Avec Mythes héroïques, bibliques & maçonniques – Sources et développements – Tome II, nouvel opus de Pierre Pelle Le Croisa publié chez Numérilivre, l’auteur offre une plongée fascinante dans les mythes et les symboles qui se trouvent à la croisée des traditions héroïques, bibliques et maçonniques.
Ce tome, en particulier, approfondit l’exploration des thèmes commencés dans le premier volume, en se concentrant sur la période post-Déluge, et cherche à établir des liens entre des éléments mythiques et symboliques anciens et leur importance dans la franc-maçonnerie.
Le concept de substitution employé par l’auteur est particulièrement intrigant, car il touche à l’idée de la transmission et de la transformation des connaissances à travers le temps, symbolisée par les piliers du savoir. Ces piliers, qui représentent une continuité du savoir à travers les âges, depuis les temps antédiluviens jusqu’à la construction du Temple de Salomon, semblent jouer un rôle central dans le récit et les enseignements maçonniques.
Les questions soulevées sur l’origine des colonnes et leur découverte par des figures telles que Thot, Hermès-Trismégiste, ou encore des penseurs grecs et romains illustrent la manière dont les mythes et les connaissances sont interconnectés et réinterprétés à travers différentes cultures et époques.
L’incidence de la mort de Noé sur le mythe d’Hiram, l’exploration du Noachisme comme religion universelle, et l’examen des rituels des Noachites et des Nautoniers montrent également une volonté de relier des histoires et des croyances anciennes à des pratiques et des idéologies plus contemporaines, notamment au sein de la franc-maçonnerie.
Membre de la Société des gens de lettres (SGDL), association française d’écrivains fondée en 1838 par des auteurs notoires comme Victor Hugo et Honoré de Balzac, primé à l’occasion du Salon Maçonnique du livre de Paris 2019 par l’Institut Maçonnique de France (IMF), catégorie « Symbolisme » pour Les langages symboliques de l’ésotérisme maçonnique (Éd. Dervy, 2018), Pierre Pelle Le Croisa offre une contribution significative à la compréhension des fondements mythiques et symboliques de la franc-maçonnerie, ainsi qu’à l’étude de la manière dont ces éléments sont utilisés pour façonner une vision du monde et une pratique rituelle spécifiques. La mention d’une continuation dans un troisième tome laisse présager une exploration encore plus poussée de ces thèmes, peut-être en se concentrant sur d’autres mythes et symboles tels que Babylone et la Tour de Babel, promettant ainsi de nouvelles réflexions sur la manière dont les mythes façonnent et sont façonnés par les cultures humaines.
La première partie – l’ouvrage en compte neuf – est consacrée au « Renouveau après le déluge », un motif récurrent dans de nombreuses mythologies, religions – et même dans le domaine artistique – à travers le monde. Ce concept symbolise souvent la purification, la renaissance, et un nouveau départ après une période de destruction ou de chaos.
Et Pierre Pelle Le Croisa de commencer par la notion méconnue de « pebbe-tool culture » ou la « culture d’outils en galets », terme large utilisé en archéologie pour décrire les anciennes cultures humaines caractérisées par l’utilisation d’outils en pierre simples fabriqués à partir de galets – pierre polie et arrondie qui a été façonnée par l’action de l’eau. Des galets… En franc-maçonnerie, les pierres n’ont-elles pas souvent une signification symbolique, représentant la croissance personnelle, le travail sur soi, ou des aspects de la construction spirituelle et morale ? Puis, c’est à la descendance de Caïn et celle de Seth, élément important dans les textes bibliques, notamment dans le livre de la Genèse, et largement exploré dans la tradition judéo-chrétienne ainsi que dans diverses interprétations et traditions ésotériques, y compris dans le contexte maçonnique, que l’auteur s’attache.
Caïn, le premier fils d’Adam et Ève, est tristement célèbre pour avoir commis le premier meurtre en tuant son frère Abel. Après cela, la Bible relate que Caïn fut maudit par Dieu et marqué pour que personne ne le tue en vengeance. Il s’éloigna de la présence de Dieu et fonda une ville, nommant son fils Hénoc. La lignée de Caïn est souvent associée à des développements culturels et technologiques, comme la construction de villes, l’artisanat du métal et la musique. Cependant, cette lignée est également vue sous un jour négatif dans la tradition biblique, souvent associée à la rébellion et à l’égarement loin de Dieu.
Quant à Seth, né après la mort d’Abel, il est considéré dans la tradition biblique comme le porteur de la lignée vertueuse d’Adam et Ève. De Seth descendrait Noé, ce qui en fait une lignée importante pour la tradition judéo-chrétienne, car elle inclut tous les patriarches du Déluge. La descendance de Seth est souvent vue sous un jour positif, comme portant les valeurs et la foi en Dieu, en contraste avec celle de Caïn.
La deuxième partie traite de la mort de Noé et du meurtre d’Hiram. Deux récits qui, bien que distincts dans leurs origines et leurs contextes, ont trouvé une place significative dans les traditions maçonniques, souvent interprétés symboliquement pour refléter des enseignements moraux et spirituels.
La mort de Noé n’est pas décrite de manière dramatique dans la Bible. Le livre de la Genèse se contente de noter que Noé a vécu 950 ans et qu’il est mort. Contrairement au récit de la vie de Noé, marquée par le Déluge, sa foi et sa relation avec Dieu, sa mort ne fait pas l’objet d’une histoire détaillée ou d’une importance particulière dans le texte biblique. Toutefois, dans certaines traditions ésotériques ou interprétations, la figure de Noé peut être vue comme symbolique de la survie, de la renaissance, et du renouveau après la destruction, thèmes qui résonnent avec certains enseignements maçonniques sur les épreuves, la purification, et la construction (ou reconstruction) spirituelle et morale.
