sam 23 novembre 2024 - 23:11

Un timbre-poste en hommage à Arnaud Beltrame

De notre confrère lepetitjournal.com Singapour – Par Catherine Soulas Baron

Arnaud Beltrame, officier supérieur de gendarmerie français, est mort en service le 24 mars 2018 à Carcassonne.  La Poste Groupe lui rend un bel hommage avec 750 000 timbres tirés à son effigie, réalisée par l’illustratrice et graveuse Sophie Beaujard. En avant première, une vente a été réalisée les 23 et 24 mars dans 5 villes de France dont Carcassonne. Depuis le 27 mars, le timbre peut être acheté dans les bureaux de poste qui commercialisent les timbres de collection.

Nous avions rencontré Cédric, l’un des frères d’Arnaud Beltrame, il y a quatre ans à l’occasion de la sortie de son livre « Au nom du frère » écrit à quatre mains avec son frère Damien. Nous n’oublierons jamais son courage. Nous pensons à lui, à sa famille, à ses camarades de la Gendarmerie nationale, et à l’ensemble des victimes des attentats de Trèbes et Carcassonne. 

Interview de Cédric Beltrame par Catherine Soulas Baron le 15 janvier 2019 pour Lepetitjournal.com/singapour 

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Notre Frère Arnaud Beltrame, héros national
Notre Frère Arnaud Beltrame, héros national.

Le 24 mars 2018, le terrorisme islamiste a détruit une fratrie. Le lieutenant-colonel de Gendarmerie, Arnaud Beltrame est tué quelques semaines avant son mariage. Il a sauvé une otage dans des circonstances de bravoure remarquable. Ainé d’une fratrie de trois, il faisait l‘admiration de ses frères cadets. Ils ont souhaité dire dans un livre “Au nom du frère” quel homme exceptionnel il était, et tenter d’expliquer ce qui a pu provoquer le destin héroïque de ce frère tant aimé. Cédric, l’un des frères d’Arnaud, vit à Singapour avec son épouse singapourienne et son petit garçon. 

Cédric Beltrame.

Vous étiez à Singapour quand la nouvelle est tombée. Vous remerciez à la fin de votre livre Messieurs l’Ambassadeur et le Consul  de France à Singapour. Leur assistance a-t-elle été déterminante ?

J’ai appris le décès d’Arnaud le samedi suivant l’attaque et je souhaitais rejoindre la France par tous les moyens. J’ai contacté le Quay d ‘Orsay. L‘ambassade était fermée, mais j‘ai reçu un texto de Monsieur l’Ambassadeur. J‘ai été mis immédiatement en contact avec Air France et pu ainsi prendre un vol le dimanche suivant et voyager dans de bonnes conditions. Dans ces moments, tout seul face à la logistique, la distance, on se sent perdu, tout semble très compliqué, donc oui la prise en charge a été cruciale. A mon retour, Monsieur l‘Ambassadeur m’a reçu et exprimé à nouveau son soutien.

Le titre de votre livre écrit avec votre frère Damien “Au nom du frère” évoque le début d’une prière, presqu’une supplique.

Cela n’a pas été facile de trouver un titre qui convienne à tout le monde. Le livre est centré sur la fratrie, la famille, mais porte aussi sur la religion, la franc-maçonnerie, l’armée, la gendarmerie. Le mot frère se devait naturellement d’être en titre. Le titre sous-tend un hommage, une reconnaissance, une acceptation du fait qu’il se soit converti au catholicisme, nous le chahutions parfois à ce sujet. Cela l’aurait probablement beaucoup touché.

Votre frère Arnaud se convertit très tard au catholicisme, mais aussi à la franc-maçonnerie. Or, vous le précisez dans le livre, le cardinal Ratzinger déclare ouvertement en 1983 que les catholiques membres de la franc-maçonnerie sont dans un état de péché grave. Votre frère ne voyait pas d’incompatibilité entre sa foi catholique et sa croyance franc-maçonne ?

Arnaud était en recherche incessante de certaines vérités, certaines lumières. Cette recherche intellectuelle et spirituelle a porté sur la religion, sur  l’histoire mais aussi, parce que notre famille est originaire de Bretagne, sur les druides, les celtes, la terre. Finalement, la religion s’est imposée comme ce qui lui convenait le mieux, lui apportant une paix intérieure. J’explique son adhésion à la franc-maçonnerie pour deux raisons. La première est la conséquence d’un certain héritage, une partie de notre entourage familial a toujours été franc-maçonne. La deuxième, un élément nécessaire et obligatoire pour sa carrière. Ambitieux, il avait pour objectif ultime de devenir Général. Pour lui, tout cela avait du sens et était loin d’être antinomique. D’ailleurs, le Pape lui-même lui a rendu hommage en parlant de son acte généreux et héroïque.

Il y a dans votre livre de nombreuses références à Saint Parfait, à Lancelot de Lac, aux Templiers et preux chevaliers. Avait-il donc une vision romantique des valeurs qu’un homme de notre société doit incarner ?

