ven 22 novembre 2024 - 22:11

La nuit je mens

« On m’a vu dans le Vercors

Sauter à l’élastique

Voleur d’amphores

Au fond des criques

J’ai fait la cour à des murènes

J’ai fait l’amour

J’ai fait le mort… »

La chanson mélancolique de Bashung nous laisse dans la tête cet aveu curieux « la nuit je mens ! » Elle est si insistante qu’on se laisse aller à lui faire écho et à questionner notre propre vie ici et maintenant….

Dans quelle nuit cette addiction coupable se manifeste-t-elle chez nous ? Dans quelle nuit notre esprit se sent-il dégagé de toute obligation vis-à-vis d’une vérité crue ou de la vérité toute nue ? Dans quelle nuit déjà, s’est-on autant senti libre, rebelle et farouche, maître de nos paroles et puissant mystificateur du réel ?

Avec la plainte de la guitare, de telles nuits nous semblent plus graves et plus profondes que les jours où bruissent les forces de la vie. Ce sont des nuits de lune noire où l’épaisseur se fait plus pesante, plus sauvage, des nuits qui nous poussent irrésistiblement à l’errance malgré l’effroi, au désir de desserrer un peu autour du cou le nœud de la peur ….

Alors oui là :

« La nuit je mens

Je prends des trains à travers la plaine

La nuit je mens… »

Non, pas de remords hypocrite ! Dans le cœur de ces nuits-là, c’est l’inflexible Hécate qui vient au-devant du voyageur impudent, un flambeau au poing pour éclairer la route qui mène aux Enfers. Voilà pourquoi au creux de ces nuits l’« on prend des trains à travers la plaine », on parcourt « des kilomètres de vie en rose » avec le fol et dernier espoir de trouver l’âme sœur, peut-être ?

C’est oublier que dans le manteau nocturne rien n’est simple ni aisément décelable, car Hécate, aux carrefours sombres des routes, a trois têtes qui regardent dans trois directions différentes. Hécate et ses trois corps offrent une vision qui, du coup, fait « danser tant de malentendus » et affole terriblement nos boussoles intérieures…

C’est oublier que cette divinité puissante qui règne sur le ciel, la mer, la terre peut aussi lier le passé, le présent et l’avenir, sans la crainte funeste de se perdre dans le temps. Mais, à cette croisée, sur quel chemin s’élancer dans le vent, s’avancer sur la terre d’un pas victorieux, ou bien nager sans s’épuiser dans les vagues furieuses ou les courants sous-marins ?

Paradis, purgatoire et enfer, Hécate au croissant de lune sur le front, tu nous dis que tu nous diriges vers la meilleure piste, la bonne issue ou vers la plus belle des portes ? Confies-tu vraiment la clef qui ouvre les enceintes scellées, le fouet qui réveille ceux qui s’endorment sur des lits de lauriers ? Eux, ces soi-disant « dresseurs de loulous », « ces dynamiteurs d’aqueducs », ces cabotins de la comédie humaine ?

Ô qu’il est malaisé de voir dans l’obscurité ce qui est bénéfique ou maléfique ! Alors que faire ?

« La nuit je mens

Effrontément. »

Hécate, magicienne redoutée, toi qui connais les secrets de la vie et de la mort, l’autre face du visible et de la lumière éclatante, non ! Tu n’auras pas de prise sur mes choix…. Je fais fi de ta puissance… « Je m’en lave les mains » …

À la croisée des routes, mon âme s’arrêtera pour choisir la voie de la terre, de l’horizontalité, de la rationalité et de l’amour, celle qui m’amènera à creuser mon puits et de là, du centre des ténèbres, je m’élèverai toujours verticalement vers la lumière…

Vrai ou faux ?

« On m’a vu dans le Vercors

Sauter à l’élastique

Voleur d’amphores

Au fond des criques

J’ai fait la cour à des murènes

J’ai fait l’amour

J’ai fait le mort… »

Et si la nuit je mens…

« J’ai dans les bottes des montagnes de questions

Où subsiste encore ton écho

Où subsiste encore ton écho

J’ai fait la saison

Dans cette boîte crânienne

Tes pensées, je les faisais miennes… »

Hécate, toi venue de Thrace, tu es éternellement un être à part ! Que ce soit, à côté et en dehors de l’Olympe, tu bats la mesure de la délicieuse et obsédante musique qui est en nous !

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Claude Laporte
Claude Laporte
Cursus universitaire en Droit public, Organisation du travail, et Sociologie Politique. (Maîtrise en Droit Public (1972), à la Faculté de Bordeaux. Chargée de cours sur la « Sociologie Politique et des Institutions Internationales » aux élèves de 1ère Année de Droit (1972/1973). Puis, intégration professionnelle au sein de l’Assurance Maladie. Dernier poste occupé : Responsable de la Communication à la Direction des Systèmes d’Information à la CNAMTS. Autres diplômes : DESS Systèmes d’Information; DEA «Communication, Technologies et Pouvoir » (Université Paris-Sorbonne). Par ailleurs : des engagements dans le domaine associatif et culturel. Depuis mars 2020 une activité écriture/publications avec la création et l’animation du blog EMEREKA, journal d’opinions et d’humeurs ..

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