Le lecteur fera son miel du récit du meurtre d’Hiram Abif, histoire centrale dans la franc-maçonnerie, bien qu’elle ne se trouve pas dans la Bible. Selon la légende maçonnique, Hiram Abif était l’architecte principal du Temple de Salomon, un homme sage et habile. Il fut assassiné par trois compagnons qui voulaient lui extorquer les secrets de maître maçon, qu’il refusait de divulguer. Le récit de sa mort et de sa résurrection symbolique est au cœur du rituel du troisième degré maçonnique, le grade de maître maçon. Un meurtre qui symbolise le sacrifice, la loyauté, et la recherche de la vérité et de la connaissance. Il représente également l’idée que certaines vérités et connaissances ne doivent être partagées qu’avec ceux qui sont prêts et dignes de les recevoir. La légende d’Hiram est utilisée pour enseigner aux francs-maçons l’importance de la fidélité, de l’intégrité, et de la persévérance.
L’auteur nous parle de Noachisme, faisant référence à un ensemble de principes moraux qui, selon la tradition juive, ont été donnés par Dieu à Noé après le Déluge comme un pacte universel pour l’humanité. Les sept lois sont : interdiction de l’idolâtrie, du blasphème, meurtre, des unions interdites, du vol, de manger la chair d’un animal vivant et l’institution de tribunaux justes. Ces lois sont considérées comme le fondement moral sur lequel repose la civilisation, destinées à toutes les nations et pas seulement au peuple juif. Elles sont souvent citées pour souligner l’universalité de certaines valeurs éthiques dans le judaïsme et sont vues comme un minimum moral requis pour le maintien de la société humaine.
Quid de Noé et du Noachisme dans l’art royal ? Dans ce contexte, le personnage de Noé et le concept du Noachisme doivent être interprétés de manière symbolique et morale. Bien que les lois noachides soient spécifiquement juives dans leur origine, l’idée d’un code moral universel et les thèmes de la reconstruction et de la renaissance après la destruction ont une résonance particulière dans la franc-maçonnerie.
La suite du livre fait référence aux colonnes antédiluviennes, ainsi qu’aux colonnes attribuées à Jabel – identifié comme le père de ceux qui vivent dans des tentes et possèdent du bétail, selon la Genèse –, Tubalcaïn – forgeron et père de tous ceux qui travaillent le bronze et le fer –, Hénoch – figure biblique entourée de mystère, célèbre pour avoir « marché avec Dieu »” et avoir été enlevé au ciel sans mourir –, et Hermès – le Trismégiste, figure mythologique issue de la fusion entre le dieu grec Hermès et l’égyptien Thot associé à l’hermétisme et au corpus hermeticum, un ensemble de textes ésotériques –, s’inscrivant dans un riche terreau de légendes, de traditions ésotériques et maçonniques, mêlant histoire, mythologie et symbolisme. Ces récits, bien que n’étant pas présents dans les textes bibliques canoniques, sont issus de traditions apocryphes, de la littérature pseudépigraphique, et de l’interprétation symbolique développée au sein de divers courants de pensée, y compris la franc-maçonnerie.
Pierre Pelle le croisa ne manque pas de revenir sur Hermès Trismégiste, ce personnage légendaire qui symbolise la synthèse des traditions égyptienne et grecque, incarnant la connaissance et la sagesse dans les domaines de l’alchimie, de l’astrologie, et de la magie. Son nom, signifiant « Hermès le Trois-Fois-Grand », fait référence à son expertise dans ces arts. Il est souvent considéré comme l’auteur mythique du Corpus Hermeticum, un ensemble de textes ésotériques écrits durant les premiers siècles de notre ère, qui posent les bases de la tradition hermétique. Hermès Trismégiste est souvent cité comme le père de l’alchimie, son enseignement étant vu comme la source de la sagesse alchimique, notamment à travers l’axiome hermétique « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », qui résume la loi de la correspondance, pierre angulaire de la pensée hermétique et alchimique.
Et bien que la franc-maçonnerie ne soit pas directement issue de l’alchimie ou de l’hermétisme, elle partage avec ces traditions un intérêt pour les symboles, les allégories, et la recherche de la connaissance spirituelle. La figure d’Hermès Trismégiste, en tant que symbole de sagesse et de gardien du savoir occulte, résonne avec certains aspects de la franc-maçonnerie, notamment l’importance accordée à la transmission des connaissances ésotériques et au perfectionnement moral et spirituel de l’individu. Dans certains rites maçonniques ou au sein de certains courants de pensée maçonniques, on peut trouver des références explicites à l’hermétisme et à l’alchimie, considérés comme des sources de métaphores riches pour l’initiation et le développement personnel. La pratique maçonnique elle-même, centrée sur des rituels, des symboles, et une quête de lumière (connaissance), peut être vue comme une forme d’alchimie spirituelle où le franc-maçon travaille à sa propre transformation intérieure, visant à améliorer ses qualités morales et spirituelles, tout comme l’alchimiste cherche à transformer le plomb en or.
L’auteur nous dévoile tout… ou presque !
Mythes héroïques, bibliques & maçonniques – Sources et développements – Tome II
Pierre Pelle Le Croisa – Numérilivre, Coll. Mythes et franc-Maçonnerie, 2024, 276 pages, 24 €