De notre confrère de Montréal lapresse.ca – Par Violaine Ballivy
Elle a été visée par des théories du complot, accusée de vouloir contrôler des gouvernements, traitée de secte : la société des francs-maçons s’est attirée au fil des ans tous les qualificatifs possibles. Probablement parce qu’elle aimait bien s’entourer d’un voile de mystère, qu’elle souhaite voir se dissiper en s’exposant cette année au musée. Tour d’horizon d’une société secrète qui veut l’être de moins en moins.
Secte ou société secrète ?
C’est l’une des premières questions évoquées par l’exposition présentée au musée des cultures du monde de Nicolet jusqu’en novembre 2020. « On est plutôt une société qui a des secrets… qui sont étalés sur l’internet ! », badine Marc David, président de la Grande Loge du Québec. « Elle a des rites de passage, comme les scouts en ont aussi et dont ils ne parlent pas, sans qu’on les traite de sectes », explique Hervé Gagnon, auteur de romans et commissaire de l’exposition. « Tout le monde sait que les francs-maçons existent, mais dans les faits, très peu de gens comprennent vraiment qui ils sont, ce qu’ils font. »
Sont-ils tous maçons ?
Non ! Le temps des cathédrales est bien loin : les francs-maçons ne sont plus (ou alors, rarement) des tailleurs de pierre de profession. Fondés au XVIIe siècle, ils sont officiellement ouverts à tous les corps de métier depuis 1717. C’est à cette époque que le port de gants blancs s’est imposé pendant les rencontres, afin de ne pas distinguer les ouvriers aux mains calleuses des bourgeois aux mains de porcelaine.
Mais sont-ils tous des hommes ?
Certaines loges sont mixtes, mais la plupart n’acceptent que des hommes. C’est le cas de la Grande Loge du Québec, qui est à Montréal, et de la Grande loge unie d’Angleterre, la plus importante du mouvement avec 200 000 membres et dont relève celle de Montréal. La présence – ou plutôt l’absence – des femmes « est une question importante, dit Marc David. C’est, à première vue, paradoxal de la part d’une organisation tolérante qui préconise le développement moral : il faut être inclusif. » La donne pourrait donc changer, remarque M. David.
Georges Laraque est-il franc-maçon ?
Oui ! L’ancien joueur de hockey en a moins parlé que de son virage au véganisme, mais n’en est pas moins fier, assez pour être porte-parole de l’exposition de Nicolet. Il a joint l’association en 2016. « C’est le côté caritatif qui m’a intéressé », explique-t-il, en faisant référence notamment aux collectes de fonds organisées par les Shriners (qui sont francs-maçons) pour financer l’hôpital montréalais du même nom. Il a aussi enrôlé ses meilleurs amis et fréquente désormais plusieurs loges. « Chacune est différente : il y en a où le côté caritatif est plus fort, d’autres où on parle plus de l’histoire des francs-maçons. » Mais aucune n’accepte les femmes. « C’est une règle stupide, j’aimerais faire quelque chose pour changer ça quand je serai plus haut dans les grades dans la franc-maçonnerie. »
Mais que fait un franc-maçon ?
Les « loges » se réunissent neuf fois par année dans un « temple ». Lorsqu’un nouveau membre est admis ou qu’il monte en grade, un extrait d’une pièce de théâtre propre aux francs-maçons est jouée par les membres. « Il y a parfois des présentations sur divers sujets de développement moral », explique Marc David. On se pose des questions du genre « Quel est le sens de la vie ? », mais tout débat sur des sujets religieux ou politiques est officiellement interdit (d’ailleurs, en France, les membres du Front national sont interdits parce que leurs positions d’extrême droite sont jugées incompatibles avec les valeurs d’humanisme du groupe).
Et sont-ils nombreux ?
Beaucoup moins qu’ils ne l’ont déjà été au Québec : on recense en 2019 quelque 3500 francs-maçons contre quelque 20 000 au plus fort de la participation, dans les années 60. À l’échelle mondiale, les estimations vont de trois à quatre millions de membres. « Il fut un temps où tous les gens importants étaient francs-maçons », note Hergé Gagnon. À l’exception des femmes.
Lumière sur les francs-maçons, exposition présentée au Musée des cultures du monde de Nicolet jusqu’à l’automne 2020.