mar 16 décembre 2025 - 13:12

L’amoureux (VI) Le vertige du Compagnon à la croisée des chemins

Du Bateleur au Pape

Bienvenue à vous, voyageurs des arcanes pour ce sixième numéro. Pour les nouveaux venus, rappelons la règle de notre jeu : ici, vous n’êtes pas spectateur. Vous incarnez le Tarot, vivant chaque arcane comme une étape de votre propre transformation. Vous avez traversé le cycle éducatif complet, du Bateleur au Pape. Vous avez acquis l’élan vital, le silence de la Gnose, la créativité débordante, la structure de la matière et enfin, la bénédiction spirituelle.

Mais voilà… Le Pape vous a transmis la lumière et vous a poussé hors du Temple. La théorie est terminée. Vous n’êtes plus l’élève, vous êtes l’homme (ou la femme) libre. Et la liberté, ça donne le vertige. Vous devenez… L’Amoureux.

Le Billet d’Humeur : miroir de ma propre quête

Ah, l’Amoureux… On pense souvent à Roméo, aux cœurs qui battent et aux fleurs bleues. Mais soyons honnêtes, cet Arcane est avant tout le patron des indécis, le miroir de nos propres inerties.

Cette carte résonne curieusement avec mon état d’esprit juste avant l’écriture de mon livre. Imaginez-vous un instant : je possédais ces connaissances sur le Tarot, bien au chaud. J’avais ma « petite gloire locale », ce confort douillet en Loge où l’on savait que j’avais beaucoup travaillé sur le sujet. Cela suffisait à flatter mon ego sans jamais le mettre en danger. C’est la voie de gauche sur la carte : la facilité de rester sur ses acquis, de briller en petit comité sans jamais se confronter au réel.

Et puis, il y a l’autre voie. Celle de se mettre à nu. D’écrire Le Tarot miroir des symboles et d’accepter d’être lu, analysé, et peut-être critiqué. J’aurais pu rester seul dans mon coin, mais j’ai réalisé que pour accomplir sa quête, il faut sortir du bois. Rester statique, c’est refuser l’aventure. J’ai donc choisi l’arène publique plutôt que le confort privé.

Et vous, quel confort êtes-vous prêt à sacrifier aujourd’hui pour avancer sur votre quête ?

La Problématique : L’immobilité apparente du voyageur

Regardez bien l’image que vous incarnez à présent. Nous sommes loin du dîner aux chandelles. Nous avons un jeune homme, immobile, les bras croisés, coincé entre deux femmes qui se disputent son attention, le tout sous la menace d’un petit archer céleste.

La question qui tue n’est pas « laquelle va-t-il choisir  » ?

Mais plutôt : Pourquoi est-il à l’arrêt ?

Est-ce l’hésitation qui paralyse, ou une pause nécessaire avant la transformation ? Comment le libre arbitre peut-il s’exercer quand le destin (la flèche) semble déjà en joue ?

Le choix du Compagnon

Si le Pape (V) est le Maître qui instruit, l’Amoureux (VI) est l’image même du Compagnon. Pourquoi ? Parce que l’Apprenti écoute et apprend (phase passive), alors que le Compagnon voyage et doit agir (phase active). Mais avant d’agir, il doit orienter sa marche, faire un pas de côté.

Oswald Wirth compare brillamment cette lame au mythe d’Hercule à la croisée des chemins. Le Compagnon est tiraillé entre deux sollicitations :

La voie de la facilité (La Volupté) : C’est la tentation de ne pas chercher plus loin, de se contenter de ce que l’on sait, de jouir de ses premiers salaires sans travailler davantage sa pierre. C’est la routine de la Loge sans l’esprit de la Maçonnerie.

La voie de l’effort (La Vertu) : C’est la voie ardue, celle qui demande de confronter ses acquis à la réalité, d’aller vers l’inconnu et l’élévation.

L’Amoureux nous enseigne que le grade de Compagnon n’est pas un état, mais un mouvement perpétuel de choix renouvelés. Être libre, ce n’est pas faire ce qui nous plaît, c’est choisir ce qui nous élève.

L’Analyse Mystérieuse en miroir

Dans Le Tarot miroir des symboles, nous ne nous contentons pas de l’image, nous lisons l’ADN de la carte.

Le Clou de la Destinée : La Lettre Vau (ו)

Comme le Bateleur était l’Aleph (le Bœuf) et la Papesse le Beth (la Maison), l’Amoureux est le Vau. Littéralement, Vau signifie le Clou, le crochet ou la cheville. En grammaire hébraïque, c’est la conjonction « ET ». C’est une révélation majeure : l’Amoureux n’est pas l’arcane de la division, c’est l’arcane de la liaison. Le choix que doit faire le Compagnon n’est pas une soustraction, c’est un assemblage. Il doit décider à quoi il va se « clouer », à quelle valeur il va s’amarrer pour construire son avenir. Sans ce clou, la charpente de votre vie / édifice s’effondre.

