sam 08 novembre 2025 - 13:11

06/12/25 – L’« Ésotérisme, colonialisme et politique » à Politica Hermetica

Politica Hermetica est un véritable laboratoire d’études sur les liens entre ésotérisme et politique. Dans le paysage intellectuel français dédié à l’histoire des idées, peu d’associations ont su explorer avec autant de profondeur et de constance les intersections entre l’ésotérisme et la politique que Politica Hermetica.

Politica Hermetica 251206

Fondée en 1985, cette association loi 1901 s’est imposée comme un pilier incontournable pour les chercheurs, historiens et passionnés de franc-maçonnerie, de théosophie, de gnosticisme et d’autres courants occultes, en les reliant systématiquement aux sphères du pouvoir et de la société. À l’occasion du prochain colloque international, le XLIe (41e), prévu le 6 décembre 2025 à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris, nous plongeons dans l’histoire de cette institution unique, ses publications et, surtout, les biographies des intervenants invités. Ce thème, « Ésotérisme, colonialisme et politique », résonne particulièrement avec les enjeux maçonniques, où les sociétés initiatiques ont souvent joué un rôle dans les dynamiques impériales et postcoloniales.

Origines et histoire de Politica Hermetica

Politica Hermetica naît en 1985 d’une initiative collective d’historiens et de penseurs fascinés par les rapports entre métaphysique occulte et action politique. Parmi les fondateurs figurent Victor Nguyen, historien de l’Action française ; Jean-Pierre Laurant et Jean-Pierre Brach, tous deux éminents spécialistes de l’ésotérisme ; Jean Saunier ; Étienne Kling ; et Francis Bertin. L’objectif premier est clair : éclairer les liens souvent obscurs entre ésotérisme et politique, en s’appuyant sur une approche rigoureuse d’histoire des idées. L’association est présidée aujourd’hui par Jean-Pierre Laurant et Jean-Pierre Brach (de l’École Pratique des Hautes Études), avec Jérôme Rousse-Lacordaire en charge des publications.

Institut-national-d’histoire-de-l’art

Dès sa création, Politica Hermetica adopte un format annuel de colloques à Paris, où des spécialistes du monde entier se réunissent pour débattre de thèmes transversaux. Ces rencontres ne se limitent pas à des exposés théoriques ; elles intègrent des analyses d’archives, des entretiens et des comptes rendus critiques d’ouvrages. L’association publie les actes de ces colloques sous le titre Politica Hermetica, d’abord aux éditions L’Âge d’Homme, puis chez L’Harmattan. Avec la disparition de la revue Aries, elle reste l’une des rares publications francophones dédiées à l’histoire de l’ésotérisme et à ses implications politiques.

L’évolution thématique des colloques reflète une exploration progressive et exhaustive

Le premier volume, en 1987, porte sur « Métaphysique et politique : Guénon et Evola », posant les bases d’une réflexion sur les penseurs traditionalistes. Suivent des sujets comme « Doctrine de la race et tradition » (1988), « Gnostiques et mystiques autour de la Révolution française » (1989), ou encore « Maçonnerie et antimaçonnisme » (1990), qui soulignent l’intérêt pour la franc-maçonnerie et ses antagonismes. Au fil des ans, les thèmes s’élargissent : du complot (1992) à l’ésotérisme au féminin (2006), en passant par l’astrologie et le pouvoir (2003), ou plus récemment « Géopolitique et ésotérisme » (2019) et « Ésotérisme et action politique » (2023). En 2024, le n°38 aborde « Ésotérisme, littérature et politique ». Cette richesse démontre comment Politica Hermetica sert de laboratoire pour étudier l’ésotérisme non comme une marge, mais comme un acteur central des dynamiques historiques et politiques.

L’association s’inscrit dans un réseau international, collaborant avec des institutions comme l’European Association for the Study of Religions (EASR), où Jean-Pierre Laurant a présenté Politica Hermetica comme un outil essentiel pour analyser les « tentations politiques » de l’ésotérisme occidental.

