jeu 11 septembre 2025 - 22:09

L’arbre de la vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal

Ce sujet renvoie à la Genèse, donc à l’Ancien Testament, c’est-à-dire aux racines communes à toutes les religions du Livre (chrétienne, juive, musulmane). On pourrait l’aborder d’une manière «philosophique » et laisser courir sa plume au risque de dire tout et n’importe quoi, tellement le sujet est vaste et riche.

Je préfère vous proposer une « explication de texte », parce que ce texte est fondamental, parce qu’il est unique, parce qu’il a été l’objet de toutes les exégèses depuis plus de 2000 ans. Je n’oublierai pas, toutefois, de parler auparavant, de la lecture de la Bible qui a changée dans le temps. Jusqu’aux premières ébauches des découvertes scientifiques au 15ème et l6ème siècle, toutes les images étaient prises pour réalité.

Il a fallu attendre le 19ème siècle pour que l’Eglise catholique « confesse » qu’on était bien en pleine expression symbolique.

Que dit le Volume de la Loi Sacrée ?

« YAHVE planta alors un jardin à Eden vers l’0rient, et il y plaça l’Homme qu’il avait modelé. YAHVE fit donc pousser de l’humus, toutes sortes d’arbres agréables à voir et bons à manger, et l’Arbre de Vie au milieu du jardin, avec l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal » (Chap. 2, 9)

Il y a beaucoup d’arbres dans l’Eden, Paradis, jardin des délices, (étymologiquement parlant), que YAVHE vient de créer, mais seulement deux d’entre eux sont nommés.

Il faut bien comprendre que l’Arbre de Vie est – peut être – l’arbre de l’immortalité et que l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, représente le pouvoir divin de décider, et lui seul, ce qui est bien ou ce qui est mal.

« Tu peux, dit YAHVE, manger à ton gré de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras point de l’arbre du discernement du bien et du mal, car le jour où tu en mangerais, tu mourrais certainement » (Chap. 2, 16-17)

L’interdiction semble ne porter que sur l’Arbre de la Connaissance et non pas sur l’Arbre de Vie, que l’homme n’est, d’ailleurs, pas censé connaître, puisque l’immortalité est le privilège exclusif de Dieu.

Mais on peut aussi se demander s’il y a bien deux arbres ainsi que le laisse supposer la traduction (l’Arbre de Vie au milieu du jardin, l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal) ou un seul et même arbre, confondu.

Dans le chapitre 3, le serpent dit à la femme :

« Dieu vous a-t-il vraiment défendu de manger d’aucun arbre du jardin ? » (3,1)

La femme lui répond :

« Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n’en mangerez point, vous n’y toucherez point, de peur de mourir. » (3,2)

« Non, reprit le serpent, vous ne mourrez pas ; mais Dieu le sait bien, dés que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu’elles sont. Vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bien ou mal. »

Il y a bien, à ce stade de la lecture, une ambiguïté : l’Arbre de Vie et l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal pourraient être, en fait, un arbre unique.

La question peut se poser et nous y reviendrons un peu plus loin.

Poursuivons notre lecture. Chapitre 3, ligne 6, il est dit :

« La femme vit que le fruit de l’arbre était bien joli à regarder, qu’il devait être bon et qu’il donnait envie d’en manger pour acquérir un savoir plus étendu. »

Les notions de sensualité, de désir et d’ambition intellectuelle apparaissent ici.

La phrase suivante indique : « Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari qui, était avec elle, et il mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ; ils attachèrent ensemble des feuilles de figuier et s’en firent des sortes de pagnes. »

La femme et l’homme ont mangé du fruit défendu ce qui annonce leur expulsion du paradis.

– le serpent devient maudit « entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages. »

– quant à la femme, Dieu lui dit :

« Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras de tes fils. Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi. »

– et, à l’homme :

« …tu gagneras ton pain à la sueur de ton front jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu as été tiré ».

Il s’agit bien là d’une condamnation.

Une condamnation qui laisse entendre, que le destin de l’homme « avant » la faute, était d’être immortel.

Sur le plan philosophique, il y a prise de conscience par l’homme de son propre malheur, d’un malheur dont il est seul responsable : le mal !

