dim 24 novembre 2024 - 19:11

Robert Badinter (1928-2024), homme universel et grand républicain, est parti…

À l’annonce du décès de Robert Badinter, il est naturel que de profondes émotions traversent le monde des francs-maçons. Du moins ceux qui représentent une maçonnerie sociale et sociétale et qui s’engagent envers les valeurs d’égalité, de fraternité, et de liberté, promouvant les droits humains et l’abolition des pratiques inhumaines telles que la peine de mort. En relation avec les idéaux maçonniques d’amélioration de l’individu et de la société.

Robert Badinter, en 2013.

La tristesse ressentie par les francs-maçons à l’annonce de son décès est donc le juste et parfait reflet de la perte d’une figure emblématique dont la vie et les actions ont incarné des valeurs universelles de justice et d’humanité.

Souvenons-nous, il y a à peine trois mois, dans le grand salon d’honneur de l’Hôtel de Ville de Paris résonnait, mercredi 8 novembre 2023, de la remise des prix que le Comité Laïcité République (CLR) décerne annuellement à ses lauréats qui, à des titres divers, ont honoré la Laïcité, par leurs propos, leurs engagements, leurs écrits. Le Prix Spécial, en visioconférence, était attribué à Robert et Élisabeth Badinter pour la lucidité et la constance de leur engagement en faveur de la liberté et de la laïcité

2023, Prix Spécial du CLR.

Retour sur le parcours d’un homme engagé, d’un homme de son siècle…

Robert Badinter est une figure éminente de la vie publique française, principalement connu pour son rôle déterminant dans l’abolition de la peine de mort en France. Il est à la fois avocat, universitaire, homme politique et militant des droits de l’homme.

Sa carrière juridique et académique

Robert Badinter a fait ses études de droit et a débuté sa carrière comme avocat. Il s’est rapidement spécialisé dans le droit du travail et la défense des droits de l’homme, plaidant dans plusieurs affaires criminelles notoires. En tant qu’universitaire, il a enseigné le droit et a publié plusieurs ouvrages juridiques influents.

Son engagement politique

Loi Abolition de la peine de mort (Archivesnationales-1994).

Sous la présidence de François Mitterrand, Robert Badinter est nommé Garde des Sceaux, ministre de la Justice en 1981. Dans ce rôle, il a été l’architecte de la loi abolissant la peine de mort en France, adoptée le 9 octobre 1981. Cette loi marque l’aboutissement de son engagement de longue date contre la peine capitale, faisant de la France un des pays européens à tourner la page sur cette pratique.

Ses contributions au Droit et aux Droits de l’Homme

Outre l’abolition de la peine de mort, Badinter a œuvré pour la réforme du système judiciaire français, améliorant les droits de la défense et modernisant le code pénal. Il a également joué un rôle important dans l’évolution des droits civiques en France, notamment en ce qui concerne l’égalité devant la loi et la lutte contre la discrimination.

Sa vie après la Politique

Après avoir quitté le gouvernement, Robert Badinter a continué à influencer le domaine du droit et des droits de l’homme. Il a présidé le Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, garantissant le respect de la Constitution française et des principes démocratiques. Il est aussi intervenu dans plusieurs débats de société, toujours fidèle à ses convictions humanistes.

Robert Badinter et Patrick Henry lors du procès en janvier 1977. (Croquis d’audience de Calvi).

Son héritage

L’héritage de Robert Badinter reste fortement associé à l’abolition de la peine de mort en France, mais son influence s’étend bien au-delà. À travers ses actions et ses écrits, il a contribué de manière significative à la promotion des droits de l’homme, à l’éthique judiciaire et à la réforme du droit pénal. Sa vie et son œuvre continuent d’inspirer les nouvelles générations de juristes, d’activistes et de citoyens engagés pour la justice et les droits fondamentaux.

Le Grand Orient de France récompense Robert Badinter

C’était le 10 avril 2015.

L’ancien Garde des Sceaux Robert Badinter s’était livré à un très bel éloge de la Laïcité avant de recevoir la Marianne Jacques France des mains du Grand Maître du Grand Orient de France (GODF) d’alors, Daniel Keller, au siège de l’obédience. Un prélude aux deuxièmes Utopiales maçonniques (GODF) des 11 et 12 avril 2015.

