mar 21 janvier 2025 - 11:01

L’énigme des Maîtres -2- L’éveil de l’énigme

(Lire le précédent épisode ici)

L’Éveil de l’Énigme

 

Paris, 7h45

On sonne à la porte.

– Hello Lhermitt. Que se passe-t-il ? Je ne t’attendais que pour l’apéro ce soir ! Un café alors ?

Il appelait son ami toujours par son nom de famille, considérant que c’était une familiarité complice rappelant que c’est ainsi qu’il avait fait sa connaissance lors de l’appel de leur rentrée en classe de terminal.

De prestance naturelle, svelte et bien bâti comme on dit, Guido Lhermitt porte ses cheveux bruns coupés courts, avec quelques mèches légèrement ondulées qui encadrent son visage aux traits réguliers et aux pommettes légèrement saillantes. Des lunettes en écaille sombre lui donnent un air à la fois sérieux et charismatique.

Guido est le fils d’une mère italienne, restauratrice d’œuvres d’art. Elle mourut alors qu’il avait 10 ans, il en garde un souvenir d’amour idéalisé. Son père, Peter Lhermitt, est un cryptographe anglais de renom. Cette double origine lui confère une apparence qui reflète à la fois la chaleur méditerranéenne et la patience introvertie des anglo-saxons. Ses yeux, d’un marron profond, sont vifs et expressifs, ses manières polies et réservées.

Né dans une famille artistique et scientifique, passionnée par le savoir comme celle d’Alexander, dès l’adolescence, il s’est lié d’amitié avec lui, une curiosité intellectuelle commune ayant cimenté leur lien.

Guido a poursuivi des études universitaires en histoire de l’art et en criminologie, combinant ainsi sa passion pour l’art avec un intérêt croissant pour les aspects juridiques de la préservation du patrimoine culturel. Il a commencé sa carrière dans la police en tant qu’agent spécialisé dans les crimes culturels en tous genres, vols, fraudes, spoliation, destruction volontaire. Sa passion et son expertise ont rapidement attiré l’attention de ses supérieurs, le propulsant vers des postes de plus en plus responsables. Il dirige désormais une unité spécialisée d’Interpol chargée de prévenir et d’enquêter sur les crimes culturels, tout en collaborant étroitement avec des fondations privées internationales.

– Hello Alex ! Pas le temps pour le café. Changement de programme : j’ai pris rendez-vous en début d’après-midi avec le conservateur de la National Portrait Gallery. Mes services ont reçu d’un lanceur d’alerte une information suggérant qu’un groupuscule fanatique pourrait être sur le point d’y voler un tableau de Newton. J’ai pris deux billets pour Londres, j’ai pensé que tu pourrais m’accompagner. Tu deviens trop casanier avec tes dossiers qui peuvent attendre, et puis j’ai besoin de ton expertise. Oust, dépêche ! Prends quelques affaires au cas où…dit-il avec un clin d’œil malicieux.

Au-delà de son intellect brillant, Guido est également doté d’un sens de l’humour pétillant et d’une nature sociable. Son charme naturel et son attitude décontractée font de lui un compagnon de voyage idéal, et les aventures féminines partagées par ces deux beaux garçons au cours de leur adolescence ont créé des souvenirs indélébiles qui renforcent encore davantage leur amitié.

– L’Eurostar part à 11h12, cela nous laisse tout juste le temps de le prendre et d’arriver vers 13h30 pour rejoindre le musée. Pas une seconde à perdre.

Tilt ! Laissant sans façon son ami sur le seuil, Alexander traverse son appartement à grandes enjambées pour saisir le dossier créé la veille. Il glisse sur les parquets en chevron des pièces de réception en enfilade, se cogne dans sa vitesse à une cheminée en marbre, faillit rater son virage pour traverser le corridor le conduisant à son bureau. 

Il n’avait pas rêvé, il était bien là où il l’avait laissé. Ses mains tremblent légèrement alors qu’il s’empare de la chemise cartonnée. Étonné par la tournure des événements et revenant vers son ami il tente de lui expliquer,

– Lhermitt, c’est une drôle de coïncidence. Hier, justement j’ai vu le portrait de Newton  parmi des photos. Je t’expliquerai plus tard.  Et comment, je pars avec toi!

Alexander s’empresse de fourrer automatiquement le dossier, un nécessaire de toilette toujours prêt et de quoi se changer dans un élégant sac de voyage en s’exclamant sans savoir pourquoi, mais sans pouvoir s’en empêcher : l’aventure commence !

