lun 29 décembre 2025 - 07:12

Où est passé le 5e élément ?

Les quatre premiers sont connus depuis l’Antiquité. Le 5è est affiché par Luc Besson dans son film du même nom, mais bien au-delà de ça il est évoqué par la tradition sous plusieurs aspects. Évoqué, mais jamais explicité, généralement on s’en tient à quatre. Est-ce que le 5ème dérange ? Et pourquoi ? 

L’interprétation du 5ème élément chez Luc Besson c’est l’amour. On est en droit de trouver cette chute un peu “nunuche” mais si on retourne vers l’étymologie, aimer c’est être attiré, c’est unir et c’est s’attacher, trois mouvements qu’on retrouve aussi bien en astrophysique que dans la physique des particules. 

Le premier élément c’est la Terre. Derrière la « terre » on mettrait beaucoup d’autres choses aujourd’hui, tous les éléments matériels solides, donc la roche, le métal… 

Le deuxième élément c’est l’eau, mais on rangera avec lui tous les fluides, tous les éléments liquides vivants ou inertes, le sang, les larmes et peut-être même des liquides hybrides comme le pétrole, liquide de feu mais aussi huile de pierre (Petra oleum). 

Le troisième c’est l’air, avec tous les gaz possibles qui le composent, mais aussi ce qui n’était pas envisageable dans l’Antiquité, les ondes hertziennes, électromagnétiques, les radiations, tout ce qui peut se transmettre dans l’air et même dans le vide. 

Le quatrième c’est le feu, on dirait aujourd’hui que ce sont toutes les énergies. 

Mais le 5e ? Quel est le cinquième élément qui compose la matière ? On pourrait être très tenté de répondre, au regard des connaissances scientifiques actuelles, qu’il faut aller chercher du côté de la matière noire, cinq fois plus présente dans l’univers que la matière ordinaire et qui semble d’une composition différente, non baryonique. Ou encore de l’énergie sombre qui occupe près de 70% de l’univers et le baigne entièrement. Elle aussi enfreint les règles de la physique que nous connaissons, elle répond à une gravitation négative, elle serait responsable de l’expansion de l’univers.

Ce cinquième élément serait alors beaucoup plus qu’un élément, il représenterait la plus grande partie de l’univers, une partie dont nous ne connaissons presque rien et dont nous ne comprenons presque rien. 

Restons donc dans l’univers de la matière que nous connaissons, c’est là qu’il faut chercher le cinquième élément puisque c’est là qu’il a été conçu. Aristote le définit comme l’éther, une sorte de bain ambiant qui entoure le cosmos, c’est la partie immuable de l’univers dans lequel tout le reste circule. On n’est pas loin d’énergie sombre. 

Une des premières approches serait d’essayer de faire correspondre les 4 éléments aux 5 sens; c’est par nos sens que nous appréhendons la matière et c’est le premier cartouche que découvre le compagnon. La vue correspond à la lumière, c’est-à-dire au feu du soleil. L’odorat correspond à l’air, c’est par le nez qu’on respire. Le toucher correspond à la terre, car le propre de l’homme c’est de toucher terre. Le goût ne peut venir que de l’eau, sans la salive aucun goût n’existe. Le cinquième élément serait donc à chercher du côté de l’ouïe. Pourtant elle est l’organe qui perçoit les sons c’est-à-dire les vibrations de l’air. Mais justement, elle est beaucoup plus que cela. L’oreille interne donne l’équilibre, elle nous situe dans l’espace. Elle possède aussi une fonction “radar” qui nous permet de percevoir les masses autour de nous et par exemple de nous mouvoir dans la foule. C’est le premier sens que développe le fœtus dans le ventre de sa mère avec le toucher, l’audition arrive en 6ème semaine, le seul des 5 sens qui permet au fœtus de percevoir quelque chose de l’extérieur.

Audition-toucher, ce sont les deux premiers sens qu’on éveille lors de la cérémonie d’initiation. L’ouïe est-elle un bon candidat pour indiquer où chercher le cinquième élément ? 

L’alchimie parle de quintessence, c’est-à-dire la cinquième essence, celle qui vient après un quintuple travail de purification. Travail qui porte sur les quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu. La quintessence les transcende, les transmute pour atteindre un degré supérieur d’évolution, pour opérer la résolution des contraires. Le cinquième élément serait-il un dépassement des quatre par une autre “substance” qui les transcende ? 

