ven 22 novembre 2024 - 06:11

« Le mal n’a rien de banal », l’erreur d’Arendt sur Adolf Eichmann… celui qui voulait devenir Franc-maçon

De notre confrère radiofrance.fr

Quand je pense à Eichmann, je songe à la banalité du mal pour crier tant l’expression me révulse : l’expression est un bien mauvais cadeau fait à l’humanité. J’ai beau relire Eichmann à Jérusalem d’Hannah Arendt, je comprends mal pourquoi elle l’a utilisée. Certes le psychiatre qui a analysé Eichmann a lâché “Eichmann est normal” mais pour le reste, Eichmann a toujours été un ambitieux absolument dénué de scrupules : avant de devenir nazi

il a tout tenté pour son ambition, il a même failli entrer en franc-maçonnerie.

Lorsqu’on lui a proposé de prendre l’uniforme nazi, il a juste répondu “pourquoi pas ?”, et toute sa vie il a avancé en disant “pourquoi pas”. Banal Eichmann ? Lui qui déclara à la fin de la guerre : “C’est une grande satisfaction d’avoir sur la conscience la mort de 5 millions de juifs.” ? Vouloir rendre justice aux victimes d’Eichmann et de tous les autres bourreaux c’est justement penser que ces meurtriers ne sont en rien, banals. Hannah Arendt face à l’antisémitisme c’est le Superfail  de la semaine avec Michel Dreyfus, historien et directeur de recherche au CNRS.

La viabilité scientifique de banalité du mal

Michel Dreyfus historien, directeur de recherches au CNRS

Dans son ouvrage Michel Dreyfus souligne l’ambiguïté de la notion de “banalité du mal” théorisé par Hannah Arendt, qui selon lui ne recouvre pas de réalité scientifiquement établie puisque Eichmann occupait une place majeure dans le système nazi : “Il n’a pas obtempéré il a participé très activement. Il pouvait prendre un certain nombre de décisions et il a tout fait pour que ce génocide ait lieu.” rappelle l’historien Michel Dreyfus.

Pour Michel Dreyfus, Hannah Arendt a été influencée par la défense d’Eichmann lors de son procès, qui cherchait à minimiser son implication dans le système nazi. Par ailleurs, la non prise en compte des faits historiques autour de la trajectoire d’Eichmann, s’expliquerait par le mépris d’Hannah Arendt pour la discipline historique, héritée de sa formation intellectuelle auprès du penseur Heidegger : “Elle a été formée intellectuellement très jeune par Heidegger, et Heidegger avait un mépris souverain pour l’histoire. (…) Pour lui, les historiens étaient des tâcherons besogneux.” explique Michel Dreyfus.

Hannah Arendt : une très mauvaise historienne

L’Affaire Dreyfus

L’une des erreurs les plus importantes d’Hannah Arendt aura été de considérer l’affaire Dreyfus comme un épisode annonciateur de l’Allemagne nazie, alors même que ces deux épisodes historiques n’ont aucun lien : “Maintenir ça après 1948 alors que l’on connaît le génocide c’est absolument ahurissant, je m’étonne que personne n’ait relevé cette erreur.” explique Michel Dreyfus.

Pour conclure, l’on pourrait dire qu’Hannah Arendt aura été une bonne philosophe et une très mauvaise historienne : “La question que je me pose c’est peut-on faire de la bonne philosophie à partir de la mauvaise histoire, je n’en sais rien.”.

Adolf Eichmann et la Franc-maçonnerie

Adolf Eichmann

En 1932, il assiste avec son père à une réunion du Parti national socialiste autrichien, sur l’invitation du père d’Ernst Kaltenbrunner, un vieil ami de la famille. Fortement impressionné par cet épisode qui détermine son engagement dans le Parti national-socialiste des travailleurs allemands, il rejoint l’organisation paramilitaire des « escadrons de protection » autrichiens (Schutzstaffel ou SS) le 1er avril 1932, comme simple recrue (Anwärter), sur proposition d’Ernst Kaltenbrunner, qui le considère avec certaines réserves.

À ce moment-là, il vient d’adhérer à l’organisation para-maçonnique Schlaraffia (de), une association conviviale cultivant l’humour mais Ernst Kaltenbrunner lui explique, selon Hannah Arendt, qu’« en tant que nazi, il ne pouvait pas être franc-maçon ». De toute façon, Eichmann est peu après exclu des Schlaraffia pour avoir manqué aux règles de politesse (bien qu’étant le plus jeune, il a pris l’initiative d’inviter ses confrères à boire un verre de vin)

Schlaraffia : organisation para-maçonnique

Franz Thomé , fondateur du mouvement schlaraffia

Schlaraffia est une société mondiale de langue allemande fondée à Prague (alors Empire autrichien) en 1859 avec un gage d’amitié, d’art et d’humour.

Les Schlaraffen, une organisation exclusivement masculine (beaucoup d’hommes d’un âge plus doux et occupant des postes sûrs), se réunissent au milieu de l’hiver (du 1er octobre au 30 avril dans l’hémisphère nord) une fois par semaine dans leur château de Schlaraffen (équipé dans le style d’une taverne de chevalier du Moyen Âge) pour les “Sippungen” (rassemblements qui se déroulent sous la forme cérémonielle fixe d’un jeu de chevalier). Ce faisant, la vie quotidienne est satirisée et maintenue en vie par des récitations de formes littéraires et musicales. Une langue archaïque avec sa propre langue vernaculaire pour les choses de tous les jours (Schlaraffen latin – par exemple; “pot de poudre” pour pipe à tabac, “cheval à essence” pour voiture, “monstre du château” pour belle-mère) donne aux Sippungen leur propre note humoristique . Les quelque 280 ” Reychs” (clubs locaux) restent en contact étroit les uns avec les autres. Chaque Schlaraffe est toujours le bienvenu dans tous les Reich du monde.

Des Reichs existent actuellement en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Italie, en Espagne, en France, en Belgique, en Suède, aux États-Unis, au Canada, au Mexique, au Venezuela, en Colombie, en Équateur, au Brésil, en Argentine, en Thaïlande, en Afrique du Sud et en Australie . Le nombre total de Schlaraffen s’élève à environ 10 000. Les nouveaux membres doivent être présentés par un Schlaraffe (parrain), effectuer une période probatoire avant qu’un vote général ne soit enregistré et commencer leur carrière de valet, qui mène du poste d’écuyer à chevalier.

Des artistes importants étaient et sont Schlaraffen (par exemple, Franz Lehár, Gustl Bayrhammer, Richard Bruno Heydrich, Leopold Matzal, Peter Rosegger et bien d’autres).

Leur “mascotte” est le hibou grand-duc (Bubo bubo) symbolisant la sagesse, la vertu et l’humour (le hibou lui-même présente la connaissance et la sagesse). En 1874, l’orgue de l’association Der Schlaraffia Zeyttungen apparaît pour la première fois à Leipzig. Il apparaît encore aujourd’hui plusieurs fois par an.

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