 Durant le voyage, Alexander raconta à son ami ses amusantes découvertes par mégarde, les drôles de tableaux dans la pièce vide et puis ce dossier de tableaux éclectiques.

–  Je suis sûr qu’il y avait un portrait d’Isaac Newton.

– C’est donc le moment opportun pour aller le voir en vrai, répondit Guido. Si nos informations sont justes, la probabilité qu’on ne le voit plus n’est pas négligeable.

– Pourquoi voudrait-on voler spécifiquement le tableau de Newton ? Après tout il y a beaucoup d’œuvres à la Portrait Gallery d’une valeur bien plus grande.

–  Ce n’est pas une simple histoire d’argent. Notre Newton a un fan club très particulier. Ses membres ne veulent pas seulement voler ce portrait-là. Ils veulent plus probablement le détruire ! Et surtout on  ne sait pas pourquoi.

 – Alors j’ai une piste pour toi Guido ! Tu devrais chercher parmi les afficionados de Robert Hooke !

–  Ah oui, pourquoi?

–  J’ai lu le livre de Lisa Jardine sur le « Géomètre de Londres ». Apparemment c’est sous la présidence du fielleux Isaac Newton à la Royal Society que le portrait officiel du fellow Robert Hooke, secrétaire de ladite société, a mystérieusement disparu. Dans son livre, Lisa Jardine sous-entend que ce serait à l’initiative de notre cher Isaac Newton qu’il aurait été détruit. Avec un sourire malicieux, Alexander conclut triomphalement :  

–  C’est le clan des Hooke qui veut prendre sa revanche !

–  Tu ferais un sacré enquêteur Alex ! Répondit Guido en riant franchement.

Puis il reprit

– J’ai un coup de fil à passer pour prévenir de notre arrivée. Quelques minutes après, ayant raccroché, il annonça simplement :

– Un ami viendra nous chercher à la gare St Pancras pour nous conduire à Trafalgar Square.

Londres

L’ami en question, venu chercher Alexander et Guido, jusque dans le hall de la gare, les accueille chaleureusement, glissant à l’oreille de ce dernier, tout en l’embrassant, un murmure qu’Alexander n’entendit qu’à moitié, quelque chose étrange comme « ôté».

Vêtu avec une élégance discrète, Lord Archibald Winston, Comte de Kersal, est un homme d’âge mûr. Son front est celui d’un intellectuel. Malgré ses années, une grande force, qu’on devine inaltérable, lui donne cette beauté souveraine faite d’une harmonie délicate où se mêlent l’intelligence, la mansuétude, la spiritualité, la droiture. Son regard gris, protégé par des lunettes sans bord aux fines branches de titane, est si perçant qu’il impose le respect. Mais son sourire, quand il sourit, l’éclaire de douceur et invite au dialogue.

Il porte un costume en flanelle grise, à l’évidence sur mesure, parfaitement ajusté, soulignant un goût classique. Une cravate en soie grenat, où l’on peut distinguer dans les reflets, ton sur ton, une chouette au niveau du nœud, rehausse sa chemise blanche impeccable. Ses chaussures, polies à la perfection, confirment son attention méticuleuse aux détails, et chaque geste, chaque mouvement, semblent nonchalamment contrôlés, un aristocrate anglais à l’évidence, mais avec une légère claudication.

Le français de Lord Winston, teinté d’un léger accent britannique, résonne avec une éloquence tranquille. Il choisit ses mots avec soin, articulant chaque syllabe avec précision. Tout en lui est à la fois nuance et exigence.

Non loin de la sortie de la gare, le chauffeur de Lord Winston, James Parker, les attendait dans une voiture de grande remise, une Bentley.

En désignant le B de la marque qui orne la calandre, avec un clin d’œil à Guido et, s’adressant à Alexander, Lord Winston lâcha

 – B comme « bôase » évidemment.

Guido en sourit.

– Bon, curieux d’appeler ainsi une voiture ? pensa Alexander reconnaissant quelque originalité au personnage ou du moins un humour british qu’il ne comprit pas mais que son ami, à l’évidence, avait su apprécier. 

(Découvrir la suite dimanche prochain à la même heure)

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Solange Sudarskis
Solange Sudarskis
Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le "Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique", prix littéraire de l'Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».

Articles en relation avec ce sujet

Titre du document

DERNIERS ARTICLES