Quelques mots de son discours :

« La Laïcité est une source de fraternité civique qui apaise les tensions entre communautés » ;

« La Laïcité est aujourd’hui le garant de la dignité de l’être humain » ;

« La Laïcité, qui implique l’interdiction de toutes les discriminations en raison de la foi ou d’un credo philosophique ou politique, est un bien légué par des générations de Républicains… et de francs-maçons » ;

Daniel Keller.

Et de conclure : « Soyons fiers de la Laïcité, car elle est une valeur fondamentale de la République française. »

Et Daniel Keller de répondre à l’ancien Gardes Sceaux en ces termes « Les francs-maçons du GODF ont été les bâtisseurs acharnés de la Laïcité ». Et d’ajouter « À une époque où nous manquons de référents, vous êtes une figure majeure de notre République. Vous êtes un Maçon sans tablier… ce qui est mieux que de porter un tablier sans être Maçon ! »

Nos pensées vont à Élisabeth Badinter, à sa famille et à ses proches.

Marianne Jacques France, œuvre du sculpteur franc-maçon Paul Lecreux (1826-1894) dit « Jacques France ».

À cette heure, le communiqué de la Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, rendu public par son Grand Maître National Sylvain Zeghni ce 9 février, souligne avec émotion la perte immense que représente le décès de Robert Badinter. Le message exprime la profonde tristesse de l’Ordre face à la disparition de cet homme d’exception et retrace les grandes étapes de la vie de Robert Badinter, insistant sur les épreuves qui ont marqué son enfance et forgé son engagement indéfectible pour la justice et les droits humains.

Sylvain Zeghni

L’Ordre souligne son admiration pour les combats menés par Robert Badinter, notamment l’abolition de la peine de mort, la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, et la défense des droits des homosexuel.

Le communiqué affirme que les valeurs défendues par Robert Badinter rejoignent celles de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain, à savoir la liberté, l’égalité et la fraternité.

Le message se termine par l’expression des plus sincères condoléances de l’Ordre à la famille et aux proches de Robert Badinter.

Photo source Threads, média social de microblogage (Meta, société mère de Facebook et Instagram).

Vendredi 9 au soir, à 7h07 très précisément, la page X anciennement Twitter de Guillaume Trichard, le GODF (Officiel) a reposté le mot du grand maître du GODF :

#RobertBadinter nous a quittés. Sa vie tout entière s’est confondue avec ses combats pour les droits de l’homme, pour la dignité et la justice, pour les libertés publiques et individuelles, pour le droit et la démocratie. Il aura lutté pour leur application, pour leur extension universelle, pour l’idéal qu’ils incarnent. Au-delà de l’abolition de la peine de mort et de la suppression du délit d’homosexualité, ses combats contre le négationnisme, le racisme, l’antisémitisme doivent nous inspirer. Incarnation de l’Humanisme, il a été passionnément habité par sa volonté de faire triompher la Raison. Conscience de la République, il aura fait résonner les Lumières dans toutes ses réflexions, ses actes, ses écrits, avec un courage qui donne sa noblesse à l’action politique. Ami du @GODFOfficiel, il avait été honoré en 2015 et reçu la #Marianne Jacques France. Il avait alors déclaré que « la laïcité est une source de fraternité civique, elle est garante de la dignité de l’être humain ». Aujourd’hui, la Franc-maçonnerie libérale et adogmatique est en peine mais les Francs-maçons continueront à oeuvrer en s’inspirant de son exemple. J’adresse mes condoléances à Elisabeth Badinter, ses enfants, ses proches.”

Bandeau, page X (anciennement Twitter) @GODFOfficiel.