Arnaud disait à ses collègues et amis : « Nous sommes les derniers chevaliers ». L’histoire des templiers le fascinait. La défense de la patrie, mourir pour une noble cause, l’honneur et toutes ces valeurs féodales étaient pour lui bien celles du présent.

Vous refusez les notions de sacrifice, de suicide, de martyr, de rebelle, émises par certains après son acte. Selon vous, quelle était l’idée de votre frère en agissant au delà de ce que sa mission exigeait de lui ?

Damien, moi-même et ceux qui l’ont connu pensons qu’à ce moment-là, seul le militaire qu’il était a agi, investi dans sa mission. Il savait ce qu’il faisait, il a analysé la situation, il avait un plan. Agir vite, agir bien. Il avait participé à l’entrainement à une simulation d’une attaque terroriste dans un supermarché quelques mois auparavant, il avait fait l’EPIGN (escadron parachutiste de la Gendarmerie Nationale, aujourd’hui devenu une des unités du GIGN), avait effectué une mission en Irak, connaissait le sujet, maitrisait le combat, les armes. Il a pris une décision hors protocole, celle de se substituer à une otage pour réussir sa mission pour la sauver. Mais à notre avis, il ne pensait certainement pas qu’il allait mourir.

Vous êtes marié à une Singapourienne. Comment ont réagi sa famille et vos amis singapouriens ?

Un très grand choc pour la famille singapourienne car ils connaissaient bien Arnaud. Il était venu à Singapour en 2012 pour notre mariage civil et eux-même avaient fait le voyage en France pour le mariage religieux. Ils ont écrit à ma mère. Quant aux amis, ils ont été extrêmement impressionnés par son acte. Pour eux aussi, Arnaud est un héros.

Votre frère était admiratif de Singapour et sa politique de défense de l’Ile. Pouvez-vous nous en parler ?

Arnaud appréciait le fait qu’il y ait un service militaire obligatoire, qu’il y ait des sanctions strictes envers les délinquants. L’idée aussi que dans les HDB, les personnes vivent ensemble par quotas, que l’on reconnaisse qu’il y ait différentes races devant vivre ensemble et se respecter. Il admirait la politique de défense du pays traumatisé par l’invasion japonaise et qui ne baisse jamais la garde, puisque près d’un quart du minuscule territoire est dédié aux opérations militaires et aux terrains d’entraînements.

Vous parlez avec beaucoup d’amour et de douceur de votre maman. Quel a été son rôle dans la vie de la fratrie et celle d’Arnaud ?

Notre mère nous faisait confiance, nous laissait vivre nos propres expériences, nous entourait de beaucoup d’amour, s’occupait parfaitement de nous et nous cuisinait toujours de bons petits plats ! Mais il y avait des règles : ranger sa chambre, être poli, respecter les anciens, la famille, se charger quotidiennement des animaux comme le cheval que nous possédions. Elle nous a toujours aidés, accompagnés, sans nous imposer quoique ce soit, ni en sport, ni en musique, ni pour nos études. Maternelle mais jamais envahissante. Elle a été pour Arnaud une source inépuisable d’amour, d’énergie, de réconfort, d’écoute et de pardon. Un pilier indestructible. Elle lui a donné ainsi qu’à nous la force d’aller de l’avant, de toujours relever la tête. Un lien très fort la liait à Arnaud.

Vous dites : « Mon frère est mort comme il a vécu, suivant ses préceptes et ses valeurs. Désormais, il ne nous appartient plus ». Quelle en est la signification?

Au delà du héros, chacun peut se retrouver dans ce qu‘il représente, chrétien, militaire, franc-maçon, citoyen, fils. Arnaud est devenu un symbole en se dressant face au terrorisme islamiste. Finalement son acte transmet un message : « Je n’ai pas peur de me battre, de mourir en défendant une cause juste, je me tiens prêt ». C’est un message universel. Il a redonné de la valeur au courage, au don de soi, à l’honneur.

Est-ce que cette citation d‘Albert Camus s’applique à votre frère ? « Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau, ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin. »

La citation de Camus est très belle et je pense qu’elle s’inscrit parfaitement dans le contexte. Même si Arnaud, lui, était un grand soldat bien avant son geste.

« Notre frère Arnaud est mort en héros le 24 mars 2018. L’émotion a déferlé sur la France et son geste a franchi nos frontières pour susciter admiration et respect à travers le monde. Son courage, qui nous dépasse, nous oblige aussi. Nous avons donc voulu faire aux autres, dans ce récit, le don de ce qu’il nous a dit. De ce que nous avons vu. De ce qu’il nous a appris. Remonter aux racines de son acte qui, pour nous, n’a rien d’un mystère insondable.Tracer le portrait intime d’un homme d’exception, sans rien occulter des doutes ou des difficultés qu’il pouvait rencontrer, notamment avec notre père. On ne lira donc pas ici l’hommage solennel à un mort, mais l’hommage fraternel à un vivant. »

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L’ouvrage de Cédric Beltrame, “Au nom du frère” (Grasset, 2019).

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