité ne soit prête pour ce qu’il révélerait. Je cherche à le protéger, pour empêcher qu’il ne suscite des convoitises qui pourraient plonger le monde dans les ténèbres, au lieu de le guider vers la lumière.

Comme le saint Graal aurait été apporté en Angleterre par Joseph d’Arimathie, j’ai confié le diamant à un preux chevalier anglais et à vous beau seigneur de quoi le retrouver s’il m’arrivait le pire. Je sais que vous le reconnaîtrez avec ceci.

Que votre nom brille à jamais parmi ceux des grands protecteurs des arts, et que votre château continue d’être un havre de paix et de sagesse.

Avec toute ma dévotion,

À Clos Lucé, en ce jour d’avril de l’an de grâce 1519.

En dépliant le parchemin, un morceau de tissu grisâtre lamé d’or terni tomba.

Une note de Villeneuve l’accompagnait  :

Renseignement pris, cela pourrait être  une indication de l’écu écartelé, les quartiers d’argent à dextre du chef et de la pointe senestre chargés de trois losanges conjoints de gueule (rouges) ;les deux autres quartiers d’or (jaune), chargés d’un griffon ailé de sinople (vert), à bec ouvert et aux griffes de gueule, tourné à dextre. Celui du comte de Salisbury, aïeul du jeune baron ?  Que celui qui trouvera ces messages retrouvera le diamant.

– Ces losanges ne sont-ils pas trois diamants ? Quelle coïncidence! Je sais où nous allons pouvoir retrouver trace du diamant, s’exclama Sir Archibald. Ce blason est intégré dans celui du Duc de Montagu en contre-écartelé aux sautoirs 1 et 4. C’est ce Duc que l’on trouve sur le frontispice des Constitutions maçonniques de 1723. Je suis sûr que le diamant a trouvé refuge auprès de la Grande Loge Unie d’Angleterre !

– Mais quand cela finira-t-il ? S’exclama à son tour Alexander.

La suite la semaine prochaine

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Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

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