Le terme « bouc émissaire » trouve son origine dans les rituels anciens, notamment le Yom Kippour juif, où un bouc était chargé des péchés de la communauté avant d’être expulsé dans le désert. Ce mécanisme, analysé par l’anthropologue René Girard, illustre comment une société peut résoudre ses tensions internes en désignant un innocent pour porter le blâme.
Dans le contexte de la Franc-maçonnerie, bien que le concept ne soit pas explicitement utilisé dans les enseignements ou les rituels, il offre une toile de fond intéressante pour explorer des thèmes comme la justice, la responsabilité et le sacrifice. La Franc-maçonnerie, avec ses principes fondateurs de liberté, égalité et fraternité, propose une réflexion sur ces dynamiques.
Origines et symbolisme
Le rituel du bouc émissaire symbolise le transfert des fautes collectives sur un individu ou un groupe, une pratique que l’on retrouve dans de nombreuses cultures. Girard explique dans son ouvrage “La Violence et le Sacré” comment cette désignation d’un bouc émissaire permet de rétablir la paix sociale en évitant l’escalade de violence.
Perspective maçonnique
La légende d’Hiram Abif, centrale dans la tradition maçonnique, raconte le meurtre et la résurrection symbolique de l’architecte du Temple de Salomon. Ce récit peut être vu comme une métaphore de la réhabilitation après une injustice. “La mort d’Hiram n’est pas seulement une histoire de trahison et de deuil, mais aussi de rédemption et de vérité retrouvée,” explique le Maître Maçon John Smith dans son livre “Symboles maçonniques et leur signification”.
La Franc-maçonnerie encourage la responsabilité personnelle. “Dans nos loges, nous apprenons que le véritable progrès moral se fait par l’introspection et non par le rejet sur autrui,” souligne le Grand Maître de la Grande Loge de France dans son discours annuel de 2023. Cela s’oppose directement à l’idée de bouc émissaire, où l’on désigne un autre pour échapper à sa propre culpabilité.
Liens philosophiques
Les loges maçonniques servent souvent de forum pour débattre de questions éthiques et sociales, y compris celles liées à la justice et à l’injustice. “L’éducation maçonnique vise à élever l’individu au-dessus des réflexes de la foule,” affirme un article publié dans le “Journal de la Franc-Maçonnerie” en 2022. Les discussions sur le rôle de la société dans la création de boucs émissaires peuvent ainsi mener à une compréhension plus profonde des mécanismes sociaux et à la promotion d’une justice plus équitable.
Pratiques et exemples contemporains
Dans la société moderne, le phénomène du bouc émissaire n’a pas disparu ; il a simplement changé de forme. Les médias sociaux, par exemple, ont donné une nouvelle plateforme pour la stigmatisation rapide et souvent injuste. Des personnalités publiques, des groupes minoritaires ou même des entités comme les entreprises sont régulièrement désignées comme responsables de problèmes complexes sans véritable fondement.
La Franc-maçonnerie, en tant qu’institution, s’oppose à ces pratiques en valorisant l’équité et la compréhension. Les loges maçonniques, espaces de dialogue et de réflexion, offrent un contrepoint à cette tendance. Par exemple, lors des séances de travail maçonnique, les discussions sur les thèmes de la justice sociale ont souvent lieu. Un franc-maçon, souhaitant rester anonyme, a déclaré lors d’une loge en 2023 : “Notre travail est de transformer la pierre brute, c’est-à-dire nous-mêmes, en pierre cubique parfaite. Cela implique de reconnaître nos propres faiblesses avant de chercher à blâmer autrui.”
Statistiques et études
Des études sociologiques récentes montrent une augmentation de la polarisation et de la recherche de boucs émissaires dans les discours publics. Une enquête de l’Observatoire du Bouc Émissaire, publiée en 2024, révèle que 68% des personnes interrogées ont déjà été témoins de stigmatisation en ligne contre des groupes minoritaires ou des individus, souvent sans preuve concrète de leur culpabilité.
Philosophies maçonniques
Les francs-maçons sont encouragés à chercher la vérité au-delà des apparences. “La lumière maçonnique est celle qui éclaire les faits, non les préjugés,” rappelle un enseignement traditionnel. Cette quête de vérité peut servir à déconstruire les mécanismes du bouc émissaire. Un exemple notable est la réaction de la Franc-maçonnerie lors de l’affaire Dreyfus au XIXe siècle, où de nombreux francs-maçons se sont levés pour défendre Alfred Dreyfus contre des accusations injustes, illustrant ainsi l’engagement pour la justice et la vérité.
L’éducation et la réconciliation
Les loges maçonniques, à travers leurs rituels et leurs enseignements, mettent l’accent sur l’éducation et la réconciliation. Par exemple, le concept de “la table d’orientation” dans la maçonnerie représente la recherche de la vérité par la discussion et l’échange d’idées, un processus qui contraste avec l’instantanéité et l’unilatéralité du jugement social moderne.
Pour résumer, bien que le bouc émissaire ne soit pas un symbole direct dans la symbolique maçonnique, les principes maçonniques offrent une critique implicite de ce phénomène. La Franc-maçonnerie, en encourageant l’autocritique, la recherche de la vérité et la justice, propose un modèle alternatif où chacun est invité à regarder au-delà des apparences pour comprendre les véritables causes des maux sociaux.
Ne pas oublier qu’au chapitre 16 du Lévitique il est écrit :
07 Puis il prendra les deux boucs et les placera devant le Seigneur à l’entrée de la tente de la Rencontre.
08 Aaron TIRERA LES SORTS pour les deux boucs : un sort “Pour le Seigneur” et un sort “Pour Azazel.”
09 Aaron présentera le bouc sur lequel est tombé le sort “Pour le Seigneur” et en fera un sacrifice pour la faute.
10 Quant au bouc sur lequel est tombé le sort “Pour Azazel”, on le placera vivant devant le Seigneur afin d’accomplir sur lui le rite d’expiation, en l’envoyant vers Azazel, dans le désert.
Il serait intéressant de questionner le sacrifice du “pêché” envers Dieu qui conduit à la mort et celui envers la communauté qui n’est sanctionné que par un éloignement dans le désert, où au fond il y a espoir de survie et donc “devient tout au plus un symbole du repentir de la communauté, qui envoie de manière symbolique ses péchés dans des contrées au-delà de sa responsabilité partagée”. : shs.cairn.info/revue-pardes-2002-1-page-135?lang=fr
Peut-on parler de bouc émissaire pour l’épisode d’Hagar et son fils chassés dans le désert par Abraham, bien qu’il ne le voulût pas, pour protéger la descendance d’Isaac ?