La Bible est un ensemble de livres où chaque livre était nommé par le premier mot le commençant.
La Bible est présentée comme l’expression écrite et «historique» de valeurs traditionnelles, universelles et morales comme l’explique Marc-Alain Ouaknin, La bible de la mythologie au PARDES:
La saga historique que nous conte la Bible, recueil de textes anciens, longtemps désigné sous le titre d’Ancien Testament, et qu’aujourd’hui les savants ont coutume d’appeler la Bible hébraïque, ne doit rien à une quelconque révélation miraculeuse; elle est le brillant produit de l’intégration humaine. Elle a été conçue pour la première fois, en l’espace de deux ou trois générations, il y a environ 2600 ans. Elle prit naissance au sein du royaume de Juda. Cette saga épique (de la fin du VIIe siècle avant J.-C., du temps du royaume du roi Josias) se composait d’une collection, fabuleusement riche, de récits historiques, de souvenirs, de légendes, de contes populaires, d’anecdotes, de textes de propagande royale, de prédiction et de poèmes antiques. Bien que les premiers textes (certains psaumes et lamentations de cette saga) aient pu être rassemblés au cours de la période monarchique tardive, ou aussitôt après la destruction de Jérusalem, en 586 avant J.-C., la plupart de ces récits parait avoir été composée plus récemment entre le Ve et le IIe siècle avant J.-C., au cours des périodes perse et hellénistique, alors que pendant des siècles, l’inspiration divine et la véracité historique de la Bible ne faisaient pas l’ombre d’un doute. Elle était le socle des connaissances scientifiques, philosophiques et religieuses.
Pourtant à l’aube de l’ère moderne, à partir du XVIIe, des érudits, qui se consacraient à l’étude détaillée, littéraire ou linguistique de la Bible, s’aperçurent que les choses n’étaient pas aussi simples qu’elles le paraissaient. Ils finirent par se convaincre que, au moins pour ce qui concerne les cinq premiers livres, la Bible avait fait l’objet, au cours des siècles, de retouches, de remaniements et d’améliorations de la main de scribes et de correcteurs anonymes. De telle manière que, à la fin du XVIIIe siècle, bien des savants commençaient déjà à douter que Moïse ait pu jouer le moindre rôle dans la composition de la Bible; et étaient parvenus, par conséquent, à la conclusion qu’elle était l’œuvre exclusive d’auteurs plus récents. Autrement dit, les savants en vinrent petit à petit à la conclusion que les cinq premiers livres de la Bible avaient été habilement mélangés et reliés par des scribes compilateurs, appelés «rédacteurs». La dernière de ces «rédactions» date de la période postexilique. Si au cours de ces récentes décennies, certains savants affirmaient que ces textes furent composés et publiés d’abord durant la période de l’union monarchique, puis pendant celle des royaumes d’Israël et de Juda (entre 1000 et 586 av. J.-C.), d’autres érudits, par contre, soutenaient que ces textes avaient été rassemblés et publiés par des prêtres et des scribes durant l’exil à Babylone et le retour en Israël (au cours des VIe et Ve siècles), voire plus tard, au cours de la période hellénistique (entre le IVe et le IIe siècle). Tous s’accordaient toutefois sur le fait que, loin de résulter d’une composition continue et sans couture, le Pentateuque était au contraire un patchwork, assemblé à partir de sources variées, et dont les diverses pièces furent écrites durant des circonstances historiques et dissemblables, pour exprimer un point de vue religieux ou politiques différents (Extrait de La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l’archéologie, par Israel Filkenstein et Asher Silberman).
Baruch Spinoza dans son Traité philosophico-politique, chap.9, en démontre les incohérences historiques (écouter un extrait de son texte : <odysee.com/@Audiebant_Librorum:c/baruch-spinoza-trait-th-ologico:7> ou lire ce chapitre : <fr.m.wikisource.org/wiki/Traité_théologico-politique/Chapitre_9>).