Le péché originel est peut être cette double faute de vouloir tout connaître et être immortel.

Aspiration qui caractérise l’être humain.

Or, l’homme ne croit pas en sa propre mort, et c’est bien là tout son drame, (et ou… son charme). Comme l’a démontré le grand psychiatre Sigmund FREUD. « La chute » a été en quelque sorte pour l’homme une « libération ».

Il est devenu libre. Et la preuve en est, très certainement, dans le fait qu’Adam se met à parler à Dieu seulement après avoir mangé du fruit qui était au milieu du jardin. (3,10 à 13)

Avant, il était trop soumis, trop dépendant pour pouvoir s’adresser à lui.

C’est ce qui a fait dire à l’auteur Daniel BERESNIAK dans son ouvrage « Le mythe du péché originel » (Edition au Romer 1997) que « La transgression d’Adam est l’accident fondateur qui marque le passage à la conscience d’exister ».

Si l’on poursuit alors la lecture de la genèse il est dit un peu plus loin (3,21à 24) :

Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit. Puis Yahvé Dieu dit : « voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous (c’est-à-dire un dieu) pour connaître le bien et le mal. Maintenant prenons garde qu’il n’étende la main et ne prenne aussi du fruit de l’Arbre de Vie, qu’’il n’en mange et vive éternellement. »

Le seigneur Dieu l’expulsa du jardin d’Eden, pour qu’il cultivât la terre d’où il avait été tiré.

Après avoir chassé l’homme, il posta à l’orient du jardin d’Eden les chérubins armés d’un glaive à lame flamboyante pour garder le chemin de l’Arbre de Vie. La réponse à la question que nous nous posions plus haut se trouve là : il y a bien un Arbre de Vie et un Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, distincts l’un de l’autre.

Sur le plan spirituel, cela veut dire que l’objet principal de la doctrine du péché originel est de tendre vers la compréhension de ce mélange de bien et de mal qu’est la conscience individuelle. Ce qui doit finalement conduire à mettre l’accent sur le remède, (« préparé »), au péché originel par un Dieu qui a créé l’homme bon et veut aboutir à ses fins malgré les « déficiences » de sa créature.

C’est ce que Saint Jean révèle, en effet, plus loin dans l’Apocalypse (22,14) : « Heureux ceux qui lavent leurs robes ; ils pourront disposer de l’Arbre de Vie, et pénétrer dans la Cité (la Jérusalem Céleste) par les portes ».

L’Homme doit chercher à revenir à sa situation première dans la Jérusalem Céleste, lavé du péché originel, débarrassé de la glaise dont il est issu.

Nous devons, à la fin des temps, retrouver ce paradis perdu. Pour le chrétien, cela se fera avec un autre « arbre » : la Croix du Christ. Le Christ qui est venu pour « rattraper » cet Arbre de Vie dont les bienfaits ont été perdus par l’homme. Chassé du jardin d’Eden, l’homme attend son sauveur et « l’Arbre – croix », planté au sommet du Golgotha devient pour les chrétiens la médiation entre l’humain (la terre) et le divin (le ciel).

Il y a une transmutation à travers l’être, à travers le pilier, à travers l’Arbre.

Ce symbole de vie, cet axe vertical, montre la perpétuelle évolution de l’homme, son éternelle ascension vers le ciel. C’est pourquoi, il est de tous les symboles, peut être le plus sacré, le plus fréquent dans l’existence humaine, celui autour duquel tournent presque tous les mythes.

Ainsi l’arbre séphirotique, tout naturellement comparé par les kabbalistes à l’Arbre de vie, aide-t-il à élucider les mystères qui conduisent du monde de la transcendance au monde terrestre. Dans la tradition islamique les racines de l’arbre dit « du bonheur », s’élèvent vers le dernier ciel et ses rameaux enveloppent la terre.

Pour Platon, l’homme est une plante renversée, dont les racines s’élèvent vers le ciel et les branches descendent vers la terre. Pour le Franc-maçon, l’acacia est aussi le symbole de la vie ; d’une vie active et féconde. Symbole de l’éternel espoir, de la résurrection, de l’immortalité.

