George Orwell, de son vrai nom Eric Arthur Blair (1903-1950), est un écrivain britannique visionnaire, célèbre pour ses œuvres dystopiques comme 1984 et La Ferme des animaux, qui dénoncent les dérives totalitaires, la manipulation du langage et la surveillance étatique. Journaliste engagé, socialiste critique et observateur lucide des injustices sociales, Orwell reste une référence intemporelle pour décrypter les menaces contemporaines à la liberté. Ce dossier de la Revue des Deux Mondes, intitulé « Orwell, l’Intemporel », explore précisément cette actualité persistante de son œuvre, à travers des analyses variées qui relient ses idées aux défis d’aujourd’hui, de l’intelligence artificielle aux manipulations idéologiques.

La Revue des Deux Mondes consacre son numéro de décembre 2025 – janvier 2026 à un dossier exhaustif intitulé « Orwell, l’Intemporel », explorant l’œuvre et l’héritage de George Orwell.
Ce dossier, qui s’étend sur plusieurs contributions, met en lumière la pertinence persistante de l’auteur britannique face aux défis contemporains tels que les totalitarismes, la surveillance, la manipulation linguistique et les avancées technologiques. L’éditorial d’Aurélie Julia introduit le thème en reliant Orwell à des phénomènes actuels comme l’intelligence artificielle et la dépendance numérique, soulignant comment ses prédictions sur la servitude volontaire et la corruption du langage résonnent aujourd’hui.
Aperçu biographique et littéraire
Isabelle Jarry, dans « La sentinelle », retrace le parcours d’Orwell, de son service dans la police impériale en Birmanie à ses expériences de pauvreté à Paris et Londres, décrites dans Dans la dèche à Paris et à Londres (1933). Elle met l’accent sur son évolution vers un engagement social, illustré par Le Quai de Wigan (1937) et Hommage à la Catalogne (1938), où il dénonce les injustices et les dérives totalitaires. Jarry souligne la prolifération de son œuvre, incluant romans, essais et chroniques, et son aspiration à une écriture véridique, culminant dans 1984 (1949), écrit dans des conditions de santé précaires.

Christian Authier, dans « Le Quai de Wigan : Orwell parmi nous », analyse ce récit-enquête sur la misère ouvrière en Angleterre des années 1930, divisé en deux parties : une immersion descriptive et une réflexion sur le socialisme. Christian Authier note les parallèles avec l’époque actuelle, comme les inégalités persistantes, la déconnexion des élites de gauche et l’impact des machines sur le travail, préfigurant l’automatisation et l’intelligence artificielle.
Sébastien Lapaque, dans « Écrire à bout portant », examine le journalisme d’Orwell, influencé par H.G. Wells, et son combat contre les illusions du progrès. Sébastien Lapaque décrit Orwell comme un observateur lucide des erreurs de la gauche, critiquant le pacifisme face au nazisme et l’aveuglement face au stalinisme, tout en valorisant sa quête de vérité et sa défense d’un langage clair.

Thèmes contemporains et dystopiques
Laurent Alexandre, dans « L’IA fusionne Orwell et Huxley », fusionne les visions d’Orwell et d’Aldous Huxley pour analyser l’impact des technologies NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives). Il évoque les implants cérébraux comme Neuralink et la sélection embryonnaire, transformant la surveillance orwellienne en une symbiose avec le plaisir huxleyen, où l’humanité risque une abdication volontaire face à une « noosphère » algorithmique.

Marin de Viry, dans « Béatitudes de l’esprit public », propose une lecture spirituelle des dystopies, opposant l’esprit public – béni ou maudit – aux totalitarismes. Il critique les utopies comme des illusions machiavéliennes, où le pouvoir manipule les désirs collectifs, et appelle à une vigilance face aux excès de la modernité.

Robert Kopp, dans « Utopies dystopiques de Platon à Houellebecq », trace l’histoire des utopies depuis Platon jusqu’à Houellebecq, en passant par More, Campanella et Fourier. Il distingue utopies positives et dystopies critiques, positionnant Orwell comme un anti-utopiste réaliste, influencé par Zamiatine et Huxley, qui met en garde contre les sociétés planifiées ignorant la nature humaine imparfaite.
Delphine Jouenne, dans « Le retour des Césars », compare les totalitarismes modernes aux empereurs romains (Caligula, Néron, Domitien), en écho à Orwell. Elle analyse comment le langage anesthésie le réel, la guerre maintient l’équilibre, le grotesque immunise du ridicule et la mémoire verrouille le pouvoir, illustrant une vérité intemporelle sur la domination.

Vincent Hein, dans « Pékin vous regarde » témoigne de la surveillance omniprésente en Chine, comparée au Big Brother orwellien. Il décrit un système d’yeux électroniques et d’IA qui intègre la vie quotidienne, transformant la société en un réseau réactif où la conformité est imposée subtilement.
Sami Biasoni, dans « La bataille des mots », explore la manipulation linguistique chez Orwell, particulièrement dans le « novlangue » de 1984. Il relie cela aux débats actuels sur l’inclusivité et les euphémismes, arguant que le langage structure la pensée et que sa simplification appauvrit la réalité, favorisant les idéologies totalitaires.

Florilège et résonances
Claudine Wéry clôt le dossier avec un « Florilège » de citations d’Orwell, soulignant leur actualité sur les inégalités, le totalitarisme, la manipulation et la quête de vérité. Ces extraits renforcent l’idée que l’auteur reste un critique acerbe de la société moderne.
Ce dossier collectif illustre comment l’œuvre d’Orwell transcende son époque, offrant des outils analytiques pour décrypter les menaces contemporaines à la liberté individuelle et collective. Il invite à une réflexion sur la vigilance nécessaire face aux évolutions sociétales, sans proposer de solutions idéologiques mais en insistant sur l’importance de la vérité et du langage.
La Revue des Deux Mondes – Orwell, l’Intemporel
Collectif – Revue des Deux Mondes, novembre 2025, 160 p., 20 €
Revue des Deux Mondes , le site