Les cinq livres de la Thora sont «le nom du Saint, béni soit-il», selon l’expression de Ezra ben Salomon rapporté par Guershem Scholem. On retrouve un tel symbolisme chez Dante. En Paradis XXXIII, il sommo poeta utilise le symbole du Livre pour évoquer la Forme de toutes choses, laquelle est, dans l’Intellect divin, la similitude globale de la création : «En son fond (de la lumière divine) je vis que s’intériorisait, lié par l’amour, en un volume, ce qui par l’univers s’effeuille».
Pour Alain Marc Ouaknin, les Judéens en exil à Babylone (Mésopotamie) se sont intégrés (fidèle à leur tradition et loyal au peuple d’accueil), aussi les 11 premiers chapitres de la Genèse sont-ils les traces de manuels scolaires babyloniens. À cette occasion fut inventé un alphabet (caractères carrés) par Ezra, l’écriture appelée assyrienne (B achourit, ת י ר שׁ א בּ , anagramme du mot Béréshit, ת י שׁ א ר בּ) fondée sur trois formes mères : le point, la ligne et le plan qui, en se combinant, donnent toutes les lettres. Le texte original était écrit par un seul mot de 304805 lettres, sans séparation et bien sûr sans les signes de cantillation (les lettres en hébreu sont des consonnes) qui donneront 79848 mots !
La Bible est nommée par les hébreux : Mikra, Thora, Tanak (Thora, l’instruction ; Nebiim, les prophètes ; et Ketoubim, les écrits).
L’Ancien Testament a été mis en corpus par les docteurs de la Loi vers l’an 90 et se divise en trois ensembles : Loi, Prophètes et écrits. La Loi ou Thora regroupe les cinq livres du Pentateuque (terme grec signifiant les cinq étuis renfermant les rouleaux correspondants), à savoir : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome.
Une étude attentive du texte a conduit la plupart des exégètes à penser que la Genèse n’est pas l’œuvre d’un seul auteur. Selon ce consensus, la Genèse est une compilation de trois documents indépendants. Parmi les documents inclus dans la Genèse, celui qu’on appelle la source J a un style chaleureux, terre à terre, incisif et appelle Dieu Yahvé (Jéhovah). La source E décrit un Dieu légèrement plus lointain appelé Élohim. La source P est plus formelle et aborde des sujets sacerdotaux, tels que des généalogies et des dates spécifiques. Chacun de ces documents se base sur des traditions anciennes qui ont été soigneusement préservées. Pour Maïmonide, le message de la Genèse consiste en lois universelles de la physique dont l’étude conduit, comme Abraham, au Dieu unique : <academia.edu/36128120>.
Le Pentateuque comprend 400945 lettres, chiffre donné par certains docteurs juifs (les Massorètes), 1820 fois le tétragramme (יהוה) alors qu’Adolph Grad en dénombre 391300, soit 15050 fois le susdit Nom.
Les Prophètes regroupent les prophètes antérieurs (Josué, Juges, Samuel et les Rois) et les postérieurs (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et les douze petits prophètes, ainsi appelés parce que leurs livres sont courts). Les écrits regroupent les Psaumes, poèmes chantés, louanges, prières et instructions, et des textes incorporés tardivement comme le Livre de Job, le Cantique des Cantiques et les Chroniques (les Paralipomènes, considérés comme un supplément aux Livres des Rois).
La Mishnah juive est un commentaire halakhique (légal) à caractère normatif, visant les modalités de la mise en pratique des 613 mitzwot (« recommandations ») qui sont éparses dans la Torah et qui forgent l’éthique, le comportement et la vie quotidienne des Juifs observants. Les commentaires et discussions des prescriptions de la Mishnah, forment la Guémarah (qui a pris, historiquement deux colorations : l’une, courte dite de Jérusalem (mediterranee-antique.fr/Fichiers_PdF/PQRS/Schwab/Talmud_01.pdf), l’autre bien plus longue, dite de Babylone).