Illustrations : Wikimedia Commons, Theards, page X (anciennement Twitter)

10 Commentaires

  1. Mon TCF et TRF Yonnel,

    Merci et bravo pour ton article, et merci et bravo pour ta réponse à “Merlin75”, dont le message à ton égard m’a paru ni fraternel ni objectif, et sidérant de dogmatisme.
    Je ne suis pas d’accord non plus avec quelques parties du commentaire ci-dessus de “CAMUS”, car je sais que beaucoup d’Obédiences (car je n’ose pas dire toutes) et beaucoup de loges travaillent en conformité aux “Constitutions d’Anderson”, répondent à des règles, et aux landmarks de la Franc-Maçonnerie, et sont donc “régulières”, si on veut bien s’exprimer en français. Beaucoup aussi travaillent à la gloire du GADLU, alors même qu’elles sont dénommées “irrégulières” par des FF, qui montrent ainsi leur dogmatisme.
    …Et je m’exprime en connaissance de cause, étant à la GLNF depuis 42 ans, donc j’en ai rencontré et en rencontre (et en lis) encore beaucoup, de FF intolérants et dogmatiques.
    Enfin, en tenue ce vendredi, j’ai évoqué la mort de Robert Badinter, prenant la parole pour commenter deux “planches”, l’une sur la “justice”, l’autre sur la “clémence”.
    Merci mon cher Yonnel pour ce que tu fais, et pour ce site “450FM”,
    Fraterbises,
    Jérôme

    • Mon TC &BAF Jérôme,
      Je tiens à exprimer ma profonde gratitude pour ton soutien et pour le commentaire éclairé que tu as partagé sur 450.fm. Ta contribution a non seulement enrichi notre discussion, mais a également démontré la force et la profondeur de notre fraternité.
      Tes mots réfléchis et ton engagement envers nos valeurs communes sont une source d’inspiration et renforcent le lien qui unit tous les membres de la franc-maçonnerie universelle.
      Il est des gestes et des paroles qui, par leur sincérité et leur pertinence, contribuent à élever notre compréhension mutuelle et à approfondir notre quête commune de lumière.
      Je suis fier et reconnaissant de compter sur ton amitié et ton fraternité. Continue de partager ta sagesse et ton expérience, car elles sont précieuses pour nous tous.
      Avec toute ma fraternelle affection.
      Yonnel

  2. Mon TCF Yonnel, La régularité impose l’absence de discours en rapport avec la politique, la religion, le syndicalisme etc. qui sont autant de sources de discorde et nuisent à l’égrégore d’un atelier. La laïcité, c’est le respect de tous les cultes, religions ou le choix de ne pas en avoir : c’est la liberté de conscience et non pas l’interdiction d’être Chrétien, Musulman, Juif ou autre… La liberté de conscience commence par le respect de l’autre qui a le droit de voter pour qui bon lui semble, de croire en ce qu’il veut du moment qu’il croit au G.A.D.L.U. (ce dernier point concerne les LL régulières – j’écris à propos de la régularité). La régularité est aussi l’absence de dogme y compris le dogme politique d’intolérance qui consiste à dicter la conduite des uns et des autres, de vouloir leur imposer de ne pas avoir de convictions religieuses et d’adhérer obligatoirement à un certain idéal politique. La régularité c’est de boire à la santé du Président de la République – ce qui implique le respect de nos institutions – et ceci quelque soit son bord politique du moment qu’il est élu au respect de la constitution Française. Bref, la régularité concerne les francs-maçons qui ont choisi la franc-maçonnerie qui suit les Constitutions d’Anderson, ni plus, ni moins. Il n’y aura donc jamais de communiqué de presse venu d’une obédience régulière pour inciter les FF à voter pour intel ou intel ou pour participer à telle manifestation, ni même pour glorifier l’orientation politique d’un profane décédé, fût-il un Grand Homme.