Le Cœur de l’Arbre : Le lien Kabbalistique

Sur l’Arbre de Vie, l’Arcane VI est intimement lié à la sphère de Tiphereth (La Beauté). C’est le centre géométrique de l’Arbre, le lieu du Cœur et du Soleil. Cela nous indique que le vrai choix ne peut pas être seulement intellectuel ou instinctif. Il doit être « cardiaque ». L’Amoureux cherche l’harmonie parfaite, la « Beauté » qui naît de l’équilibre entre la rigueur (la femme couronnée) et la miséricorde (la femme aux fleurs).

Le Pivot du Tarot : La Théorie des Quintenaires

C’est ici qu’il faut comprendre la structure profonde du jeu. Le Tarot n’est pas une ligne droite, c’est une architecture. Si l’on divise les arcanes en quatre groupes de 5 cartes (les quintenaires), on s’aperçoit que deux cartes servent de charnières :

L’Amoureux (VI) : Il clôt le premier groupe (l’éducation) et ouvre le second (l’action). Il est le premier pivot.

L’Étoile (XVII) : Elle est le second pivot. L’Amoureux et l’Étoile sont les deux moments où le pèlerin doit s’arrêter pour réorienter sa boussole. Le VI décide de son action dans le monde, le XVII décidera de sa place dans le cosmos.

Le Miroir Inversé : L’Étoile (XVII)

Justement, regardez qui fait face à l’Amoureux dans le grand miroir du Tarot. C’est l’Arcane XVII, L’Étoile.

Dans l’Amoureux (VI), l’homme est debout, indécis, tiraillé entre deux femmes terrestres. Il subit son désir.

Dans l’Étoile (XVII), la femme est nue, agenouillée, et verse généreusement deux vases (l’un dans l’eau, l’autre sur terre). Elle a dépassé le choix, elle est dans le don pur. L’Amoureux est la question, l’Étoile est la réponse.

L’Amoureux cherche l’amour, l’Étoile est l’amour universel.

L’Épreuve du Héros : L’Archétype de Propp

Si – comme je le développe – le Tarot est un conte, nous arrivons ici à un pivot narratif crucial décrit par Vladimir Propp : la Fonction de l’Épreuve. Le Héros ex-Bateleur (vous) est testé. De sa réponse dépendra la suite de l’aventure. S’il fait le mauvais choix (la facilité), il n’obtiendra pas l’objet magique (le Chariot) nécessaire pour triompher. C’est le moment où le récit bascule : le héros prouve-t-il sa valeur ou reste-t-il un figurant ?

En Aparté : La mécanique secrète (Tarot, Lettres et Kabbale)

L’arbre de vie – Le tarot miroir des symboles P44 – ed LLDMV 2025

Souvent, on regarde le Tarot comme une suite d’images isolées. C’est une erreur. Comme je l’expliquais pour la lettre Aleph du Bateleur ou le Beth de la Papesse, Le Tarot miroir des symboles vous invite à voir le jeu comme un circuit imprimé divin, calqué sur l’Arbre de Vie de la Kabbale.

Imaginez l’Arbre de Vie avec ses 10 sphères d’énergie (les Séphiroth), qui sont comme des villes spirituelles. Pour aller d’une ville à l’autre, il existe des routes. Il y a exactement 22 sentiers. La magie du système réside dans cette trinité parfaite :

22 Arcanes Majeurs du Tarot.

22 Lettres de l’alphabet hébraïque.

22 Sentiers reliant les Séphiroth. Chaque arcane est donc une route spécifique, colorée par la vibration d’une lettre hébraïque.

Conclusion

L’Amoureux n’est pas une carte de sentimentalisme, c’est une carte de courage. Le courage de quitter sa « petite gloire locale » pour affronter l’universel.

La flèche de Cupidon est-elle une bénédiction ou une mise en garde ?

La femme à la couronne de fleurs est-elle vraiment un piège ?

Pour explorer ces sentiers et comprendre comment chaque lettre hébraïque éclaire le sens profond des lames, je vous invite à plonger dans Le Tarot miroir des symboles.

Avez-vous fait votre propre choix ? Oui ?

Alors, êtes-vous prêt à monter, dès mardi prochain, dans le véhicule de la victoire avec l’Arcane VII, Le Chariot ?

L’Amoureux a dit : « Je ne suis pas l’hésitation qui t’arrête, je suis le Désir qui t’oblige à définir qui tu es. »

« Le Tarot miroir des symboles »

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Christophe Martin
Christophe Martin
Initié en 2010 à la Grande Loge Symbolique du Rite Écossais Primitif sous la filiation Robert Ambelain, je poursuis mon chemin au sein des loges stuartistes. Écrivain public et auteur-conseil, correspondant de presse depuis 30 ans, j’accompagne celles et ceux qui souhaitent transmettre leur histoire en leur consacrant des biographies familiales et personnelles. Passionné par la transmission du savoir et de la mémoire, je me considère avant tout comme un passeur de mémoire. C’est l’étude du Tarot d’Oswald Wirth qui m’a mené à la Franc-Maçonnerie ; un parcours qui trouve aujourd’hui son juste retour dans la publication d’un ouvrage destiné à éclairer celles et ceux désireux d’explorer ce sujet.

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