Son site web offre un accès gratuit à de nombreux actes, favorisant la diffusion des connaissances auprès d’un public élargi, y compris les francs-maçons intéressés par l’histoire initiatique.

Le XLIe Colloque : Ésotérisme, Colonialisme et Politique

Le 41e colloque, programmé le samedi 6 décembre 2025 à l’Institut national d’histoire de l’art (salle Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, 2 rue Vivienne, 75002 Paris), explore un terrain fertile pour les études maçonniques : les liens entre ésotérisme, colonialisme et politique.

Ce thème met en lumière comment des courants occultes – théosophie, franc-maçonnerie, martinisme – ont influencé les politiques impériales, de l’Afrique à l’Asie, en passant par l’Amérique latine.

Le programme se divise en deux sessions : matin (9h30) et après-midi (14h30), avec six intervenants de renom. Leurs contributions, basées sur des recherches approfondies, promettent d’éclairer des facettes méconnues de l’histoire coloniale, où l’initiatique rencontre le géopolitique.

Focus sur les intervenants

Ce qui fait la force de Politica Hermetica, c’est la qualité de ses conférenciers. Pour ce colloque, les intervenants sont des experts internationaux, souvent issus de milieux académiques où l’ésotérisme est étudié avec rigueur historique. Voici un développement détaillé de leurs biographies, en lien avec leurs thèmes respectifs.

Matin : Session sur l’Europe et l’Orient Colonial

Reinhard-Markne

Reinhard Markner : « L’Idée coloniale allemande de l’Afrique à l’Inde. L’entreprise coloniale et théosophique de Wilhelm Hübbe-Schleiden (1846-1916). »
Né en 1967, Reinhard Markner est un historien et philologue allemand spécialisé dans les sociétés secrètes de l’époque moderne. Il est reconnu comme un expert des Illuminati de Bavière, ayant édité Die Korrespondenz des Illuminatenordens (en plusieurs volumes, couvrant 1776-1783), une référence pour l’étude des réseaux initiatiques au XVIIIe siècle. Reinhard Markner a également contribué à des ouvrages sur la franc-maçonnerie, comme The Secret School of Wisdom, et explore les théories du complot.

Chercheur indépendant, il a collaboré à des projets sur Robert Musil et Johann Gottfried Herder. Sa communication portera sur Wilhelm Hübbe-Schleiden, un théosophe allemand impliqué dans des projets coloniaux, reliant ésotérisme et impérialisme germanique – un angle pertinent pour comprendre comment les idées maçonniques et théosophiques ont soutenu l’expansion européenne.

Davide-MARINO

Davide Marino : « Matgioi : Occultism and the Politique d’Association in French Indochina. »
Né en 1987, Davide Marino est un chercheur postdoctoral à l’Université de Göttingen, spécialisé dans les interactions entre religions est-asiatiques (notamment chinoises) et ésotérisme européen. Titulaire d’un master en philosophie de l’Université de Turin (2013) et d’un doctorat en études religieuses de l’Université chinoise de Hong Kong (2023), il explore le traditionalisme et ses adaptations en Asie.

Auteur de publications sur le guénonisme et la religion chinoise, Marino s’intéresse aux transferts culturels occultes. Son intervention sur Matgioi (pseudonyme d’Albert de Pouvourville), un occultiste français en Indochine, analysera comment l’ésotérisme a influencé la « politique d’association » coloniale française, mêlant taoïsme et impérialisme.

Paul-André Claudel : « Le Caire, 1904 : le cercle de Il Convito / النادي [al-Nâdî], entre promotion de l’islam initiatique et vitrine – ambiguë – d’une alliance Orient-Occident. »
Paul-André Claudel est un universitaire et auteur spécialisé en histoire des idées et des relations Orient-Occident. Il a publié des ouvrages sur des thèmes victoriens et islamiques.