L’ensemble de la Mishnah et d’une Guémarah forment un Talmud
En se défaisant de ses liens avec le judaïsme, l’église romaine s’éloigne de la Septante qu’elle nomme Ancien Testament et entreprend de rédiger une œuvre nouvelle, le Nouveau Testament.
Le Nouveau Testament comprend les quatre évangiles (le mot évangile n’apparaît qu’au XVIe siècle), les Actes des apôtres, les épîtres catholiques, les épîtres de Paul et l’Apocalypse. Malgré leur attribution, les évangiles sont des textes anonymes. Celui de Marc fut écrit entre 65 et 70, les textes de Luc et de Mathieu entre 80 et 85, celui de Jean entre 90 et 95. Chouraqui écrit : «le génie de Jean consiste justement à employer le grec pour exprimer le mystère d’une vision hébraïque. Il y réussit en créant une langue nouvelle, sorte d’hébreu-grec où le ciel hébraïque se reflète dans un miroir hellénique.»
Ces évangiles furent rédigés sur des codex, objet rectangulaire avec des pages séparées, composés de plusieurs cahiers reliés ensemble. En cela, le format du Nouveau Testament se distingue de celui des textes religieux précédents juifs qui se présentent encore sous forme de rouleaux. La plus ancienne Bible latine connue est le Codex Amiatinus datée de la fin du VIIe siècle.
- Les apocryphes: comme leur nom l’indique, sont des livres qu’on a mis de côté pour les cacher (απόκρυψη). Le terme à l’origine ne se rapporte pas à l’authenticité d’un livre, il ne suggère pas que ce livre est de moindre valeur religieuse que les autres; bien au contraire l’idée est celle d’un trésor qu’on met à l’abri, le mot semble se référer à une littérature ésotérique (apocalyptique souvent) qui ne doit pas être accessible aux non-initiés: ainsi on connaît un Livre sacré secret de Moïse. Le terme finit toutefois par prendre chez Origène un sens péjoratif et désigne des livres d’importance secondaire et sujets à caution, qu’il oppose aux testamentaires.
- Les deutérocanoniques: c’est l’appellation catholique qui a été donnée tardivement (depuis Sixte de Sienne, au XVIe siècle) aux livres ou aux passages de livres qui ne figurent pas dans le canon hébreu; ces livres font partie de la Bible catholique depuis le concile de Trente.
- Les pseudépigraphes: ces livres sont peut-être à distinguer des apocryphes surtout par leurs dates de composition et par leur souci eschatologique qui vient se substituer à l’inspiration prophétique qui a cessé après la disparition des derniers prophètes, Aggée, Zacharie et Malachie. Ces écrits apparaissent en effet à la fin de l’époque hellénistique et se multiplient à l’époque romaine.
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Comme l’Ancien Testament, le Popol-Vuh, le texte sacré des anciens Mayas-Quichés, parle d’un Paradis Perdu et de la Connaissance dont l’humanité fut exclue. Il fait aussi, comme la Torah, un récit très précis d’une grande catastrophe, analogue au Déluge, et qui serait survenue sur Terre à l’époque des anciens Mayas. Enfin, comme le Livre des Morts et les Textes des Pyramides de l’Egypte antique, il explique la réincarnation des morts en étoiles.