La connaissance du Bien et du Mal que Dieu se réserve n’est pas le discernement moral, mais la faculté de décider soi-même ce qui est bien et ce qui est mal. En l’usurpant, et en portant atteinte à la souveraineté divine, l’homme a renié son état de créature de Dieu. Par sa désobéissance il a perdu les bienfaits de l’Arbre de vie, symbole de l’immortalité qui lui avait été donnée, au commencement, par la grâce divine.

C’est cette première transgression de l’homme qui a entraîné toutes les autres et donc cette nécessité pour lui de devenir habile et intelligent pour croître dans un univers qui n’est plus un paradis. (Et même de moins en moins, si l’on veut en croire les écologistes, précisément à cause de l’homme qui contribue et continue, selon eux, à le détruire par sa recherche effrénée de technicité).

Au terme de la lecture du passage de la Genèse qui nous intéresse, on peut se poser une autre question :

« Puisque c’est l’Arbre de la Connaissance qui est susceptible de donner la Mort ; qu’y a-t-il dans l’Arbre de Vie ? »

Peut-être l’antidote ?

Manger de son fruit redonnerait-il l’Eternité à celui qui la perdue ?

C’est ce que recherche l’initié, par sa recherche constante de la Parole Perdue, Parole de Vie, Parole de la Sagesse suprême, préexistante au monde, Parole par laquelle tout fut conçu et créé, envoyée sur la terre pour y révéler les secrets de la Volonté Divine, Parole de Reconstruction d’une Harmonie perdue où n’existe ni mal ni bien.

En remontant l’Arbre de Vie, Chemin de la Connaissance, l’initié emprunte alors une véritable « échelle de lumière » qui conduit vers cet Univers d’Esprit.

4 Commentaires

  1. Textuellement, sans projeter les lectures « morales « provenant des oppressions religieuses, le récit est très éloquent :
    L’Elohim ment : l’homme ne meurt pas de la consommation du fruit . Le « serpent «  a dit vrai. Il devient « comme les dieux «  pour la connaissance .
    Nous sommes donc dans un récit similaire à Prométhée.
    Pourquoi les théologies ont transformé cette bonne nouvelle en une sorte de malediction (peché originel) ? La réponse évidente est que ce serait un éloge de la transgression, ce qui va à l’encontre des volontés d’oppression, soumission par des pouvoirs .
    Pour nous maçons, (free) qui sommes censés faire des progrès, nous devons, je crois nous détacher de ce contresens du discours convenu d’un « péché » qu’il faudrait confesser et se faire pardonner.

  2. Pourquoi n’utilise t on jamais la Bible de Chouraqui bien plus près du texte original, plus « neutre », et laissant plus de place à l’interprétation (l’aspect religere de la Tora orale) . l
    Les traductions en grec ou en latin sont plus littéraires plus édulcorées, même si le sens général n’est pas trop altéré…

  3. Tout çela nous aurait été épargné si Adam et Ève avait été asiatique.
    Au lieu de l’écouter, ils auraient mangé le serpent avec une sauce aigre-douce !
    🤓🤓🤓

