sam 11 octobre 2025 - 23:10

Motus ou cartes sur table

Dans toutes les bandes humaines — qu’elles fassent du son, de la bouffe, du spirituel ou de l’associatif — y’a toujours ce tirage entre ce qu’on cause et ce qu’on garde sous le coude. La musique, tu vois, c’est l’exemple parfait : trop d’bruit et tout s’casse la goule ; trop d’mutisme et y’a plus d’air dans l’biniou.

Pareil pour les groupes : faut jongler finement entre la clarté (qui montre, éclaire et fait confiance) et le silence (qui protège, rassemble et évite les embrouilles). Depuis les moines jusqu’aux musiciens, en passant par les frangins des loges, on l’a pigé : la longévité d’une bande, c’est une question d’équilibre entre parler juste et se taire à temps.

Le silence, c’est pas rien. C’est le vrai bruit de l’écoute. Dans une bande soudée, c’est là qu’le lien s’fait, peinard. C’est l’instant où chacun range son ego et tend l’oreille à l’autre.

« Le silence, c’est l’endroit où la musique prend forme. »— Debussy, un mec qui savait se taire pour mieux causer.

Le silence, c’est pas du vide, c’est d’la matière fraternelle :

  • silence pour écouter sans couper la parole,
  • silence pour pas juger,
  • silence avant d’ouvrir sa boîte à camembert.

Les moines, les zicos, les Francs-maçons — tous ont capté l’truc : une bande bien réglée, c’est comme un orchestre. Chacun sait quand fermer sa boîte à paroles pour laisser la respiration commune faire sa musique.

Mais attention : trop de silence, et ça sent l’secret qui pue. Une communauté, ça vit aussi de clarté — faut que la lumière passe, sinon ça moisit.

La transparence, c’est pas raconter sa vie ni faire la confession sur la place publique. C’est juste montrer ce qui concerne tout l’monde : les décisions, les intentions, les valeurs.

« La lumière, c’est bien, mais faut pas qu’ça crame tout. » — Hannah Arendt, une nana qui savait causer juste.

De nos jours, y’a quand même un blème, tu vois : y’en a qui voudraient s’servir du silence pour boucler le clapet à ceux qu’aimeraient jouer franc jeu, histoire d’montrer qu’on n’a rien à planquer et qu’on bosse réglo !

Ces gu-guss tu vois, faut qu’y fassent attention ! A ce jeu là, la chambrée, elle risque de tourner au vinaigre ! Tu vois ce que je veux dire !

Dans un orchestre, c’est le geste clair du chef ; dans une asso, c’est la parole qui circule, les comptes nickel, la confiance qui tient la route. Mais si on veut tout montrer, tout contrôler, tout commenter, on finit par étouffer la respiration du groupe.

L’histoire, c’est une valse entre le secret utile et la transparence à outrance.

  • Les vieilles sociétés initiatiques — de Pythagore aux frères en tablier —, elles gardaient leurs affaires entre elles : le secret, c’était leur coffre à trésor. Pas du mutisme, mais du silence qui protège.
  • Les modernes, eux, ont voulu tout mettre en vitrine : la vérité, la lumière, la République.
    Ça a libéré des dogmes, ouais, mais parfois ça a foutu tout le monde à poil.

Aujourd’hui, avec Internet et compagnie, on cause plus qu’on n’écoute, et plus on parle, moins on s’comprend.

Comme dit Byung-Chul Han :

« Trop d’transparence tue la confiance. Ce qu’on matte tout l’temps, on finit par plus l’aimer. »


Un orchestre, c’est une école de fraternité. Le soliste brille un instant, mais sans les autres, y’a plus d’musique.
Le chœur, c’est pareil : des voix différentes, mais un même souffle.

« La musique, c’est c’qu’il y a entre les notes. » — Debussy encore, un vrai sage à l’ancienne.

La transparence, ça rend l’ensemble juste. Le silence, ça garde l’âme du truc.
Si t’en vires un des deux, t’as soit le bazar, soit le trou noir. C’est pas différent pour la vie d’une asso, d’une loge ou d’un orchestre de potes : faut savoir parler clair sans faire d’esbroufe, et se taire sans faire le mystère.

Une vraie fraternité, c’est pas un chœur de clones ni un forum sans fin : c’est un endroit où la parole circule avec pudeur et où la lumière n’éblouit pas.

Inventer une « musique du lien », comme disait Ricœur, c’est mêler le devoir d’être clair et le droit de garder son jardin secret. C’est s’accorder sur la même tonalité sans jouer tous la même note.

Faut pas confondre « jouer ensemble » et « jouer pareil ».

Le silence et la transparence, c’est comme la basse et la mélodie : l’un soutient, l’autre éclaire. Trouver la bonne mesure, c’est faire vibrer le groupe sans le casser.

Être fraternel, c’est savoir quand ouvrir sa boîte à paroles, quand tendre l’oreille, et quand laisser le silence causer tout seul. Parce qu’au fond, la musique de la fraternité, elle s’joue pas dans le vacarme des grandes gueules ni dans le secret des planqués, mais dans le va-et-vient vivant entre la lumière et le retrait.

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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