C’est ce soir que la 77e édition du Festival de Cannes 2024, dont le jury est présidé par l’actrice et réalisatrice américaine Greta Gerwig, s’achève.
Beaucoup de sœurs et frères colportent encore et toujours que la palme d’or est une reproduction de la branche d’acacia…
Nous vous proposons donc de faire la lumière sur cette belle légende urbaine.
Retour sur l’histoire du festival et de son créateur
Le compositeur, musicographe et critique musical Émile Vuillermoz (1878-1960) et l’écrivain, scénariste et historien du cinéma René Jeanne (1887-1969) ont soumis à Jean Zay (1904-1944), alors ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts sous le gouvernement de Léon Blum (1872-1950) et du Front Populaire (du 4 juin 1936 au 10 septembre 1939), l’idée de créer un festival international de cinéma en France. Jean Zay, passionné par cette idée, embrasse rapidement le projet. Rappelons aussi qu’il fut aussi l’inspirateur des fondations successives du CNRS, de l’ENA, du Palais de la Découverte.
Ainsi, Jean Zay devient le principal instigateur du Festival de Cannes, choisi pour son climat ensoleillé. Ce projet reçoit également l’appui des États-Unis et du Royaume-Uni, qui à l’époque boycottent la Mostra de Venise pour ses affiliations fascistes. Il faut dire qu’en 1932, l’Italie fasciste créée ce festival de cinéma qui existe encore de nos jours. La Mostra était alors totalement phagocytée par la propagande fasciste de l’Italie mussolinienne. L’Allemagne nazie y était d’ailleurs très présente avec le funeste docteur Joseph Goebbels (1897-1945), homme d’État criminel proche d’Adolf Hitler qui fut, avec Hermann Göring et Heinrich Himmler, l’un des dirigeants les plus puissants et influents du régime nazi. Il profite de la Mostra de Venise pour vendre « l’art » cinématographique nazi…
L’ingénieur et industriel Louis Lumière (1864-1948), figure emblématique du cinéma, accepte de présider ce festival, initialement prévu du 1er au 20 septembre 1939. Les délégations américaines sont présentes, et les sélections française et internationale sont prêtes.
L’objectif du festival était de célébrer un cinéma empreint de liberté, d’intelligence et de créativité, en opposition au festival italien marqué par ses inclinaisons nazies et fascistes.
Cependant, le projet, bien que noble, est interrompu par l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie le 1er septembre 1939, événement qui marque également le début de la Seconde Guerre mondiale suite à la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne quelques jours plus tard.
Durant l’Occupation, l’idée d’un festival de cinéma, conçu et organisé sous l’égide d’un ministre du Front Populaire, est abandonnée.
La palme d’or, récompense suprême, est-elle la branche d’acacia, symbole du maître maçon ?
La Palme d’or est le prix principal décerné lors du Festival de Cannes, qui se tient chaque année en mai depuis 1946. Remise au meilleur film de la sélection officielle, cette distinction a été renommée « Palme d’or » en 1955, remplaçant le « Grand Prix du Festival international du film ». Ce changement de nom s’inscrit dans la continuité des symboles emblématiques associés aux villes hôtes de festivals de film, à l’instar du Lion de la Mostra de Venise et de l’Ours du festival de Berlin, qui tirent leurs inspirations des armoiries de ces villes.
Initialement proposée sous le nom de « Coupe Lumière », en l’honneur du président d’honneur du « festival du monde libre », pour contrer la coupe Mussolini de la Mostra de Venise, la plus haute récompense du Festival de Cannes était initialement appelée le « Grand Prix du Festival international du film ». Elle était attribuée sous forme de diplôme accompagné d’un trophée conçu par un artiste contemporain.
