Après les salons de 2017 et de 2019, tenus à « la Manu » – ancienne manufacture des tabacs de Nantes) –, au cœur de ville, le Cercle d’Études et de Recherches Autour du Livre (CERAL 44) a organisé, les 15 et 16 octobre derniers, à Carquefou, le 3e salon du livre Maçonnique. Le CERAL compte, en son sein, une dizaine d’obédiences qui, pour la plupart, ont élu domicile à Carquefou, après l’incendie criminel de 2017 ayant détruit les locaux historiques nantais.
Une manifestation un an juste après l’inauguration dans ce remarquable et très fonctionnel lieu regroupant, sur plus de 1300 m2, trois magnifiques temples
– nommés Liberté, Égalité et Fraternité – salle d’agape, cuisine, salle de réunions, bibliothèque, lieu de convivialité, etc. Une belle réalisation de l’Association fraternelle des études sociales (AFESO), présidée par Jérôme Vincent.
Le choix de Carquefou, situé dans la vallée de l’Erdre, à 10 km au nord-est du centre-ville de Nantes et dont la devise est « ville vivante, esprit vrai » était-il, compte tenu de l’adresse, aussi prémonitoire ?
En tout cas, de l’avis de tous – visiteurs non maçons, Sœurs et Frères, responsables de stands (libraires spécialisés, libraires d’anciens et d’occasions, associations (para)maçonniques, organisateurs –, cette édition porta haut et fort ses couleurs là !
Vivant, tel fut le salon qui accueillit un public très nombreux – un grand temple plein pour les six conférences du week-end, malgré une météo des plus clémente le dimanche.
Vrai, car ces deux journées connurent de riches et passionnantes interventions.
Le CERAL a pu ainsi compter, pour la conférence inaugurale sur la présence de l’historien et maçonnologue Pierre Mollier, directeur de la bibliothèque du Grand Orient de France, conservateur du musée de la franc-maçonnerie et rédacteur en chef de la revue d’études maçonniques Renaissance Traditionnelle et de l’essayiste et universitaire nantais d’origine Lauric Guillaud, spécialiste des littératures de l’imaginaire et du roman d’aventures. Un débat autour de « La franc-maçonnerie et littérature : sources et figures ». Furent abordés des auteurs, maçons ou non, tels qu’Edmond About, Jules Romain, Roger Peyrefitte, Rudyard Kipling, Walter Scott, Gérard de Nerval, Jules Verne, Oscar Wilde et de tant d’autres. Un débat fructueux autour de la littérature, d’imaginaire, de maçonnique, antimaçonnique, de complotisme, de fantastique, de néo-médiévalisme, terme popularisé par l’universitaire Umberto Eco (1932-2016) dans son essai de 1986 Rêver du Moyen Âge, mais aussi d’épopée romanesque…
Une conférence suivie par celle de Didier Convard, excusé pour raison de santé, et de Dominique Freymond, de la Grande Loge Suisse Alpina et ancien président du Groupe de Recherche Alpina, sur
« Bandes dessinés et Franc-Maçonnerie ». Des propos captivant sur pourquoi s’intéresser au 9e art royal, la bande dessinée maçonnique… Une démonstration en images s’appuyant tant sur différentes périodes de 1981 à nos jours que sur différents genres de BD – polar-ésotérique ; historique, humour, complotiste ; fantastique, ésotérique, analyse ; aventure, etc. Et comment ne pas évoquer les albums de Tintin, l’œuvre d’Hergé, Georges Rémi (1907-1983), non maçon mais passionné d’ésotérisme, de Black et Mortimer et, bien sûr, du mythique Corto Maltese, personnage « culte », fruit de l’imagination du franc-maçon
Hugo Pratt et son Fable de Venise, où, en 1921, le héros est à la recherche d’une émeraude aux pouvoirs mystérieux… Mais il n’est pas seul dans cette quête, le bijou suscitant également la convoitise des fascistes et même de certains francs-maçons !
