mar 23 décembre 2025 - 15:12

Au-delà de la nuit la plus longue : Jean et l’énigme de la conscience

De notre confrère expartibus.it – Par Rosmunda Cristiano

Un solstice qui ne se résume pas à la lumière. Dans la tradition maçonnique, le solstice d’hiver est souvent présenté comme le moment où la lumière recommence à progresser, image du retour de la connaissance face à l’ignorance. Pourtant, avant que la lumière ne reprenne son cours, il y a un moment presque immobile, un seuil ténu : c’est là que se produit quelque chose de plus radical, non pas à la nature, mais à la conscience du franc-maçon.

Si nous détournons notre regard de la roue de l’année pour nous tourner vers l’expérience intérieure, le solstice n’est pas seulement la « renaissance de la lumière », mais aussi le moment où l’initié est forcé de se demander pourquoi il avait besoin de l’obscurité pour percevoir la lumière elle-même.

Saint Jean l’Évangeliste

Ce renversement nous éloigne des rhétoriques saisonnières et ouvre la voie à une figure de saint Jean l’Évangéliste, non pas de dévotion, mais de conscience lucide du mystère.

Le solstice, énigme intérieure. Les traditions anciennes voyaient dans le solstice d’hiver un passage, une porte par laquelle les dieux ou les âmes entraient et sortaient du monde des humains, reliant le temps et l’éternité. Pensons aux druides, qui veillaient à la lueur des feux de joie sous le gui, ou aux Égyptiens, qui alignaient des temples comme Karnak sur les faibles rayons du soleil le 21 décembre.

La franc-maçonnerie a hérité de ce symbolisme, transformant la célébration du solstice en un langage initiatique qui parle de la mort de l’homme profane et de la naissance d’un être capable de lire les cycles de la vie comme un miroir de lui-même. De ce point de vue, la « nuit la plus longue » n’est pas l’ennemie, mais le laboratoire où se forge la conscience : sans obscurité maximale, la moindre étincelle resterait invisible.

La véritable énigme du solstice n’est donc pas « quand la lumière reviendra-t-elle ? » mais « pourquoi dois-je la perdre pour la sentir mienne ? » Dans le calendrier maçonnique, saint Jean l’Évangéliste est associé au 27 décembre, proche du solstice, comme l’un des deux grands « Jean » qui président aux portes du solstice.

Si le Baptiste, avec son baptême dans le Jourdain au solstice d’été, symbolise la séparation entre le pur et l’impur, le point culminant du jour et la pleine exposition au soleil, l’Évangéliste habite la marge hivernale, où la lumière n’est pas exaltée, mais définie par opposition aux ténèbres.

Il devient ainsi le protecteur d’une lumière réfléchie, non triomphante : non pas l’éclat du midi, mais la lame subtile qui fend les ténèbres et oblige le disciple à s’interroger sur le sens du Logos qui « était au commencement ».

L’évangéliste, à travers sa réflexion sur le lien entre Dieu, la Parole et la Lumière

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

Elle offre au franc-maçon un paradigme : il ne suffit pas de recevoir la lumière en loge, il faut la transformer en critère d’interprétation du monde, de la douleur, du mal, de sa propre ombre. La célébration du solstice n’est donc pas tant un rite saisonnier qu’un examen de conscience : que faire de la lumière que j’affirme avoir reçue ?

Dans ce renversement, le franc-maçon ne contemple plus un soleil extérieur renaissant, mais se demande si sa capacité à discerner, à juger et à agir fraternellement s’est accrue au moins autant que quelques minutes supplémentaires de clarté dans son regard.

Imaginez le franc-maçon, seul avec ses outils symboliques, passant en revue l’année écoulée : a-t-il utilisé le compas pour circonscrire ses passions ou a-t-il laissé son ego s’épanouir ?

A-t-il aplani les aspérités du profane par l’équerre de la droiture ou a-t-il laissé les ombres des préjugés obscurcir son œuvre ?

Nombre de discussions sur le solstice d’hiver s’arrêtent à la célébration allégorique d’un générique « retour de la lumière », répétant souvent des formules éculées pour ceux qui fréquentent les loges depuis des années.

Pourtant, la présence de saint Jean l’Évangéliste au cœur de l’hiver suggère une lecture plus dérangeante : non pas la lumière rassurante, mais celle qui interroge, qui exige une cohérence entre la parole prononcée au Temple et le geste accompli dans le monde profane.

L’innovation réside peut-être non pas dans l’ajout de nouveaux symboles, mais dans la prise au sérieux de ceux qui existent déjà, comme si le solstice était un examen non pas du futur, mais du passé : qu’avez-vous fait, durant l’année qui s’achève, de la portion de lumière que vous teniez entre vos mains ?

Cette perspective nous ramène aux racines alchimiques de la franc-maçonnerie, où Nigredo, la phase de dissolution dans les ténèbres, précède Albedo, la purification de la lumière. Le solstice maçonnique devient ainsi une invitation à descendre dans son abîme intérieur, à affronter l’ombre jungienne que chaque initié porte en lui.

Saint Jean, avec son Évangile qui commence dans les ténèbres primordiales, nous rappelle que la véritable initiation n’est pas une ascension immédiate, mais une descente consciente : seuls ceux qui ont touché les profondeurs de la nuit peuvent revendiquer la lumière comme leur propre part, et non comme un don d’un autre.

À une époque où les lumières artificielles effacent les vraies nuits, le solstice nous invite à mettre de côté les distractions et à écouter le silence cosmique.

Pour le franc-maçon, cela signifie un retour à l’introspection : sa lumière a-t-elle éclairé le chemin d’un frère dans le besoin ? A-t-il transformé l’ignorance d’autrui en savoir partagé, ou l’a-t-il simplement jalousement gardée ?

La célébration du 27 décembre, avec ses bougies vacillantes dans les ateliers, ne célèbre pas un mythe abstrait, mais une évaluation vivante : la lumière a-t-elle grandi en vous autant que le soleil dans le ciel ?

Ici, le Logos devient geste : non pas une parole abstraite, mais un choix concret. C’est dans la manière dont vous écoutez ceux qui vous contredisent, dans le temps que vous consacrez aux fatigués, dans le silence que vous offrez au lieu d’un jugement hâtif, que la lumière cesse d’être une métaphore et prend chair.

La véritable « renaissance » ne se produit donc pas à l’extérieur, dans le ciel changeant, mais à l’intérieur du franc-maçon qui accepte de relire sa propre histoire sur la base d’un principe qui non seulement décrit, mais juge et transforme.

En ce sens, chaque solstice d’hiver pose tacitement la question suivante :

quelle part de ce que vous appeliez « lumière » est encore visible aujourd’hui dans votre façon d’être au monde ?

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