mer 16 octobre 2024 - 15:10

Franc-maçonnerie et judaïsme : une histoire complète des valeurs, des défis et des contributions partagés

De notre confrère freemasonscommunity.life

La franc-maçonnerie et le judaïsme, deux traditions distinctes dotées d’une riche histoire, se sont croisées de manière fascinante au fil des siècles. Cet article explore la relation complexe entre ces deux groupes, leurs valeurs communes, leurs défis communs et les contributions importantes des francs-maçons juifs à la société, en particulier aux États-Unis.

Les Lumières et la réforme religieuse

Le siècle des Lumières a joué un rôle crucial dans la relation entre la franc-maçonnerie et le judaïsme. Le concept d’universalité des Lumières a donné naissance à une société dans laquelle les croyances religieuses n’affectaient pas les droits des citoyens. Ce changement a permis aux Juifs de participer plus pleinement à divers aspects de la société, y compris à la franc-maçonnerie.

Parallèlement, le judaïsme lui-même évoluait. Le développement du judaïsme réformé, en partie en réponse aux Lumières, enseignait une croyance continue dans les concepts fondamentaux de la religion sans exiger le respect de toutes les règles strictes d’observance. Cette évolution a facilité la participation de certains juifs à des organisations laïques comme la franc-maçonnerie.

De nombreux juifs considéraient l’adhésion à la franc-maçonnerie comme une forme d’« émancipation » des anciennes exclusions juridiques et sociales. La philosophie de la franc-maçonnerie, qui prône la fraternité entre tous les peuples, indiquait que la franc-maçonnerie accepterait les juifs comme membres, leur offrant ainsi la possibilité de s’intégrer davantage dans la société.

L’implication historique des Juifs dans la Franc-Maçonnerie

Les Juifs ont été activement impliqués dans la Franc-Maçonnerie depuis ses débuts en Amérique. Des preuves historiques montrent que les Juifs comptaient parmi les fondateurs de loges maçonniques dans sept des treize États d’origine : Rhode Island, New York, Pennsylvanie, Maryland, Géorgie, Caroline du Sud et Virginie.

Moses Michael Hays, un franc-maçon juif qui a joué un rôle crucial dans l’introduction du rite maçonnique écossais en Amérique, est une figure marquante de la franc-maçonnerie américaine naissante. Hays a été inspecteur général adjoint de la franc-maçonnerie pour l’Amérique du Nord en 1768 et grand maître du Massachusetts de 1788 à 1792. Il est intéressant de noter que Paul Revere a servi sous ses ordres en tant que grand maître adjoint.

Parmi les autres francs-maçons juifs importants du début de l’histoire américaine, on compte Solomon Bush en Pennsylvanie, Joseph Myers dans le Maryland et en Caroline du Sud, et Abraham Forst de Philadelphie en Virginie. Moses Seixas a exercé les fonctions de Grand Maître à Rhode Island de 1791 à 1800.

Les francs-maçons juifs ont également apporté une contribution significative à la Révolution américaine. Vingt-quatre officiers juifs ont servi dans l’armée de George Washington et plusieurs d’entre eux ont contribué au financement de la cause américaine. Haym Salomon, un franc-maçon juif de Philadelphie, s’est notamment fait remarquer pour ses contributions financières à l’effort de guerre et ses prêts personnels à des personnalités telles que Jefferson, Madison et Lee.

Valeurs et idéaux partagés

La franc-maçonnerie et le judaïsme partagent de nombreux thèmes et idéaux communs, ce qui peut expliquer l’affinité naturelle entre les deux traditions :

  1. Croyance en un Être suprême : Tous deux mettent l’accent sur la foi en Dieu comme principe fondamental.
  2. Comportement éthique : Les deux traditions soulignent l’importance de la conduite morale et de la gentillesse envers les autres.
  3. Charité et fraternité : aider ceux qui sont dans le besoin et favoriser un sentiment de communauté sont au cœur de la franc-maçonnerie et du judaïsme.
  4. L’accent est mis sur l’apprentissage : tous deux encouragent la formation continue et les bourses d’études.

Symboles et rituels courants

Plusieurs symboles et rituels sont importants tant dans la franc-maçonnerie que dans le judaïsme :

  1. Lumière : Les deux traditions utilisent la lumière comme un symbole important, représentant l’esprit divin et la liberté religieuse. La fête juive de Hanoucca, connue sous le nom de Fête des Lumières, partage des liens thématiques avec le symbolisme maçonnique de la lumière.
  2. Le Temple de Salomon : cette ancienne structure occupe une place importante dans les rituels maçonniques et dans l’histoire juive.
  3. Pratiques cérémonielles : les deux religions ont des cérémonies d’initiation et mettent l’accent sur le recours à des rituels pour inculquer la discipline et un comportement éthique. Par exemple, la cérémonie juive de Bar Mitzvah, qui marque le passage d’un garçon à l’âge adulte, présente certaines similitudes avec les rites d’initiation maçonniques en termes d’apprentissage de rituels et d’acceptation de nouvelles responsabilités.
  4. Respect de l’autorité et du devoir : Les deux traditions enseignent le respect des figures d’autorité (les parents et les rabbins dans le judaïsme, les dirigeants de loge dans la franc-maçonnerie) tout en mettant l’accent sur les devoirs de ceux qui occupent des postes de pouvoir.