    • TC Camus,
      Je t’invite à r(e)lire les Basic Principles for Grand Lodge Recognition by the UNITED GRAND LODGE of ENGLAND, accepted by Grand Lodge, 4th September 1929, soit les principes de base de 1929 et notamment son point n° 7 sur les 8.
      7) Que la discussion de sujets politiques ou religieux soit strictement interdite au sein de la Loge.
      Il est bien noté « au sein de la loge ».
      Tentative d’analyse :
      Le point n° 7 des principes de base pour la reconnaissance d’une Grande Loge par la Grande Loge Unie d’Angleterre, établi le 4 septembre 1929, stipule que la discussion de sujets politiques ou religieux est strictement interdite au sein de la Loge. Cette règle a des implications importantes pour la pratique et l’éthique maçonniques, ainsi que pour l’atmosphère au sein des loges maçonniques. Voici ce qu’il faut comprendre par cette directive, ainsi que ce qu’elle implique par omission (a contrario).
      Ce qu’il faut comprendre :
      Cette règle souligne l’importance de maintenir la franc-maçonnerie comme un espace neutre, où les affiliations politiques ou les croyances religieuses des membres ne doivent pas être un sujet de débat ou de discorde. L’objectif est de favoriser l’unité, la fraternité et la paix au sein de la loge.
      En interdisant ces discussions, la franc-maçonnerie se concentre sur ses principes fondateurs et ses valeurs universelles, telles que la fraternité, la charité, et le développement personnel, qui transcendent les clivages politiques et religieux.
      Cette directive vise à protéger l’harmonie et la cohésion au sein de la loge en évitant les sujets qui pourraient mener à des divisions ou des conflits entre les membres.
      Ce que cela implique, a contrario
      Le principe n° 7 des Basic Principles for Grand Lodge Recognition par la United Grand Lodge of England, qui interdit strictement la discussion de sujets politiques ou religieux au sein de la loge, implique que ces restrictions s’appliquent uniquement dans le contexte et l’espace maçonnique durant les réunions ou les événements officiels de la loge.
      En dehors de ces cadres, les francs-maçons ont la liberté de s’exprimer, de discuter et de s’impliquer dans des activités politiques ou religieuses selon leurs convictions personnelles. Voici quelques clarifications :
      Les francs-maçons sont libres d’exprimer leurs opinions politiques ou religieuses en dehors des activités de la loge, reflétant le respect de la liberté individuelle et de la diversité des croyances au sein de la fraternité.
      Les membres de l’art royal peuvent s’engager dans des activités civiques, politiques ou religieuses en dehors de la loge, que ce soit par le biais de l’activisme, du volontariat ou de la participation à des communautés de foi, tant que ces engagements ne contreviennent pas aux principes et à l’éthique maçonniques.
      Bien que les francs-maçons puissent participer à des discussions politiques ou religieuses en dehors de la loge, ils sont encouragés à agir de manière responsable, en respectant les valeurs de tolérance, de respect mutuel et de fraternité qui sont au cœur de la maçonnerie.

  3. MTCS Brigitte,

    A la lecture de cet article, je ne vois qu’un logique hommage a un grand homme…

    Il n’y a pas me semble-t-il de dénonciation de vérité souvent tues, alors même que celles de Robert BADINTER emporte l’adhésion.

    TAF

  4. Mon frère Yonnel,
    Je tiens à t’exprimer ma profonde gratitude pour la justesse de ta plume ! Ta capacité à mettre des mots sur des pensées et des sentiments que beaucoup d’entre nous éprouvent mais n’osent exprimer est essentielle. Ton courage à dénoncer des vérités souvent tues ou ignorées est une source d’inspiration. Merci pour tous tes articles et commentaires.
    TAF.

  5. La deuxième phrase de cet article est sidérante.
    Il n’y aurait donc que les maçons qui représentent une maçonnerie sociale et sociétale qui s’engageraient envers les valeurs d’égalité, de fraternité, et de liberté !
    Cette prétention au monopole des valeurs fondamentales de toute maçonnerie est révélatrice d’un sectarisme qui ne grandit pas son auteur.

    • Cher Merlin75,
      Dans un premier temps, nous notons que vous employez le terme sidérant qui, rappelons-le, ” vient du latin « sidereus », signifiant ‘’étoilé’’, dérivant de « sidus, sideris », étoile. Il est vrai que dans son usage moderne en français, sidérant est utilisé pour décrire quelque chose qui provoque une grande surprise ou stupéfaction, souvent de manière choquante ou impressionnante.
      Dans un second temps, et sans esprit de polémique, l’analyse de votre commentaire exprime une surprise – sidérante – et une critique que seuls les membres maçonnant sur le social et le sociétal seraient engagés envers ces valeurs universelles de l’art royal.
      Comme nous attendons encore, à ce jour, les communiqués de presse des obédiences dites « régulières » sur la défense des valeurs de la République et des principes de laïcité, tout autant que les appels, comme le font par exemple le Grand Orient de France (GODF) et les autres obédiences dites « libérales », à « faire front contre le vote extrémiste » lors de toutes les élections, nous serons attentifs aux déclarations concernant M. Robert Badinter, maçon sans tablier, comme Daniel Keller a qualifié, au regard de son engagement, l’ancien Garde des Sceaux.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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