sam 23 novembre 2024 - 19:11

Le choix laïque d’une intranquille-Témoignage d’une Franco-Libanaise

Présentation de l’éditeur : Tous et tout me menaient à l’islamo-gauchisme : mes origines, mon combat pour la Palestine, mon ancrage à gauche. Dans ma famille, mais aussi parmi mes amis et connaissances, au Liban comme en France, on a voulu m’assigner Arabe défendant les Arabes, musulmane défendant l’islam. Orientale pourfendant l’Occident. Mais je n’ai pas glissé. J’ai réfléchi, remis en cause, réfléchi encore, je me suis obstinée.


« Ce récit, c’est la laïcité qui se déploie et s’épanouit lentement, à la faveur de la trajectoire individuelle d’une Libanaise musulmane que rien ne prédisposait à devenir farouchement laïque, et dont le lecteur découvre le cheminement, du Liban vers la France, de l’islam vers le doute, du nationalisme vers l’universalisme. Une cinglante réponse à tous ceux qui, adversaires de la laïcité, y voient une approche desséchée de l’humain, un refus de tenir compte des parcours individuels, des vécus, des sensibilités, une machine à uniformiser. C’est un récit d’émancipation, un témoignage, un appel aussi. Car comment être tranquille dans un monde traversé par autant de crises, des réfugiés au covid, de la montée de l’islamisme aux atteintes à la liberté d’expression ? Comment ne pas s’interroger sur l’avenir de notre modèle de société, sans cesse soumis aux coups de boutoir de ceux qui, sous prétexte de l’améliorer, menacent en réalité de le détruire ? […] Une formidable leçon de laïcité en acte. » (extrait de la préface)

Biographie de l’auteure

Fidaa H. est enseignante de mathématiques, doctorante en sociologie, militante laïque et écologiste et Famille Solidaire. Elle a accueilli un jeune réfugié afghan dont les péripéties sont relatées dans ce récit.

Nadia Geerts.

[NDLR : Nadia Geerts signe la préface. Elle est une militante laïque, féministe et antiraciste, agrégée et maître-assistante en philosophie et, par ailleurs, lauréate en 2019 du Prix de la laïcité décerné par le Comité Laïcité République (Mention internationale), à qui nous devons, entre autres, L’après-midi sera courte-Plaidoyer pour le droit à l’euthanasie (L’Harmattan, 2018). Un livre qui n’enseigne pas le comment apprendre à mourir, mais aussi et peut-être surtout comment apprendre à faire mourir et à laisser mourir, et ce afin de garantir à chacun, dans des conditions d’égalité, la jouissance de la liberté de conscience en matière de vie et de mort. Un sujet qui, en France, est d’une brulante actualité. En effet, selon l’IFOP, 93 % des Français considèrent que la loi française devrait autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de des personnes. Le regard des Français sur la fin de vie en 50 ans a bien changé et une majorité de Français (82 %) se dit favorable à un référendum sur la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Alors que le point de vue des autorités religieuses et morales, sans compter celui des catholiques traditionnalistes, n’a pas changé depuis le nuit – obscure – des temps !

Mais revenons à ce qui nous occupe aujourd’hui, notamment la présentation de cette belle collection « Débats laïques », chez L’Harmattan. Une collection dirigée par Gérard Delfau. Ce dernier a mené une carrière universitaire. Il est agrégé de Lettres classiques, ancien maître de conférences (1969-1980) à la Sorbonne, puis à l’université Paris VII – Diderot, spécialisé sur les rapports de l’Histoire et de la littérature, puis politique, tout en publiant une douzaine d’ouvrages sur des sujets aussi divers que l’emploi, les services publics et la viticulture.

Gérard delfau

À présent il se consacre à la collection « Débats laïques » qu’il vient de créer, et il multiplie les interventions et conférences sur ce thème. I. Politiquement parlant, il a été sénateur de l’Hérault (1980-2008) et maire – PS (jusqu’en 1998) puis PRG – de Saint-André-de-Sangonis, commune située dans le centre du département de l’Hérault (34), en région Occitanie. Il a été vice-président du Parti Radical de gauche de 2004 à 2008.

Sceau GODF – Crédit photo GODF officiel

Il est membre des loges Fidélité et Travail (Montpellier) et République (Paris), du Grand Orient de France, puissance symbolique régulière souveraine, plus ancienne obédience maçonnique française et la plus importante d’Europe continentale.

Voici ce que nous apprend le site de L’Harmattan sur sa collection Débats laïques :
« Nombreuses sont les collections qui traitent des religions. En revanche, il n’en existait pas jusqu’ici qui soit consacrée à la Laïcité, alors que celle-ci est devenue un enjeu politique majeur, en France et dans le monde.
Créée en novembre 2015, après la tragédie du Bataclan, la collection Débats laïques avait pour objectif d’engager une discussion de fond sur la dimension historique et philosophique de la Laïcité, sur les conditions de la sortie du Concordat, sur l’exercice au quotidien de la Liberté absolue de conscience et de la liberté d’opinion ; mais elle voulait aussi faire le point sur des sujets controversés, liés à sa mise en œuvre, comme le statut de l’École publique, le droit à l’IVG ou l’accompagnement de la fin de vie, notamment.

 L’Harmattan, créé en 1975 par deux éditeurs issus de la gauche catholique et de l’engagement tiers-mondiste.