Défis et controverses

Malgré ces valeurs communes, les relations entre la franc-maçonnerie et le judaïsme n’ont pas toujours été harmonieuses. À certaines périodes et dans certains lieux, les juifs ont été victimes de discrimination au sein des loges maçonniques. L’acceptation des juifs dans la franc-maçonnerie a beaucoup varié selon les pays et les périodes.

Au XIXe siècle en Allemagne, de nombreuses loges n’acceptaient pas les membres juifs et allaient jusqu’à interroger les frères maçonniques en visite sur leur religion à la porte de leurs loges. Divers arguments étaient utilisés pour exclure les juifs :

  1. Certains prétendaient que la franc-maçonnerie était une institution chrétienne et que les Juifs ne pouvaient pas en devenir membres à moins de se convertir.
  2. D’autres ont soutenu que seuls les chrétiens pouvaient posséder le bon caractère nécessaire pour atteindre les idéaux maçonniques.
  3. Certaines loges exigeaient des Juifs qu’ils prêtent serment sur les Évangiles chrétiens ou qu’ils mangent du porc lors des repas maçonniques, pratiques interdites dans le judaïsme.
  4. Il y avait même des arguments antisémites flagrants affirmant que les Juifs étaient racialement ou génétiquement inaptes à la franc-maçonnerie.

Il y eut cependant aussi des exemples de courage et d’ouverture. En 1890, le Dr Hermann Settegast, maître de la Royal York Lodge de Berlin, démissionna lorsque sa proposition d’interdire la discrimination religieuse dans les admissions fut rejetée. Il fonda alors une nouvelle Loge mère dont les membres étaient répartis à parts égales entre juifs et chrétiens, malgré une opposition importante.

Persécutions et attaques conjointes

Ironiquement, malgré ces tensions internes, les francs-maçons et les juifs se sont souvent retrouvés dans la même ligne de mire de leurs détracteurs. Les théories du complot liant les deux groupes sont devenues courantes, tous deux étant accusés de comploter pour saper les institutions sociales existantes.

Les fameux « Protocoles des Sages de Sion », un texte antisémite fabriqué de toutes pièces, impliquaient également les francs-maçons dans un prétendu complot juif visant à dominer le monde. Ce document, bien que démenti, a eu un impact durable sur le sentiment antisémite et antimaçonnique.

Sous le régime nazi, les deux groupes ont été sévèrement persécutés sous le slogan « Tous les francs-maçons sont juifs, tous les juifs sont francs-maçons ». De même, d’autres régimes totalitaires ont systématiquement attaqué la franc-maçonnerie et le judaïsme, considérant leur insistance sur la liberté individuelle comme une menace.

La franc-maçonnerie et le judaïsme aux États-Unis

Les États-Unis ont toujours été un refuge pour la franc-maçonnerie et le judaïsme. À quelques exceptions près, l’Amérique a conservé une tradition de tolérance envers les différentes idées, religions et croyances. Cette acceptation a permis aux deux traditions de s’épanouir et de contribuer de manière significative à la société américaine.

Les francs-maçons juifs ont joué un rôle important tout au long de l’histoire américaine, de la guerre d’indépendance à l’époque moderne. Leur implication dans la franc-maçonnerie et dans la vie civique américaine démontre la compatibilité de ces traditions avec les valeurs américaines de liberté et de pluralisme.

Il y a eu au moins 51 Grands Maîtres juifs américains, dont deux en Virginie : Solomon Jacobs en 1810-1812 et Seymour Jonas Levy en 1975. Cette statistique souligne l’implication significative des Juifs dans la franc-maçonnerie américaine.

Les temps modernes

Aujourd’hui, les Juifs continuent d’être actifs dans la franc-maçonnerie en Amérique et dans d’autres pays. Israël compte environ 60 loges maçonniques comptant 3 000 membres, ce qui témoigne de la relation continue entre le judaïsme et la franc-maçonnerie.

Cependant, des défis persistent. L’année dernière encore, un groupe appelé « Mouvement de résistance islamique – Palestine » a menacé la franc-maçonnerie et d’autres organisations « affiliées au sionisme », démontrant que le ciblage conjoint des juifs et des francs-maçons continue dans certaines parties du monde.

Conclusion

La relation entre la franc-maçonnerie et le judaïsme est complexe, marquée par des valeurs partagées, des défis communs et des contributions importantes à la société. Malgré des persécutions communes et des tensions internes occasionnelles, les deux traditions ont persévéré, unies par leur engagement en faveur de la liberté individuelle, du comportement éthique et de la fraternité universelle.

À mesure que nous avançons, il est essentiel de reconnaître et de célébrer les contributions positives de la franc-maçonnerie et du judaïsme à notre société. En favorisant la compréhension et le respect mutuels, nous pouvons continuer à bâtir sur les idéaux communs qui ont lié ces deux traditions à travers l’histoire.

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Charles-Albert Delatour
Charles-Albert Delatour
Ancien consultant dans le domaine de la santé, Charles-Albert Delatour, reconnu pour sa bienveillance et son dévouement envers les autres, exerce aujourd’hui en tant que cadre de santé au sein d'un grand hôpital régional. Passionné par l'histoire des organisations secrètes, il est juriste de formation et titulaire d’un Master en droit de l'Université de Bordeaux. Il a été initié dans une grande obédience il y a plus de trente ans et maçonne aujourd'hui au Rite Français philosophique, dernier Rite Français né au Grand Orient de France.

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