sam 08 novembre 2025 - 11:11

L’actualité au prisme du symbolisme : L’échange des corps !

L’échange des corps que ce soit entre le Hamas et Israël ou entre la Russie et l’Ukraine renvoie à une loi symbolique universelle : on ne peut faire le deuil sans présence du corps du défunt !

Le symbolisme peut être considéré comme un prisme qui nous aide à comprendre l’actualité en privilégiant une approche de fond par rapport à la forme factuelle. C’est aussi un des intérêts de la démarche maçonnique de nous apprendre, par l’étude des symboles, à porter un autre regard sur l’actualité.

Cette loi universelle, concernant l’acceptation du deuil par les proches, repose sur des croyances ancrées dans l’esprit humain depuis notre création ; ces croyances ont plusieurs fondements :

1 – Un fondement anthropologique : le corps comme médiateur du passage

Dans la quasi-totalité des cultures, le corps du défunt est le support concret du rite de passage entre le monde des vivants et celui des morts. Sans lui, il n’y a pas de frontière visible, donc pas de séparation rituelle possible.

L’anthropologue Arnold Van Gennep, dans Les Rites de passage (1909), explique que :

“Le deuil n’est pas seulement une émotion, c’est un processus social de réintégration des vivants après la séparation.”

Le corps ou sa représentation symbolique (cercueil, effigie, objet personnel) permet :

  • d’ancrer la mort dans le réel (preuve tangible de la perte),
  • d’accomplir les gestes rituels (toilette, offrande, inhumation),
  • et d’opérer la transition entre présence et absence.

Sans cette médiation, l’esprit reste suspendu — le deuil ne peut “se fixer”.

 2. Un fondement psychologique : la nécessité de la preuve sensorielle

Sur le plan psychique, Freud dans Deuil et mélancolie (1917) puis Bowlby dans sa Théorie de l’attachement, ont montré que : “L’être humain a besoin de voir et de toucher la réalité de la perte pour la symboliser.”

La présence du corps :

  • confirme la mort (permet le travail de réalité),
  • déclenche le processus d’intégration du manque,
  • autorise la mémoire à se détacher progressivement de la matérialité.

En son absence (disparition, guerre, accident), le deuil reste bloqué dans l’attente — ce qu’on appelle parfois un deuil suspendu ou inachevé.

3. Un fondement symbolique et spirituel : rendre au monde ce qui retourne à lui

Dans la plupart des traditions spirituelles, le corps est vu comme l’enveloppe sacrée de la vie. Le rituel funéraire a pour but :

  • de restituer le corps à la terre ou à la flamme,
  • de libérer l’âme ou le souffle vital,
  • et de réconcilier les vivants avec la mort.

Chez les anciens Égyptiens, Grecs, Hébreux, Indiens ou dans le bouddhisme, la mise en terre ou la crémation sont toujours accompagnées de gestes symboliques : fermer les yeux, laver, couvrir, offrir, nommer. Ce sont des actes de reconnaissance du corps comme médiateur entre visible et invisible.

Sans ce passage incarné, la mort demeure abstraite — donc psychiquement insoutenable.

4. Un fondement social : le deuil comme acte communautaire

La présence du corps est aussi ce qui rassemble la communauté :

  • autour du mort (pour lui rendre hommage),
  • et entre les vivants (pour reformer le lien après la perte).

L’absence du corps empêche ce rituel collectif ; le deuil devient alors solitaire, intérieur, parfois pathologique.

C’est pourquoi les sociétés ont inventé des symboles de substitution : portrait, nom gravé, objet, tombe vide (cénotaphe). Ces substituts répondent au besoin universel de voir pour croire, et de croire pour laisser partir.

L’importance que les familles accorde aux corps de leurs défunts, trouve cependant des exceptions :

Dans les Évangiles, lorsque Marie-Madeleine et les disciples découvrent le tombeau vide, ils ne trouvent ni cadavre ni trace de corruption, mais seulement les linges pliés.

Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité.
(Luc 24,5)

Pour justifier l’absence du corps, les évangélistes ont inventé une raison qui ne vaut que pour Jésus-Christ :  l’absence du corps de Jésus n’est plus vécue comme un déni du réel, mais comme la preuve d’une transformation : le corps n’a pas été volé, il a été transfiguré — passé de la matière à la lumière.

De la même manière, dans les rituels maçonniques il y a deux lectures possibles de la disparition du corps d’Hiram emporté par les mauvais compagnons :

  • soit il est considéré comme virtuellement ressuscité (à la manière de Jésus) dans le nouveau maître
  • soit  on prétend le retrouver pour constater que « la chair quitte les os ».

Cette importance accordée au corps pour réaliser le deuil mérite notre réflexion et cette actualité est l’occasion d’y réfléchir.

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Alain Bréant
Alain Bréant
Médecin généraliste, orientation homéopathie acupuncture initié en 1979 dans la loge "La Voie Initiatique Universelle", à l'orient d'Orléans, du GODF Actuellement membre d'une loge du GODF à l'orient de Vichy Auteur sous le pseudonyme de Matéo Simoita de : - "L'idéal maçonnique revisité - 1717- 2017" - Editions de l'oiseau - 2017 - "La loge maçonnique" - avec la participation de YaKaYaKa, dessinateur - Editions Hermésia - 2018 - "Emotions maçonniques " - Poèmes maçonniques à l'aune du Yi King - Editions Edilivre - 2021

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