  4. Il est dit : La Thora est un arbre de vie. Le Livre est ainsi la limite de la lumière originelle mais en même temps sa révélation. Il est la finitude de l’Infini.
    L’ensemble des séphiroth, le glyphe, est aussi appelé l’arbre de vie. C’est le monde de l’âme. Les principes premiers (les séphiroth), c’est la manifestation de l’immanence de la divinité dans le monde, pas de son essence qui reste inconnue.
    Ces deux arbres représentent deux sphères différentes du domaine divin : l’arbre de vie fut très longtemps identifié à la Thora écrite, l’autre arbre, celui de la connaissance du bien et du mal, à la Thora orale. Ainsi, il serait une organisation mystique de la Thora qui permet de la considérer comme vivante, puisque comparée à des arbres. La Thora écrite, comme l’entend l’usage ésotérique de la langue, dans les sources talmudiques, n’est que le texte du Pentateuque. La Thora orale, elle, désigne tout le reste, ce qui est présenté par les spécialistes de l’Écriture et les sages : c’est la tradition explicative. La Thora orale représente, en somme, la tradition du peuple israélite ; elle est le complément et la concrétisation nécessaire de la Thora écrite. La Thora écrite est comprise comme un symbole de la partie dispensatrice de la Divinité et la Thora orale est considérée comme un symbole de la partie réceptive. La totalité de la révélation n’est donnée que dans la totalité de l’unité Thora écrite/Thora orale.
    Ainsi l’arbre de la connaissance du bien et du mal identifie la Thora dans son existence historique, dans sa relation avec les choix faits par l’humanité de manger ou de ne pas manger, de faire ou de ne pas faire. C’est pourquoi l’arbre de la connaissance représente aussi l’arbre des restrictions, des défenses, des limitations ; tandis que l’arbre de vie est l’arbre de liberté dans lequel la dualité du bonheur et du malheur, du bien et du mal, n’était pas encore visible, mais dans lequel tout était tourné vers l’unité de la vie divine, qui n’était encore atteinte par aucune restriction, ni par la puissance de la mort ni par tous les autres aspects de la vie qui apparurent seulement après la consommation de cet arbre, consommation considérée comme le péché originel !
    On retrouve cette idée d’unité brisée et le dualisme de ces deux arbres avec les deux groupes de Tables de la Loi données à Moïse sur le mont Sinaï. D’après une vieille idée talmudique, le poison du serpent, qui avait contaminé l’humanité à partir d’Ève, avait perdu ses pouvoirs avec la révélation du Sinaï. Les cabalistes écrivent que les premières Tables, qui avaient été données avant le pêché du veau d’or n’ont été lues que par Moïse et provenaient de l’arbre de Vie. Les secondes Tables qui furent données après que les premières furent brisées, provenaient, elles, de l’arbre de la connaissance.
    Ainsi les premières Tables, contenant une révélation de la Thora, correspondraient à l’état originel des hommes, lorsqu’ils se laissaient guider par le principe de l’unité incorporé dans l’arbre de vie. Cette Thora eut été plus spirituelle, transmise pour un monde dans lequel révélation et rédemption coïncideraient, dans lequel le pouvoir de la mort n’avait pas besoin d’être maîtrisé par des défenses et des restrictions. Le Mystère eut été intégralement révélé. Le feu blanc serait devenu visible.
    Mais on connaît la colère terrifiante du bègue, Moïse le bélier, devant l’idolâtrie du veau d’or ! On casse, on brûle, on tue (Ex 33.28) Les Benéï Lévi font selon la parole de Moïse, Il tombe du peuple, en ce jour, 3000 hommes environ. Puis, on regrette, on se repent malgré la nuque dure ; alors on recommence, on s’éloigne, on s’isole et on remonte, car il s’agit de s’élever et on retranscrit (Ex 34.28) Et il est là avec Adonaï, 40 jours et 40 nuits. Il écrit sur les Tables les paroles du pacte, dix paroles sur les nouvelles tables. La Thora paraît dans son vêtement historique. Certes, elle a encore des niveaux cachés de mystère infini, mais la lumière n’est visible qu’à travers le bien, alors que le mal doit être combattu et limité par les commandements, par des interdictions que l’on pense être des contrepoids au mal. La Thora est alors la coquille dure, inévitable dans un monde où règnent les forces du mal. Mais, dans l’accomplissement, l’homme est capable de briser cette coquille extérieure et de pénétrer jusqu’au noyau, jusqu’à l’arbre de liberté.

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Christian Belloc
Christian Bellochttps://scdoccitanie.org
Né en 1948 à Toulouse, il étudie au Lycée Pierre de Fermat, sert dans l’armée en 1968, puis dirige un salon de coiffure et préside le syndicat coiffure 31. Créateur de revues comme Le Tondu et Le Citoyen, il s’engage dans des associations et la CCI de Toulouse, notamment pour le métro. Initié à la Grande Loge de France en 1989, il fonde plusieurs loges et devient Grand Maître du Suprême Conseil en Occitanie. En 2024, il crée l’Institution Maçonnique Universelle, regroupant 260 obédiences, dont il est président mondial. Il est aussi rédacteur en chef des Cahiers de Recherche Maçonnique.

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