Nous consacrons ce lieu symbolique au temple de la loge emblématique « La Fraternité Vosgienne », une des 1400 loges du Grand Orient de France, non pas parce qu’il figure en bonne place dans le remarquable ouvrage
À la découverte des temples maçonniques de France (Dervy, 2027) de Ludovic Marcos – préface de Pierre Mollier, photographies de Ronan Loaëc, postface de Daniel Keller –
qui nécessita trois ans de travail mais plutôt parce qu’il accueille, depuis dix années déjà, les Imaginales Maçonniques & Ésotériques d’Épinal (IM&EE).
« La Fraternité Vosgienne », aux origines
L’historien de la franc-maçonnerie Jean Bossu estime que, dans les années 1765-1770, sept à huit loges auraient fonctionné dans les Vosges à Senones, Mirecourt, Bruyères, Charmes, Neufchâteau, Rambervillers et Épinal. Dans cette dernière ville, une loge – ou plutôt un embryon de loge – est mentionnée en 1766. Éphémère dans nos sources, elle est attachée à un régiment stationné dans la cité, le régiment de cavalerie de Normandie. Vingt ans plus tard, la greffe maçonnique prend réellement avec la création de La Parfaite Union en 1786.
« La Fraternité Vosgienne », entre république et socialisme
Lorsque, en plein Second Empire, Épinal renoue avec son passé maçonnique en 1862, les frères revendiquent ouvertement l’héritage de 1789. Le pouvoir l’a bien compris car s’il autorise le réveil de la loge, il ne compte pas la laisser sans surveillance. Les rapports de l’administration témoignent d’une réelle méfiance qui se poursuivra au début de la IIIe République dont l’orientation républicaine et parlementaire n’est assurée qu’après la crise constitutionnelle de 1877.
« La Fraternité vosgienne », au temps de Seconde Guerre mondiale
Entre 1940 et 1944, comme toutes les loges maçonniques, La Fraternité vosgienne subit de plein fouet la politique antimaçonnique des nazis et du gouvernement du maréchal Pétain, chacun étant obsédé à sa manière par le supposé pouvoir occulte des frères.
Si l’occupant allemand se focalise sur les archives qu’il emporte et interroge le vénérable de l’époque – dont le témoignage figure aux Archives départementales des Vosges –, Vichy a une politique plus agressive, supprimant les obédiences dès le 13 août 1940, excluant de la fonction publique les officiers des loges et les titulaires des hauts grades à partir du 11 août 1941.
Dans un atelier dont 40 % des membres sont membres de l’Éducation nationale, cette politique a des conséquences personnelles dévastatrices… sans compter la trahison d’un frère qui livre la liste des francs-maçons spinaliens au parti collaborationniste du PPF. Lorsqu’à partir de mars 1945 les travaux de « La Fraternité vosgienne » reprennent, c’est avec un tiers des effectifs recensés cinq ans auparavant et il faudra attendre les années 1980 pour retrouver ceux de la période du Front populaire.
Le temple a subi les spoliations et les outrages du sinistre régime de Vichy après la promulgation de la loi du 13 août 1940 portant interdiction des associations secrète. C’est ainsi que le mobilier et décors furent vendus aux enchères et le médaillon de la façade détruit (photo ci-contre). Depuis, les frères, pour porter toujours témoignage de la barbarie, décident de le laisser à l’identique.
L’occasion aussi de visiter, par exemple lors des Journées Européennes du patrimoine, ce temple situé au 7 rue de Provence, qui fut pensé et bâti, dès l’origine, comme un temple maçonnique et non la transformation d’une simple maison d’habitation en temple.
« La Fraternité Vosgienne » a pour objet la recherche de la vérité, étude de la morale, pratique de la solidarité, amélioration matérielle et morale, perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité, la diffusion des idées laïques.
En 2022, la loge a fêté ses 160 ans !
Grand merci aussi Jacques Oréfice, président des Imaginales Maçonniques & Esotériques et à toute sa formidable équipe ! Ainsi qu’à Alexandre, le Vénérable Maître en chaire de « La Fraternité Vosgienne ».
Sources : « La Fraternité Vosgienne » ; Photos © Yonnel Ghernaouti, YG