Elle compte actuellement 17 titres, tous à dominante théorique. Le moment est venu d’élargir son champ d’investigation, en l’ouvrant à la singularité des personnalités et des parcours de vie. Une biographie de Darwin, théoricien de l’Évolution et penseur agnostique, en offre un bel exemple. Et, bien sûr, les expériences collectives, qu’elles soient associatives ou syndicales, y trouveront leur place.
Les auteurs s’inscrivent dans la grande tradition humaniste, celle des Lumières, de la Révolution française, et des lois de laïcisation de la IIIe République, dont le vote de la loi de Séparation des Églises et de l’État marque l’apogée. Or, ce mouvement d’émancipation se prolonge aujourd’hui dans le combat en faveur de l’égalité des droits des femmes et des minorités sexuelles, et pour le droit à mourir dans la dignité. Et, à chaque fois, cette aspiration se heurte à l’opposition frontale des appareils religieux. Ainsi, les intégristes catholiques ont-ils manifesté contre le mariage des couples de même sexe, aux côtés des représentants de l’islam politique, du Judaïsme orthodoxe et des Évangéliques. Que de chemin, il reste à faire !

Le Liban, en forme longue la République libanaise.


Dans ce but, la collection s’attache à donner la parole et à faire dialoguer, sereinement et sur un pied d’égalité, des femmes et des hommes de confessions ou de convictions philosophiques différentes, qu’ils soient catholiques, protestants, musulmans, juifs, ou encore athées, libres penseurs, agnostiques, tous se reconnaissant comme laïques. Un titre, parmi les 17 ouvrages parus, en résume l’esprit : Citoyens d’abord, croyants peut-être, laïques toujours. Et elle se situe volontairement dans le seul champ de l’argumentation, excluant toute attaque personnelle, contrairement aux pratiques en cours dans les médias et les réseaux sociaux. En ce sens aussi, elle se veut laïque. »

La préfacière nous confie que le récit de cet ouvrage est un « petit bijou. Un bijou de sensibilité, de finesse, de générosité, d’humour, de franc-parler, d’humanisme ».

Si l’intranquillité est un état manifestant ou révélant de l’inquiétude, de l’insatisfaction, notons immédiatement que l’altruisme caractérise Fidaa H. En effet, 50 % des droits d’auteur du livre sont reversés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui, rappelons-le, met en œuvre diverses actions dans le cadre de la politique de protection de l’enfance, à des fins de prévention, de repérage des situations de danger ou de risque de danger, et de protection.

L’auteure au grand cœur, dont le prénom indique le chemin, nous compte sa vie. Elle, la Libanaise devenue Française qui longtemps cru qu’elle était Palestinienne. Et de partir des origines de sa famille. D’un petit village frontalier du Sud-Liban, elle nous dit la chance d’avoir vécu dans un milieu familial où aucune différence n’était faite entre filles et garçons ou un père propalestinien, pro-syrien et panarabiste autoritaire, voire totalitaire mais éclairé – instituteur pour elle il exerçait le plus beau métier du monde –, et une mère plutôt faible et peu instruite. L’histoire commence en 2011, mais elle reprend aussi l’historique de la guerre du Liban, de l’hypothétique paix en Galilée, les différentes tentatives de couvre-feu et les invasions de son beau pays.

Fidaa H. porte témoignage, elle atteste de tout ce qu’elle a pu voir, entendre. Et, désormais, elle partage ! Pour elle la devise de notre République Liberté, Égalité, Fraternité s’accompagne des mots Solidarité et Moralité, qui, pour elle, est synonyme d’éthique.

Ce qui est émouvant, c’est qu’elle confie au lecteur littéralement toutes ces impressions, notamment celles concernant la laïcité versus française. Telle qu’elle l’aperçoit et telle qu’elle la perçoit ! D’en découvrir toutes les arcane set notamment les avantages qui y sont liés.

Avec la laïcité, par exemple, nul besoin de dévoiler sa confession. Elle comprend aussi que « la laïcité est un rempart face au pouvoir religieux, une citadelle imprenable garante de l’ennemi de l’entente entre les hommes ». Mais et surtout pour elle, femme libanaise, musulmane, laïcité rime avec liberté.

Panneau liberté égalité fraternité de la République Française
Panneau liberté égalité fraternité de la République Française

Un livre émouvant. Pourrions-nous dire qu’il s’agisse d’une conversion ? Sûrement. Nous en voulons pour preuve la façon dont Fidaa H. rappelle que certains pays aspirent à la laïcité, synonyme de paix, de liberté, d’égalité et d’émancipation. Comme c’est le cas actuellement de l’Iran. Déclarant, et c’est même la dernière phrase de son livre témoignage, somme toute autobiographique : « Alors nous, Français, il nous faut défendre bec et ongles ce trésor qu’est la laïcité française. »

Et de reprendre, en conclusion, comme pour nous faire toucher du doigt la chance que nous avons de vivre en démocratie, le slogan Zan, Zendegi, Azadi. Trois mots clés signifiant Femme, Vie, Liberté, slogan politique kurde utilisé dans le mouvement national kurde, puis repris dans l’ensemble de l’Iran au cours des manifestations de 2022 qui ont suivi la mort de Jina Mahsa Amini, décédée à l’âge de 22 ans, le 16 septembre 2022 à Téhéran , trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs iranienne pour « port de vêtements inappropriés ».

Un livre à lire et à méditer afin de mieux comprendre la chance, et le bonheur de vivre en France et afin de se remémorer aussi le texte de notre Constitution du 4 octobre 1958 et son Article Premier ; « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Drapeau français.
Sceau du Liban.

Le choix laïque d’une intranquille-Témoignage d’une Franco-Libanaise

Fidaa H.Préface de Nadia Geerts

L’Harmattan, Coll. Débats laïques, 2023, 178 pages, 20 € – Version numérique 14,99 €

Pour commander l’ouvrage sur le site de L’Harmattan – ISBN : 978-2-14-048537-4

Liberté, Égalité, Fraternité
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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Il est chroniqueur littéraire, membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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