sam 23 novembre 2024 - 01:11

Illuminer le monde : ”Le triomphe des Lumières”, à travers l”’Encyclopédie” de Diderot et d’Alembert

Avant d’aborder l’ouvrage de Gerhardt Stenger Le triomphe des Lumières – L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, publié en 2024 chez Perrin, un département de Place des Éditeurs. il nous faut aborder la vie et l’œuvre de Denis Diderot (1713-1784), écrivain, philosophe et encyclopédiste, figure majeure des Lumières et le mathématicien, physicien, philosophe Jean le Rond d’Alembert (1717-1783) – membre de la loge des « Neuf Sœurs » –, coéditeur de ladite Encyclopédie avec Denis Diderot.

Né à Langres dans une famille de couteliers, Denis Diderot montre très tôt un vif intérêt pour les lettres et la philosophie. Après des études au collège jésuite de Langres, il se rend à Paris pour poursuivre sa formation. Il y mène une vie de bohème intellectuelle, se consacrant à l’écriture et à la réflexion philosophique. Il fréquente d’autres intellectuels de son temps, dont Jean-Jacques Rousseau avec qui il entretiendra une amitié complexe et tumultueuse.

L’œuvre de Denis Diderot est diverse et influente. Parmi ses écrits, on compte des romans, des essais philosophiques, des pièces de théâtre, et des critiques d’art. Ses œuvres les plus célèbres incluent Jacques le Fataliste, Le Neveu de Rameau et La Religieuse. Diderot se distingue par son style d’écriture, son esprit critique et sa capacité à explorer les profondeurs de la psyché humaine et les contradictions de la société.

L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, co-dirigée avec Jean le Rond d’Alembert, est son œuvre majeure. Projet monumental – de 1751 à 1772 – en 35 volumes, l’Encyclopédie ambitionne de rassembler et de diffuser le savoir de son temps. Elle inclut des contributions de nombreux écrivains et savants de l’époque des Lumières. Le projet est marqué par des controverses, notamment en raison de sa critique de la monarchie absolue et de l’Église. L’Encyclopédie est censurée et interdite à plusieurs reprises, mais continue d’être publiée et diffusée clandestinement, devenant un symbole de la lutte pour la liberté d’expression et le progrès intellectuel.

Diderot par Louis-Michel van Loo en 1767.

Diderot est mort en 1784, laissant derrière lui un héritage intellectuel considérable. Sa pensée a influencé de nombreux domaines, de la philosophie à la littérature, en passant par les sciences et les arts. L’Encyclopédie reste une réalisation emblématique de l’esprit des Lumières, symbolisant la foi dans le pouvoir de la raison et du savoir partagé.

Diderot est aujourd’hui reconnu non seulement pour ses contributions spécifiques à la littérature et à la philosophie, mais aussi comme un esprit libre et critique, dont les idées continuent d’inspirer les débats sur la liberté, l’éducation, et le rôle de la science et de la culture dans la société.

Quant à Jean le Rond d’Alembert (1717-1783), lui aussi figure éminente du siècle des Lumières, d’Alembert a apporté des contributions significatives dans plusieurs domaines de la connaissance et a joué un rôle crucial dans la diffusion des idées scientifiques et philosophiques de son temps.

Jean le Rond d’Alembert, portrait par Quentin de La Tour (1753).

Né à Paris, d’Alembert est le fils illégitime de la marquise de Tencin et du chevalier Destouches. Abandonné à sa naissance sur les marches de l’église Saint-Jean-le-Rond, d’où il tire son prénom, il est adopté par la femme d’un vitrier, Madame Rousseau, qui l’élève comme son propre fils.

Nouvelles expériences sur la résistance des fluides, 1777.