L’origine de la Palme d’or remonte à 1954, quand Robert Favre Le Bret, l’un des organisateurs, sollicite plusieurs joailliers pour créer une nouvelle distinction. Le motif choisi pour symboliser la victoire est la feuille de palmier, tirée des armoiries ancestrales de Cannes, qui elle-même provient du blason de l’abbaye de Lérins. La légende veut que saint Honorat, en grimpant sur un palmier, ait purifié les îles de Lérins des serpents. Ce symbole rappelle également les palmes ramenées par les habitants de Cannes de leur pèlerinage annuel aux îles de Lérins.
La proposition de Lucienne Lazon est retenue, avec un design de feuille de palmier posée sur un socle en terre cuite sculpté par Sébastien. En 1955, la récompense, désormais connue sous le nom de « Palme d’or », est attribuée pour la première fois à l’Américain Delbert Mann pour son film « Marty ».
Bien que Jean Zay ait été franc-maçon et fondateur du Festival de Cannes, et que la franc-maçonnerie utilise l’acacia comme symbole représentant la pureté et l’immortalité de l’âme, le lien entre l’acacia spécifiquement et la « Palme d’or » est plus une coïncidence symbolique qu’une connexion directe. Le véritable rapport tient davantage de l’influence des idéaux maçonniques sur les engagements culturels et éducatifs de Zay, et de son impact durable sur la culture française et internationale à travers le festival.
Jean Zay et la franc-maçonnerie
L’avocat, écrivain et journaliste Jean Zay, figure emblématique de la politique française, était membre de la franc-maçonnerie, ce qui a influencé sa vision progressiste et ses idéaux républicains. La franc-maçonnerie, connue pour ses idéaux de liberté, d’égalité, et de fraternité, ainsi que pour son engagement en faveur de la laïcité et de l’éducation, se reflète dans de nombreux aspects de la carrière politique de Zay. En tant que ministre de l’Éducation et des Beaux-Arts sous le Front Populaire, il a initié de nombreuses réformes qui visaient à démocratiser l’accès à la culture et à l’éducation en France.
Juif par son père, protestant par sa mère, Jean Zay a été initié le 24 janvier 1926 au sein de la loge « Étienne Dolet » du Grand Orient de France, à l’orient d’Orléans, qui est également la loge de son père. Jean Zay apparait aussi en qualité de membre de la loge « L’éducation Civique » de la Grande Loge de France, une loge importante de la Grande Loge de France au milieu des années 1930 et jusqu’à la guerre qui comptait, en 1934, pas moins de 142 frères actifs !
Le 21 février 2014, le président de la République François Hollande annonce le transfert des cendres de Jean Zay ainsi que celles de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion au Panthéon en tant que « grandes figures qui évoquent l’esprit de résistance ». Jean Zay y fait donc son entrée le 27 mai 2015.
Pour celles et ceux qui veulent mieux comprendre l’œuvre de Jean Zay, ils liront utilement le livre Jeunesse de la République, édité par Pierre Allorant et Olivier Loubes, avec une préface de Pascal Ory, membre de l’Académie française, est publié par Bouquins au prix de 33 €. Ce volume célèbre le 120e anniversaire de la naissance de Jean Zay et le 80e anniversaire de sa mort.
Ce livre rassemble une grande variété d’écrits de Jean Zay, tels que ses journaux scolaires de la Première Guerre mondiale, ses critiques littéraires, ses éditoriaux en tant que député, ses discours en tant que ministre, ses journaux de guerre, ainsi que des romans et contes inédits. Il recontextualise également les textes diffamatoires publiés contre lui par les collaborationnistes pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous reviendrons très prochainement sur Jeunesse de la République en mettant, bien évidemment, l’action de Jean Zay reconnu comme l’homme d’État qui a fait de l’école un pilier de la démocratie sociale.
Pour perpétuer la pensée et l’œuvre de Jean ZAY, rendez-vous le 1er juin à 14h à l’auditorium du musée des beaux-arts d’Orleans pour la 10eme journée Jean ZAY de l’école et de la jeunesse, organisée par le GODF, avec la participation, entre autres d’Olivier Loubes et Pierre Allorant