« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».
En rappelant cette citation de son ami philosophe Brice Parain, parue dans la revue Poésie 44 et reprise dans son livre « L’homme révolté », l’écrivain humaniste Albert Camus souligne l’importance des mots, de leur emploi et de leur sens à respecter. Car, en effet, rappelons-le, les mots appropriés ont toujours leur utilité et leur signification communicationnelles. Comme le franc-maçon, à leur place et à leur office !
« La logique du révolté est de s’efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel », précise Camus.
Ainsi, il faut sans cesse craindre la confusion que les mots peuvent engendrer. C’est le cas du mot « Espérance », désigné comme vertu théologale par l’Eglise catholique dans le classique trio « Foi, Espérance, Charité » qu’elle suggère à ses pratiquants. Ayant Dieu pour objet, l’Espérance est à comprendre ici comme une croyance, un futur, dans un autre monde.
Tout respect gardé pour la religion en cause, l’espérance peut être aussi vue dans la vie ici-bas, non comme une vertu mais comme un « état affectif », une éventualité, une probabilité, voire une émotion parfaitement humaine. Et terrestre !
A noter que la franc-maçonnerie, au Rite Ecossais Ancien et Accepté, a inclus les vertus théologales dans ses rituels. Ce qui confère à l’Espérance, version Art Royal, une connotation quasi-cultuelle, notamment lorsque les travaux de loge sont réalisés à la gloire du Grand Architecte de l’Univers
Au vrai, qu’en est-il vraiment de ce vocable « espérance » ? Il appartient à la famille du verbe « espérer ». Celui-ci vient du latin « sperare » : être dans l’attente de quelque chose devant se réaliser, nous dit le dictionnaire. Espérer c’est donc attendre.
Sur terre, l’espérance, on le voit, est un sentiment et non une vertu. En l’occurrence, elle est à différencier de l’espoir. L’espérance est de l’ordre de la confiance, éventuellement pour le croyant par une intercession divine (croyance en l’à-venir, en une chose particulière, en l’Homme). Alors que l’espoir, sans spécialement un concours religieux, est lui de l’ordre du souhait, d’une possibilité, d’une réflexion, d’une décision : Exemple : « J’espère bien réussir ce concours. J’ai envie de m’y présenter. Je m’inscris ».
L’espérance est une attente. L’espoir est un désir.
A noter que, pour sa part, le philosophe contemporain André Comte-Sponville qui ne cache pas son athéisme (Luc Ferry, également) ne considère pas l’espérance comme une vertu. Il la juge même inutile alors que le courage, lui, (une vertu qui conduit à l’action) peut très bien supplanter ce sentiment d’espérance. Les philosophes des Lumières, quant à eux, ont préféré à toute espérance (en tant que sentiment religieux), à toute spéculation aléatoire, une spiritualité laïque, c’est à dire la raison et un mot, la philosophie.
A y bien regarder l’espérance tient quelque part de la magie ! Attendre que les choses arrivent sans rien faire, sans bouger, c’est croire à sa bonne étoile, à sa bonne fortune ! A l’image des joueurs de loto ! En fait, cela dit avec malice, c’est même être quelque peu paresseux !
Mais entretenir l’espoir de monter son entreprise en y mettant toute son énergie, c’est avoir confiance en soi, c’est croire à l’effort personnel, à la réussite possible ! Oser est le premier pas de l’audace !« La chance ne sourit qu’aux esprits préparés » (Louis Pasteur)