D’Alembert fait preuve d’une intelligence remarquable dès son plus jeune âge, étudiant au Collège des Quatre-Nations (aujourd’hui l’Institut de France), où il excelle en mathématiques. D’Alembert, surtout connu pour ses travaux en mathématiques et en physique,  contribue de manière significative à la théorie des équations différentielles et à la mécanique. Son Traité de dynamique (1743) énonce le principe de d’Alembert, fondamental en mécanique classique. Il travaille également sur la théorie des fluides et est l’un des premiers à appliquer les méthodes mathématiques à la musique et à l’acoustique.

Outre ses contributions scientifiques, d’Alembert joue un rôle majeur dans le projet de l’Encyclopédie. En tant que directeur de la publication et auteur de son célèbre « Discours préliminaire », il établit le cadre conceptuel de l’œuvre et défend l’importance de la science et de la raison.

Son implication dans l’Encyclopédie, de 1751 jusqu’à son retrait en 1758, est cruciale pour son succès initial. Sous sa direction, l’Encyclopédie se veut un grand rassemblement du savoir de l’époque, accessible au public. Elle cherche à promouvoir les idées des Lumières, mettant l’accent sur le progrès, la critique de l’autoritarisme et l’importance de la connaissance empirique.

D’Alembert meurt en 1783, laissant derrière lui un héritage riche dans les domaines des sciences et des lettres. Sa vie et son œuvre symbolisent l’esprit des Lumières, caractérisé par la foi dans la raison, l’exploration scientifique et la volonté d’émancipation intellectuelle de l’humanité. Sa contribution à l’Encyclopédie, en particulier, demeure une réalisation majeure, marquant l’histoire de la pensée occidentale.

Marcus Terentius Varro.

Le livre de Gerhardt Stenger, maître de conférences émérite à Nantes Université, représente une contribution significative à l’étude de l’Encyclopédie, ce monument de l’esprit des Lumières.  Fort de 446 pages, il plonge le lecteur dans les coulisses de la création et de la diffusion de l’Encyclopédie, qui fut à la fois une somme de connaissances et un instrument de combat intellectuel et philosophique contre l’obscurantisme. Et l’auteur de débuter avec les précurseurs de l’Encyclopédie avec Marcus Terentius Varro (116 av. J.-C. et mort en .), souvent désigné comme Varron, dont l’œuvre couvre un spectre incroyablement large de disciplines, allant de la linguistique à l’agriculture, en passant par la religion et la philosophie. En tant qu’érudit, ses contributions ont posé les fondations de nombreux champs du savoir et influencent encore aujourd’hui notre compréhension de la culture et de la société romaines,

Frontispice. Gravure de la dernière édition (1772) de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par Benoît Louis Prévost d’après une esquisse originale de Charles-Nicolas Cochin exécutée en 1764.

dans son chapitre « D’une Encyclopédie à l’autre », l’auteur passe en revue, avant la publication de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, plusieurs autres œuvres encyclopédiques avaient marqué le paysage intellectuel européen. Ces œuvres visaient à rassembler et à systématiser le savoir disponible à leur époque. Dont celle de Johann Heinrich Alsted (1588-1638), théologien et érudit allemand, qui a publié son Encyclopædia, œuvre monumentale en sept volumes, en 1630.

 Pierre Bayle.

Puis celle du philosophe et écrivain Pierre Bayle (1647-1706), son Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (1697), qui n’était pas une encyclopédie au sens moderne, mais qui a joué un rôle crucial dans l’évolution du genre encyclopédique. Il traite aussi du Dictionnaire universel des arts et des sciences, publié en 1694, de Thomas Corneille (1625-1709), écrivain et lexicographe et frère cadet du célèbre dramaturge Pierre Corneille, Thomas Corneille était également un écrivain et un lexicographe. Corédigé avec Jean Richer, il est une des premières tentatives d’élaborer un dictionnaire encyclopédique en langue française. Sans oublier le célèbre Dictionnaire universel des arts et des sciences d’Antoine Furetière (1619-1688) était un écrivain, poète et académicien français, connu surtout pour son travail de lexicographe. Commencé dès 1670, ce dictionnaire allait devenir l’une des œuvres lexicographiques les plus importantes du XVIIe siècle.

