Depuis tout petit, cette devise me rappelle de mauvais souvenirs. Je ne parle évidement pas de son contenu, mais plutôt de sa vision. Il faut dire qu’ils l’avaient gravé au dessus de la porte de l’école. Alors imaginez le lundi matin mon enthousiasme pour cette grande idée révolutionnaire. Ma seule liberté à moi était de rester au lit.
Quelques années plus tard, qu’elle ne fut pas ma surprise de la retrouver en Loge. Je me suis aussitôt dit : « Encore une création des maçons ». Que nenni, il s’agit d’une récupération, comme la plupart des bonnes idées qu’on retrouve en Loge. Cependant, étant plutôt attaché au symbolisme, je crois fermement que les mots ont un sens, je me suis amusé à décortiquer celui de notre belle devise en trois points.
Liberté : les maçons sont-ils libres ? Force est de constater qu’il existe dans la masse des SS∴ et des FF∴ de la communauté, une minorité de maçons(nes) pour laquelle la rébellion contre les injustices et la recherche de liberté sont une seconde nature. Mais malheureusement, il existe aussi une autre partie, celle à qui on peut bien donner des passeports sanitaires, des bracelets électroniques de traçage, des portiques de sécurité à l’entrée des Temples, des fichages à n’en plus finir… sans que cela ne déclenche la moindre inquiétude ou le moindre soupçon (LA PHRASE MAGIQUE : “…puisqu’on vous dit que c’est pour votre sécurité !”). Toute contestation à l’ordre établi pourrait-être pris comme du complotisme. Devons-nous conclure que certains maçons œuvrent pour une demie liberté, la leur (mais certainement pas celle de tous) ?
Egalité : les maçons se considèrent-ils égaux. Vous connaissez tous « La Ferme des animaux » de George Orwell. Lorsque la jument Douce demande à l’âne Benjamin de lui lire les commandements inscrits sur le mur, il lui dit qu’il n’en reste plus qu’un seul : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres. »
Il me semble qu’il s’agisse de la même chose chez les porteurs de tabliers. Les grades constituent bien souvent une justification de séparation des classes. Parlons aussi des comparaisons qui existent entre les obédiences. Demandez à des Frères reconnus par nos compatriotes britanniques ce qu’ils pensent des maçons qui pratiquent mon Rite, celui de Memphis Misraïm, vous verrez aussitôt un petit rictus condescendant apparaître chez certains. Demandez aussi à des Frères qui, dans leur grande mansuétude, ont accordé le Rite d’adoption à nos Sœurs en robe noire, juste après la guerre. Vous verrez ce même sourire dont je parlais à l’instant. Si si, je vous assure, certains Frères ne prennent pas la Franc-maçonnerie féminine au sérieux.
Nous pourrions également parler de la manière dont la grande majorité des maçons regarde avec respect et presque convoitise les dignitaires élus. Nous pourrions presque croire parfois qu’ils ont été envoyés sur terre par une puissance divine, tant ils sont différents des petits ; des sans grades ou des sans dents dans certains cas. En définitive, celui qui voit une égalité en Franc-maçonnerie, sera prié de me donner l’adresse, car je ne l’ai pas encore rencontrée.
Abordons enfin de la Fraternité : Le dictionnaire nous dit qu’il s’agit de l’expression du lien affectif et moral qui unit une fratrie et par extension désigne aussi un lien de solidarité et d’amitié. Alors je me suis mis en recherche des réalisations ou des implications officielles de structures maçonniques en matière de solidarité. Les 10 plus grosses associations du pays sont : « La Croix-Rouge – Association des paralysés de France – Médecins sans frontières – Action contre la faim – Les Restos du cœur – Le Secours catholique – L’Association française contre les myopathies – La Ligue contre le cancer – Le Secours populaire – Médecins du Monde. »
J’ai eu beau chercher… mais n’ai trouvé aucune trace de tabliers ou de gants, autres que ceux pour faire la vaisselle.
Alors je me suis mis à nouveau en quête de structures officielles pour la réinsertion des maçons en difficulté. Là encore, à part quelques micros-organisations locales qui peinent à être reconnues et qui font ce qu’elles peuvent avec très peu de moyens, je n’ai vu aucune solidarité fraternelle d’envergure nationale ou européenne.
Ayant été très déçu d’être resté sur ma faim, je partage avec vous une proposition qui pourrait faire son chemin. Si dans notre devise maçonnique, nous remplacions le fameux terme « égalité » totalement utopique et mensonger par « Solidarité », cela permettrait peut-être de donner un réel sens à ce célèbre « Fraternité » qui nous est si cher.
Je vous prie de m’excuser, je dois marauder avec une association de mon quartier.
Bonne soirée à bientôt
“Il y a en l’homme une préférence pour la servitude volontaire, parce que la servitude est confortable et qu’elle rend irresponsable”.
Etienne de La Boétie
la recherche du monde idéal est la quête de tout FM, mais nous ne sommes qu’humain et sur terre donc loin d’y parvenir
il est terrible de constater que le traumatisme de notre devise nationale a continué de te persécuter en loge
mais il faut faire un petit rappel historique, si effectivement le Grand Orient n’en est pas l’inventeur, car elle provient manifestement de la révolution française, il l’a érigée sur ces temples avant que ne fusse notre devise nationale
le terme égalité signifie égalité de droit, la fraternité si en loge on dit que mes frères me reconnaissent comme tel elle est bien au-delà de la solidarité que nous devons nous FM à tous,
il me manque toujours le mot laïcité qui complète notre devise nationale, mais elle n’était de mise à l’époque
Cher Franck,
Je comprends ton désenchantement mais ne vient-il pas en grande partie de la confusion sur le terme “fraternité”? La fraternité n’est pas nécessairement l’amour (et encore moins le copinage, l’amitié de façade qui s’arrête trop souvent au seuil de nos loges).
Ce terme désigne un lien génétique, indissoluble, impliquant une interdépendance au-delà de toute autre considération. Ceux qui ont frère ou une soeur de sang connaissant l’intensité de ce lien dont il est, même en cas de désaccords et de conflits profonds, très difficile à se défaire.
Si on a compris cela, on a admis que tous les humains sont nos frères ou nos soeurs. Et aussi que nous dépendons de “l’état de santé” de l’humanité. Il est difficile de se porter bien si on a un frère de sang au bord du précipice…
Fraternellement
P.