Son expertise porte sur les cercles initiatiques au Proche-Orient, où franc-maçonnerie et soufisme se croisent. Sa contribution examinera le cercle « Il Convito » au Caire en 1904, un espace ambigu promouvant un islam ésotérique comme pont entre Orient et Occident, avec des implications pour les politiques coloniales britanniques et françaises.

Après-midi : Session sur l’Amérique Latine et l’Afrique

Mariano-Villalba

Mariano Villalba : « Franc-maçonnerie, martinisme et théosophie dans les politiques d’expansion territoriale en Argentine (1878–1900). »
Historien formé en histoire culturelle et études religieuses, Mariano Villalba se concentre sur l’Amérique latine, particulièrement le Mexique et l’Argentine. Postdoctorant à Harvard (Center for the Study of World Religions) en spiritualité et arts, en collaboration avec la Fondazione Giorgio Cini, il explore l’impact des mouvements occultes sur l’art mural mexicain post-révolutionnaire.

Sa thèse doctorale a démontré comment la franc-maçonnerie et l’ésotérisme ont influencé des figures comme Diego Rivera et José Vasconcelos. Mariano Villalba a publié sur la culture matérielle maçonnique et les exclusions genrées dans l’ésotérisme. Son exposé sur l’Argentine de la fin du XIXe siècle mettra en lumière le rôle des sociétés initiatiques dans l’expansion territoriale, un chapitre clé pour les francs-maçons latino-américains.

Muriel Pécastaing-Boissière : « L’importance de la Théosophie dans la lutte d’Annie Besant pour l’auto-détermination de l’Inde. »
Maîtresse de conférences en civilisation britannique (études victoriennes) à la Sorbonne Université, Muriel Pécastaing-Boissière est une spécialiste du socialisme victorien, du féminisme et des mouvements alternatifs. Auteure de Annie Besant (1847-1933) : Struggles and Quest (Theosophical Publishing House, 2017), elle a exploré la vie de cette théosophe, suffragiste et militante pour l’indépendance indienne.

Ses recherches incluent les liens entre suffragisme et socialisme (1884-1914). Muriel Pécastaing-Boissière a traduit des œuvres historiques et publié sur les actrices victoriennes. Sa communication soulignera comment la théosophie d’Annie Besant a servi d’outil politique pour l’auto-détermination indienne, reliant ésotérisme et anticolonialisme.

Jean-Luc Le Bras : « Ésotérisme et politique coloniale à Madagascar (1895-1950). »
Jean-Luc Le Bras est un chercheur et auteur spécialisé en histoire de Madagascar, avec un focus sur les dimensions ésotériques et politiques du colonialisme français. Auteur de Madagascar (2020), un ouvrage illustré sur l’île, il explore les intersections entre folklore africain, christianisme et occultisme local. Ses travaux s’inscrivent dans des encyclopédies sur le folklore africain et des études sur les religions malgaches.

Son intervention couvrira la période coloniale (1895-1950), analysant comment l’ésotérisme – incluant des influences maçonniques – a modelé les politiques françaises à Madagascar, un terrain où traditions locales et impérialisme se confrontent.

Un rendez-vous incontournable pour les passionnés de l’initiatique.

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Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti
Yonnel Ghernaouti, fut le directeur de la rédaction de 450.fm de sa création jusqu'en septembre 2024. Chroniqueur littéraire, animé par sa maxime « Élever l’Homme, éclairer l’Humanité », il est membre du bureau de l'Institut Maçonnique de France, médiateur culturel au musée de la franc-maçonnerie et auteur de plusieurs ouvrages maçonniques. Il contribue à des revues telles que « La Chaîne d’Union » du Grand Orient de France, « Chemins de traverse » de la Fédération française de l’Ordre Mixte International Le Droit Humain, et « Le Compagnonnage » de l’Union Compagnonnique. Il a également été commissaire général des Estivales Maçonniques en Pays de Luchon, qu'il a initiées.

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