La Bible n’a aucune valeur religieuse ou dogmatique en Franc-maçonnerie; sa présence s’explique par le fait que les fondateurs de celle-ci (XVIe-XVIIIe siècle) construisaient toute leur vie morale sur la base de ce Texte et, surtout, expliquaient le monde et son histoire à travers l’écriture sainte, souvent prise au premier degré et sans recul par rapport aux sciences. Nulle part, les anciens procès-verbaux de la Grande Loge d’Édimbourg remontant à 1598, ni ceux de la loge Saint Mary’s Chapel en 1599, ni ceux de la mère Loge de Kilwining n° 0 (1642), n’indiquent qu’il y ait eu une Bible dans le matériel de la Loge. Les Old Charges britanniques terminent leur exposé par la mention du serment que devaient prêter les nouveaux reçus «by the Content of this Book» (Sloane Ms N° 3848 de 1646). Pourtant, la première référence indubitable sur la présence de là Bible figure en 1534, sur le Manuscrit Colne n° 1. La bible n’était utilisée (ouverte ou fermée ?) que pour les serments avant que la Grande Loge dite des «Antients», anglo-irlandaise, ne l’expose, vers 1760, ouverte sous l’équerre et le compas, lors de toutes les tenues (Three Distinct Knocks, 1760).
Dans un pays catholique comme la France, où la bible était réservée aux clercs et à la vie liturgique, les rapports de la police parisienne précisent que «Le Saint évangile de Jésus-Christ selon Saint-Jean» était exposé en loge (perquisition du 7 juin 1745, rapportée par Pierre Chevallier dans La première profanation du temple maçonnique ou Louis XV et la fraternité 1737-1755 p. 89). Lors de la révision des rituels par la chambre des grades du GODF, en 1784-1785, la bible disparut et fut remplacée par le livre des Constitutions (l’évangile de Jean restera présent au RER, suivant en cela l’exemple allemand). C’est l’édition de 1612 de la version autorisée de la Sainte Bible King James qui doit reposer ouverte sur l’autel dans les loges nord-américaines.
La Bible apparaît souvent comme la «mémoire de l’Ordre», et l’écrasante majorité des rituels modernes et des personnages y font référence ; au degré d’apprenti, par exemple, avec le roi Salomon, le Temple de Jérusalem, le nom des colonnes, Jean et son évangile…
Dans les loges traditionnelles ou spiritualistes, la Bible, Volume de la Loi sacrée (ou de la Sainte Loi), présente sur l’autel ou sur le plateau du Vénérable avec l’équerre et le compas, forment ce qu’on appelle souvent les trois grandes lumières de la Franc-maçonnerie.
Même si la coutume s’est perdue dans la plupart des ateliers de la GLNF, il est toujours d’usage, dans les Loges américaines, d’offrir une Bible dédicacée par tous les Frères présents aux candidats nouvellement élevés au grade de Maître Maçon.
Mais le «biblisme» n’est pas seul en cause. Au XVIIIe siècle, il interfère avec la Kabbale que l’on connaissait assez bien depuis la Renaissance, l’alchimie la plus traditionnelle, une tradition d’ésotérisme chrétien qui pouvait remonter au Moyen âge, les légendes chevaleresques imaginées par Andrew de Ramsay et templières introduites par Hund, la théosophie de Martinès de Pasquallis et de Claude Louis de Saint-Martin. Pour une approche plus détaillée, lire le texte La Bible et les francs-maçons de Daniel Ligou : <evangile-et-liberte.net/elements/numeros/160/cahier.html> et <evangile-et-liberte.net/elements/numeros/164/cahier.html#3>.
Pour consulter la Bible hébreu/français: <mechon-mamre.org/f/ft/ft0.htm>.
Et pour comprendre les milieux bibliques, visionner les conférences et cours au Collège de France par Thoma Römer : <college-de-france.fr/site/thomas-romer/_course.htm>.
La Bible dite «maçonnique», éditée par Jean Vitiano, qui sera expédiée en 1957 à toutes les loges, était dotée d’une Introduction au Volume de la Loi sacrée de sept pages expliquant et justifiant l’utilisation de la Bible pour le travail maçonnique : «La Bible est, en effet, un grand livre, aussi grand que le monde, contenant entre ses feuillets tout ce qui est propre à symboliser le fini et l’infini, le contingent et le permanent, la matérialité la plus profonde comme la plus haute spiritualité et pour s’exprimer simplement, toute la terre en même temps que tout le ciel.»
La Bible des alchimistes est la Table d’émeraude.