sam 23 novembre 2024 - 17:11

Passage à l’Orient Éternel de notre très cher Frère Jean Moreau

Ce mercredi 31 mai 6023, Marie-Dominique Massoni, présidente de la Fraternelle des Écrivains maçonniques « La Chaîne d’Union » rend hommage à notre très cher Frère Jean Moreau.

Blason IMF & SML Paris.

Prix littéraire de l’Institut Maçonnique de France pour l’ensemble de son œuvre en 2015, Jean Moreau fut et resta sérieux comme le galopin de la rue des Rosiers, un des élèves de monsieur Bled, oui le Bled des livres d’exercices et de règles qui nous ennuyaient tant, quand nous étions enfants, mais qui pourtant bâtirent des adultes qui écrivaient correctement et acquirent grâce à lui le goût de l’orthographe et de la syntaxe.

Jean et son compère Romain, réchappé du ghetto de Varsovie qui, comme lui usa ses culottes sur les bancs de l’école primaire de monsieur Bled, avant de devenir un journaliste de haut vol, parlaient souvent du bon maître lorsqu’ils se retrouvèrent, chargés d’ans et toujours aussi coquins.

SML Paris 2015, Jean Moreau est prix spécial du jury pour l’ensemble de son œuvre.
Trophée du prix littéraire de l’IMF.

Instituteur puis professeur de lettres-histoire dans l’enseignement technique, Jean multiplia les initiatives pédagogiques pour éveiller l’intérêt de ses ouailles à toutes les composantes de l’humanité en invitant dans sa classe de grands témoins, de grands résistants. Attaché à la laïcité, il était de ceux qui n’en auraient jamais fait une idéologie, tant il incarnait les principes de tolérance et ceux de notre devise républicaine. L’école de la République, il en fut l’une des pierres d’angle !

Amoureux de sa « tulipe verte », Francine, la compagne de toute une vie, il arrêta un jour les passants de la rue où il l’avait rencontrée pour célébrer l’anniversaire de leur amour et lui demander une nouvelle fois sa main. Nonobstant Francine, le gueux savait apprécier les attraits de bien d’autres femmes et nos deux tourtereaux en riaient, complices. Parfois il signa ses textes Jean Caruel, patronyme natal de sa chère épouse.

Des épreuves ils en connurent. Yves, leur « Petit Prince », autiste profond, dut très tôt être accueilli dans un lieu médicalisé. Jean nous donnait régulièrement de ses nouvelles et il s’engagea aussi pour ceux que la société cachait, pour leurs familles en souffrance. Il faisait valoir leur différence face à l’indifférence de la société.

À la fraternelle, Jean nous parla tour à tour de sa « fille » sénégalaise, Fatou, qui lui enseigna des rudiments de wolof, de sa fille rwandaise réchappée du massacre des Tutsis, devenue anonyme caissière d’un supermarché où aucun client ne la questionna jamais sur la cicatrice qui lui barrait le visage. Fatou fut et est encore présente auprès de Francine. Ils nous racontèrent comment, alors qu’elle était menacée d’être expulsée, ils cachèrent la présence de l’adolescente même le jour où des forces de police vinrent entreprendre une fouille de leur appartement de la rue des Rosiers. Quand tout fut en règle, ils purent aller au Sénégal et rendre visite à la famille de Fatou.

Papa Golem — il aimait tant ce surnom que lui avait donné son petit-fils, avait une émission hebdomadaire sur une radio juive. Il s’y entretenait avec des écrivains mais aussi des acteurs de la société civile qui par leur pratique donnaient l’idée de cette fraternité en acte qui lui était consubstantielle.

Daniel Beresniak, en 1996.

Au Cameroun, au Mali, au Sénégal, comme aux Antilles, Jean et Francine s’intéressèrent aux artisans, aux sociétés initiatiques, comme le Frère Griaule bien sûr. Guère surprenant que Jean ait été complice avec Daniel Beresniak, qu’il l’ait invité dans sa classe.
Daniel, juif originaire de Galicie, était comme Jean, un esprit ouvert et libertaire, pourfendeur de la « cratophilie ».

« À l’extérieur du temple », fut pendant quarante ans sa rubrique. Jean avait été l’un des fondateurs de cette revue inter-obédientielle où son esprit incisif associé à ses exigences faisait merveille. Mona Ozouf, Gérard Rabinovitch, Alain Kréménetzky, directeur du conservatoire historique de Drancy, Philippe Descola, Marcel Détienne y furent, parmi d’autres, invités. Il aimait s’entretenir avec le professeur Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe dont il appréciait la simplicité et l’exigence et qu’il comparait, espiègle, au séducteur Régis Debray qui portait sa moustache comme « un logo », aurait pu dire sa fille. Un entretien avec Chapouthier fut publié dans le Maillon n° 146 (Detrad, 2018).

Jean participa de même au comité de rédaction de la revue Humanisme.
La Craie et le Compas, enseignants et francs-maçons (Detrad 1997),

Les Francs-maçons (Le Cavalier bleu, réédité en 2008), Symboles et paroles du monde (2003), Le Pari de la fraternité (2005) ; Voyages, (2016, Detrad) ;

L’Art royal et le Petit Prince, franc-maçonnerie et handicap, co-écrit avec Francine Caruel (Detrad 2010), rendent compte de son souci constant de faire dialoguer fraternellement appréhension symbolique et analyse sociale. Ses échanges avec le philosophe et sociologue Jacques Demorgon dans Le Vénérable et le philosophe, fut marquée au sceau de « l’intérité », notion du linguiste Couturat, que les deux amis, adeptes de « l’inter », préféraient à l’altérité. Ajoutons à notre liste Le Chacal et l’Enfant-génie, Contes africains et créoles. Dit et non-dit de la connaissance, (Montorgueil, 1993), voilà qui suffira à dresser un premier portrait de celui qui n’hésitait pas à jouer le maladroit pour entraver le déplacement d’un ministre prétentieux dans un magasin de primeurs ou pour taquiner un cordon de policiers aux abords d’une manifestation de soutien aux sans-papiers.

Cercle Mémoire et Vigilance.

Président du Cercle Mémoire et Vigilance de 2005 à 2008, membre actif du Comité Laïcité Intégration, Jean publia, à son tour, à l’instar de M. Bled, des manuels scolaires et parascolaires…

1 COMMENTAIRE

  1. Paru ce jour par voie électronique, “Le Délégué laïque” de juin 2023 rend hommage, en première apge, à notre TCF Jea, Moreau, en ces termes :
    « Tout d’abord, nous voudrions rendre hommage à Jean Moreau, un ami, un Frère, un camarade pour beaucoup de militants laïcs qui ont combattu à ses côtés. Il a été rappelé à l’Orient Éternel le 7 avril 2023. Sa disparition nous peine et nous attriste. Il était un homme attachant.
    Il était investi pleinement dans sa tâche de responsable de la FNDDEN. Il a animé aussi très longtemps la revue La Révolution prolétarienne et était un grand ami de l’Afrique. À sa famille, ses proches, ses amis, ses camarades, ses Frères et Sœurs, nous apportons tout notre salut fraternel et respectueux. »

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