En numérologie le 5 est issu du 4 comme le 4 est issu du 3, le 3 du 2, le 2 du 1, et le 1 du 0. Qu’est-ce qui fait qu’il y a quelque chose plutôt que rien ? Au commencement était le Big Bang. Le néant a précédé l’être, puis le 1 a surgi. Et le 1 s’est différencié, entre l’énergie et la matière, peut-être entre l’énergie sombre et la matière « baryonique ». Cette différenciation produit autre chose qui n’existait pas avant : l’univers. Trois composants : l’énergie (telle que nous la connaissons), la matière (telle que nous la connaissons), et l’univers sombre (tel que nous ne connaissons pas). Du 3 naît le 4 et cette conjonction particulière en 4 élements qui produit la Terre. Le 4 est son chiffre, celui de son alchimie. L’étoile suivante porte cinq branches, les 4 précédentes + une supplémentaire qui symbolise l’homme. Qu’apporte-t-il de singulier que la matière n’avait pas avant lui ? L’intelligence, l’esprit, peut-être : la conscience.

Les quatre éléments s’opposent deux à deux, l’eau avec le feu, la terre avec l’air : Eau/Feu, Terre/Air. Chacun des 4 éléments a son symbole, mais il n’y a que deux triangles pour 4 : la tête en haut ou la tête en bas. L’air et le feu, la terre et l’eau partagent le même triangle, on a donc une deuxième paire de paires : Air/Feu, Terre/Eau. À une petite différence près : la terre et l’air portent une barre transversale qui les distingue.

Enfin, il y en a une troisième, celle des symboles qui s’opposent en tout et tout le temps : Terre/Feu, Eau/Air. C’est par leurs liens entre eux, leur union et leur dépassement qu’on devrait passer à la quintessence. Sauf que la réunion des quatre triangles ne donne pas l’étoile à cinq branches mais l’étoile à six branches. Le symbole de la quintessence est quelquefois représenté par un pentagramme portant un point en son centre, mais le plus souvent la figure qui est choisie est l’hexagramme. Est-ce que le passage au 5 n’est qu’une transition vers le 6 ? 

Reste à voir si le cinquième élément existe dans la symbolique maçonnique. Il faut croire que oui parce que le chiffre 5 est très présent, dans l’étoile à 5 branches, dans les 5 développements de la lettre G : Géométrie, Génération, Gravitation, Génie, Gnose. D’après la définition du rituel (RF) : “La gravitation et la force primordiale qui régit l’équilibre et le mouvement de la matière. C’est elle qui préside aux révolutions de la Terre et de tous les corps célestes. La gravitation est aussi une force qui rapproche les cœurs et, en les unissant par l’amitié fraternelle, assure la solidité de l’édifice maçonnique”. Elle ressemble furieusement à la quintessence ! Bonne candidate pour le 5ème élément. 

Alors quoi, le 5è élément ? On peut le voir comme un état différent de transformation de la matière, obligeant à reconsidérer les 4 états originaires dans un modèle à 5 ou peut-être : 6, 7 ou plus ? ….On peut l’imaginer pour désigner les autres formes de matières que nous découvrons, dont nous ne connaissons pas grand chose mais que d’autres initiés avaient peut-être pressenti. Ou encore y voir un degré supérieur d’évolution de la matière vers quelque chose qui ne pourrait pas être défini seulement par sa matérialité : la vie, l’intelligence, l’esprit. 

A chercher du côté d’un principe premier, originel auquel certains ont donné la forme du GADLU, ou bien d’un principe ultime, ce vers quoi tend l’évolution et que nous ne nous contentons pas de subir puisque nous en sommes partie prenante. 

2 Commentaires

  1. J’apprécie la richesse interdisciplinaire de cet essai : la mise en regard d’Aristote, de l’alchimie, de la maçonnerie et de la physique contemporaine offre un panorama inspirant autour de la figure du « 5e élément ». Le texte suscite des pistes de recherche intéressantes et crédibles et invite à repenser la quintessence tant comme symbole que comme hypothèse cosmologique.
    Toutefois cet essai gagnerait à mieux distinguer les registres (allégorie symbolique vs. revendication scientifique) et d’ajouter des références précises, notamment des sources en histoire des idées et quelques travaux récents en astrophysique ou philosophie des sciences. Une typologie structurée des approches possibles (cosmologique, alchimique, symbolique et anthropologique) faciliterait la lisibilité et permettrait de confronter les hypothèses. Enfin, une mise en perspective comparée avec des traditions non européennes (par exemple les systèmes à cinq éléments en Asie) enrichirait la généralisation des conclusions.
    Merci pour ce texte créatif et instructif qui gagnerait en puissance par un ancrage bibliographique plus solide et une méthodologie explicitée…

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Pierre Gandonniere
Pierre Gandonniere
Membre du Grand Orient de France et du Grand Chapitre Général. Journaliste, consultant, enseignant Auteur d’une thèse sur l’Ecologie de l’Information Auteur de : "L'Humanisme en Tablier Vert -L'Ecologie est-elle une question maçonnique ?" Detrad, 2023

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