L’après-midi débuta par une conférence de l’italien Alessandro Sbordoni, compositeur et essayiste, sur « Franc-maçonnerie : Bâtisseurs de Libert ». Yonnel Ghernaouti, chroniqueur littéraire, présenta son récent ouvrage enluminé par Jean-Luc Leguay, réalisateur du blason du CERAL, La liberté comme méthode-L’initiation maçonnique dans ses relations avec les pratiques du quotidien (Dervy, 2021),
Puis Françoise Vignon, Grande Maîtresse Adjointe et Chargée des Relations Intérieures de la Grande Loge Féminine de France introduisit la conférence de Corinne Drescher-Lenoir qui intervient sur « Naissance, renaissances, les commencements qui créent l’avenir ».
Pour mémoire, rappelons que le docteur Corinne Drescher-Lenoir, gynécologue-obstétricienne en retraite, et membre du Collège scientifique du CIRDH-Frans Veldman, association créée par le fondateur de l’haptonomie, Frans Veldman (1921-2010). L’haptonomie est une pratique qui place la relation et le contact affectif au cœur du soin, de l’éducation et de toute rencontre interhumaine. Mais également Franc-Maçonne depuis plusieurs décennies, au sein de la Grande Loge Féminine de France, membre de la Commission nationale des Droits des Femmes et de la Loge nationale de recherche « Bathilde Vérité » ainsi que la directrice de publication de la collection Voix d’Initiées, de la GLFF et a, en particulier, contribué à la rédaction des thèmes suivants : “Du destin biologique à la liberté, les femmes et la santé“ ; « Penser, un défi pour être libre » ; « La différence et l’indifférence ».
S’appuyant sur son expérience, notre Sœur nous parle d’Hannah Arendt, de l’énigme de la naissance, de l’origine du monde et de l’expérience de la mort qui élève la pensée de l’être humain, tan,t sur les plans symboliques que philosophique.
Le dimanche 16 au matin, nous avions rendez-vous avec Sylvain Zeghni, docteur en Sciences Économiques (Université Paris X Nanterre, 1991), maître de conférences à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, spécialiste de l’économie du tourisme et de l’économie de l’environnement. La thématique « Survivre sans se renier : la Franc-maçonnerie face aux défis de demain » intéressa à plus d’un titre l’auditoire. Parlant du monde virtuel, déjà présent, jusqu’à celui d’un au-delà de notre monde réel », en abordant le métavers (analyses et décryptages), il suscita de nombreuses questions lorsque la parole circula. Ce métavers maçonnique, qui semble passionné déjà plus de 15 000 membres est-il un enfer virtuel ou un hypothétique paradis ?
Laurence Vanin, connue pour ses analyses sur le Petit Prince et la plus fidèle conférencière du salon, avec « L’éthique des relations aux Objets Connectés et aux au Robots : quelle fraternité pour demain ? » franchit le cap en nous faisant partager sa vision du monde de demain et les quatre théories de l’Intelligence Artificielle. De nombreuses pistes furent évoquées entre immersif et expérience du réel.
Elle nous avoua aussi sa façon de ne pas entrer dans le débat fraternité/sororité en écriant simplement, sans faute d’orthographe, Fraternitée !
Enfin dimanche après-midi, malgré un grand soleil et les 24° constatés, le grand temple était archiplein pour venir entendre une respiration, un instant de bonheur. « le jardin en héritage » sujet traité par la professeure de lettres classiques Laure Bellier. Un véritable voyage, comme une expérience ‘’rhizomatique’’.
2022 est à marquer d’une pierre blanche. Nouvelle communication (PQR ; communiqué de presse, réseaux sociaux, etc.), nouveau lieu, nouveaux stands, nouveau public avec près de 30 % de profanes, des jeunes femmes et hommes en recherche.
De la belle ouvrage. Une réussite que nous devons au travail et à la grande fraternité d’une équipe pilotée par Thomas Grison, Secrétaire général du CERAL. Rendez-vous en 2025 !