Puis Gerhardt Stenger nous présente la première équipe de l’Encyclopédie, constituée d’une constellation de penseurs, de savants et d’artistes du XVIIIe siècle.

Le lecteur aura l’occasion de découvrir le « Discours préliminaire » de l’Encyclopédie, écrit par Jean le Rond d’Alembert. Publié en 1751, ce texte sert d’introduction à l’ensemble du projet encyclopédique et est considéré comme un manifeste des Lumières. Il expose les principes, les objectifs et la méthodologie de l’Encyclopédie, reflétant l’esprit de rationalité, de progrès et d’optimisme qui caractérise cette période.

Mais aussi du Prospectus de Denis Diderot, un document préliminaire rédigé en vue de la publication de l’Encyclopédie. Publié en 1750, le Prospectus servait d’introduction au projet monumental de l’Encyclopédie et avait pour but d’en expliquer les principes, les objectifs et l’organisation. Ce document était destiné à informer le public et à susciter l’intérêt des souscripteurs potentiels.

Tant le Prospectus de Diderot, ainsi que le « Discours préliminaire » rédigé plus tard par Jean le Rond d’Alembert, constituent des textes fondamentaux pour comprendre les ambitions intellectuelles et les défis méthodologiques du projet encyclopédique. Ils mettent en lumière les idéaux des Lumières qui animaient les encyclopédistes et leur désir de contribuer à l’éducation de l’humanité.

L’auteur situe l’Encyclopédie dans son contexte historique et philosophique. Elle naît au cœur du siècle des Lumières, une période où la raison, le savoir et l’esprit critique sont érigés en valeurs centrales de la société. Dans ce contexte, Diderot, d’Alembert et leurs collaborateurs se lancent dans un projet éditorial sans précédent : compiler et diffuser l’ensemble des connaissances de leur époque pour éclairer le monde et le libérer des préjugés.

L’ouvrage de Gerhardt Stenger met en lumière les innovations apportées par l’Encyclopédie, notamment l’utilisation de gravures détaillées pour illustrer les articles, ce qui constituait une révolution dans le domaine de la publication. Il souligne également les défis rencontrés par les éditeurs, depuis les attaques des autorités religieuses et royales jusqu’aux difficultés techniques et financières.

Gerhardt Stenger analyse aussi l’impact considérable de l’Encyclopédie sur la société française et européenne. L’œuvre a contribué à diffuser les idées des Lumières, à encourager le questionnement et le débat intellectuel, et à préparer le terrain pour les révolutions sociales et politiques à venir. Elle a également joué un rôle crucial dans la valorisation du savoir empirique et scientifique, marquant une étape décisive dans l’évolution de la pensée occidentale.

En explorant les réactions contemporaines à l’Encyclopédie, l’auteur montre comment l’œuvre a polarisé l’opinion, suscitant à la fois admiration et hostilité. L’auteur n’élude pas les critiques adressées à l’Encyclopédie, notamment celles concernant son caractère jugé parfois trop radical ou irrévérencieux.

Le triomphe des Lumières de Gerhardt Stenger est un travail d’érudition profond qui enrichit notre compréhension de l’Encyclopédie et de son époque. En retraçant l’histoire de cet ouvrage monumental, Stenger ne se contente pas de narrer les faits ; il invite à réfléchir sur l’importance du savoir et de l’esprit critique dans la construction d’une société éclairée. Sa recherche approfondie et son analyse détaillée font de ce livre un incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire des idées, à la philosophie des Lumières et à l’évolution du concept d’encyclopédie.

Le triomphe des Lumières – L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert 

Gerhardt StengerPerrin, 2024, 446 pages, 25 €

Disponible chez DETRAD.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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