par Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix
Par définition, la raison est la faculté qui permet à tout être humain de réfléchir, d’analyser, de se faire des opinions, de distinguer le vrai du faux, etc. D’une manière générale, c’est cette faculté qui nous permet de penser d’une manière cohérente, de communiquer sciemment avec autrui, et d’agir en connaissance de cause.
Tout individu qui en est privé suite à des désordres mentaux devient incapable de mener une vie autonome et responsable. Tel est malheureusement le cas des personnes dont on dit qu’elles « ont perdu la raison » ; on les place généralement dans des structures d’accueil adaptées à leur état, afin de les empêcher de se nuire à elles-mêmes comme à autrui.
Raison et raisonnement
La raison est indissociable d’une autre faculté qu’elle utilise pour s’exprimer sur le plan objectif : le raisonnement. Mais comme cela est expliqué dans les enseignements de l’A.M.O.R.C., celui-ci opère à travers trois processus complémentaires : déductif, inductif et syllogistique. Que nous en ayons conscience ou non, nous utilisons chaque jour ces trois formes de raisonnement pour interpréter ce que nous voyons, entendons, touchons, etc., pour résoudre les problèmes qui se posent à nous dans la vie quotidienne, pour comprendre les informations multiples qui nous parviennent continuellement, pour anticiper l’avenir ou imaginer ce qu’il pourrait être… Raisonner est donc le propre de la raison et constitue sa fonction première.
Précédemment, j’ai précisé que l’on pouvait être privé de la raison suite à des désordres mentaux. Cela étant, des personnes « saines de corps et d’esprit » sont susceptibles également de la perdre momentanément. Ce peut être sous l’effet de l’alcool, de la drogue, de médicaments, d’un stress excessif, d’un choc émotionnel intense… Ce peut être aussi sous l’effet d’une manipulation mentale. Tel est le cas de certains adeptes de sectes avérées, qui donnent alors le sentiment de ne plus penser par eux-mêmes et d’avoir perdu tout esprit critique. Dans une moindre mesure, il en est ainsi également des membres les plus dogmatiques de certains partis politiques, qui semblent eux aussi endoctrinés et incapables de prendre du recul sur le plan idéologique.
Le bon sens
Nombre de philosophes ont exalté la raison et en ont fait la faculté la plus fiable et la plus utile. Certes, son usage est indispensable pour mener une vie équilibrée, constructive et responsable, mais encore faut-il qu’elle soit raisonnable et pas trop raisonnante. En effet, ne jurer que par elle, comme ont tendance à le faire les rationalistes “purs et durs”, ne me semble pas être une bonne chose. Ainsi que le prouve l’expérience, nos différentes formes de raisonnement sont faillibles et nous induisent souvent en erreur. Il arrive même aux plus grands penseurs et aux plus grands scientifiques de se tromper dans leurs domaines respectifs. J’ajouterai que si la raison était la panacée pour être toujours dans la vérité, il n’y aurait pas autant d’avis contradictoires sur autant de sujets. Combien de personnes ayant affirmé qu’elles avaient raison à propos de tel point avaient pourtant tort ?
Pour que la raison soit à la fois un bon guide et un bon protecteur, elle doit s’appuyer sur un bon raisonnement, un bon esprit critique et ce que l’on appelle communément le « bon sens ». Il faut aussi qu’elle intègre deux vertus essentielles : l’humilité et la tolérance. Cela suppose d’avoir toujours conscience que nous sommes imparfaits, que nous ne détenons pas la vérité, et que nous sommes sujets à l’erreur. C’est en ayant cela à l’esprit que nous devons en faire usage au quotidien. De surcroît, l’idéal, me semble-t-il, est de la mettre au service de nobles idéaux, ce qui fit dire à Francis Bacon, éminent Rose-Croix du XVIe siècle : « Peu utilisent le don divin de la raison dans l’intérêt de l’humanité. »
par Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix