lun 15 septembre 2025 - 09:09

Si même les Francs-maçons s’en foutent…

(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)

Capharnaüm, cette antonomase par laquelle on a coutume de désigner des foutoirs de toutes sortes, faisait d’abord référence à une ville située au bord du lac de Tibériade qui vivait dans un gigantesque bric-à-brac. C’est aussi dans cette cité portuaire que Jésus fut assailli par une foule hétéroclite de malades s’en remettant à sa réputation de guérisseur[1]. Tout parallèle avec un personnage contemporain ayant voulu récupérer un événement récent[2] – sans que s’y accomplisse le miracle qu’il en attendait – serait une pure conjecture…

Georges Pompidou

Il semble qu’on ne prête plus toute l’attention nécessaire à la situation nationale, depuis que Georges Pompidou s’était exclamé : «  La France va mal ! », formule reprise à l’antienne par tous les camps politiques, d’année en année, jusqu’aujourd’hui, sans que personne n’en traite les causes, dans le délitement progressif du commun de la République.

Il n’empêche que la grave crise que nous traversons requiert notre engagement – engagements multiples pour nous tous mais points d’ancrage partagés. Il faut dire qu’à une époque où les partis ne sont plus des animateurs de la vie collective, mais de simples machines à désigner des candidats, nos concitoyens ne misent plus guère sur les échéances électorales.

À côté du fonctionnement classique des institutions et largement en complément, il nous appartient donc à tous de retisser les liens, de refaire le maillage des relations et des activités ordinaires par des initiatives diverses, travail de fourmi visant à réduire cette distance que la majorité du peuple éprouve d’avec les élites et à façonner ensemble de la cohésion sociale.

Au fond, ne peut-on espérer qu’à l’instar des pratiques qui font battre le pouls des loges, la France invisible puisse forger dans la nation un respect, une écoute et un dialogue dignes de notre devise républicaine et ce, incidemment, grâce à cette frange invisible que forment nos Frères et nos Sœurs, dans la société ?

Il y a, en effet, urgence à trouver des expressions communes, à l’écart des « passions tristes », vocable sous lequel Spinoza rangeait la haine, la vengeance, le ressentiment, l’envie et la peur, tout ce  dont les populistes de tout bord font leur régal, creusant des divisions mortifères dans la communauté nationale, la seule que reconnaisse la République. Le pays ne peut durablement se renforcer sans valeurs de partage, sans faire fi des idéologies clivantes et réductrices.

C’est évidemment une affaire personnelle et non un programme déployé par des Obédiences qui ne peuvent, sans quelque paradoxe démocratique, se faire, autrement que de façon générale, les porte-drapeau de « ces vertus à ciel ouvert », alors que, par principe,  elles s’appliquent à les revendiquer en cercles fermés. C’est la seule chose qu’elles puissent légitimement dire ; mais, réduits à des rappels de principes, ces communiqués ou ces déclarations publiques ne ressemblent-t-ils pas à des incantations verbales et, partant, à des vœux pieux ? Bien entendu, les actions qui en dérivent pour chacun d’entre nous s’appuient primitivement sur ces « passions joyeuses »  du même philosophe hollandais, que sont la bienveillance, la compassion, le respect et la sympathie.

C’est ainsi, mes Frères et mes Sœurs, que nous devons nous mobiliser individuellement sur tous les fronts, sauf à dire : si même les francs-maçons s’en foutent…


[1] Évangiles de Marc 1:21–28 et de Luc 4:31–37.

[2] « Bloquons tout ! », le 10 septembre 2025, mouvement de protestation «  protéiforme et hétéroclite » s’étant manifesté en 200 points du territoire.

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Christian Roblin
Christian Roblin
Christian Roblin est le directeur d'édition et l'éditorialiste de 450.fm. Il a exercé, pendant trente ans, des fonctions de direction générale dans le secteur culturel (édition, presse, galerie d’art). Après avoir bénévolement dirigé la rédaction du Journal de la Grande Loge de France pendant, au total, une quinzaine d'années, il est aujourd'hui président du Collège maçonnique, association culturelle regroupant les Académies maçonniques et l’Université maçonnique. Son activité au sein de 450.fm est strictement personnelle et indépendante de ses autres engagements.

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