Inspiré par notre confrère elnacional.com – Par Mario Múnera Muñoz

Au-delà de la tombe : un voyage alchimique de transformation de soi.Dans les ténèbres du cabinet de réflexion, le néophyte signe son testament philosophique. Crâne, sablier, pain amer, soufre : tout crie la mort. Pourtant, c’est ici que commence la plus grande aventure humaine : mourir pour renaître. Oswald Wirth, ce géant suisse de la maçonnerie symbolique, l’écrivait en 1912 dans Le Livre du Compagnon :
« …se retirer véritablement dans la chambre de la réflexion et s’abstraire du monde extérieur si l’on souhaite descendre au puits où se cache la vérité. Ce sont là des symboles qu’il faut prendre au sérieux ; autrement, le néophyte restera tel qu’il était : il ne meurt pas à son existence profane et ne renaît jamais à la vie initiatique… ».
La chambre noire : noir maçonnique

Le cabinet de réflexion n’est pas une simple antichambre. Peint en noir, il est l’athanor des alchimistes : l’Œuvre au Noir, le Nigredo. Sel, soufre, mercure trônent sur la table. L’acronyme V.I.T.R.I.O.L. hurle l’ordre : « Visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la Pierre cachée. » Ici, le profane putréfie. Ses métaux – orgueil, avidité, illusions – sont abandonnés à la porte. Comme le plomb saturnien, il doit fondre pour révéler l’or enfoui. Les alchimistes savaient : sans putréfaction, point de transmutation. Les maçons aussi : sans mort volontaire, point d’initiation.
Les trois coups de maillet : la mort rituelle

Bandeau sur les yeux, épée sur la gorge, le récipiendaire avance. Trois voyages : terre, air, feu. Trois épreuves : chaos, tempête, incendie. Puis les trois coups. Le Vénérable tonne : « À l’ordre, mes Frères ! » Le bandeau tombe. La lumière frappe. Le profane est mort. L’Apprenti naît. Ce n’est pas une mise en scène : c’est une catarasis, descente aux enfers comme Orphée, Jésus ou Hiram. Éphésiens 4:9-10 : « Celui qui est descendu est aussi celui qui est monté. » Le Christ descend aux enfers pour libérer les âmes. Le maçon descend dans le cabinet pour libérer la sienne.La légende d’Hiram : double mort, double résurrection

Au grade de Maître, la mort frappe plus fort. Trois compagnons – ignorance, fanatisme, ambition – assomment Hiram. Il tombe. Mais le lion de la tribu de Juda rugit. Le Maître Secret relève le corps avec la prise du lion : cinq points parfaits de la maîtrise. Hiram renaît. Le maçon aussi.
Wirth : « Nul ne s’élève sans consentir à l’humilité. De même que seule une mort volontaire permet aux non-initiés de renaître à la vie supérieure de l’Initiation, il est nécessaire de mourir une seconde fois pour atteindre les prérogatives des Maîtres immortels. »
Albedo et rubedo : du blanchiment à l’aurification

Après le Noir, le Blanc. L’Apprenti devient Compagnon : il gravit l’escalier en spirale, cinq marches (sens), sept (arts libéraux), trois (vertus théologales). Il passe du carré à la circonférence, de la pierre brute à la pierre cubique. Puis le Rouge. Le Maître contemple l’étoile flamboyante : pentagramme d’or où rayonne la lettre G – Géométrie, Gnose, Grand Architecte. Le plomb est devenu or. L’ego est mort. Le Soi resplendit.Qu’est-ce qui doit mourir en moi ?
Wirth pose la question brutale : Quels attachements ? Quelles peurs ? Quels fanatismes ? « La porte de nos prisons est verrouillée de l’intérieur. » Ouvrir, c’est mourir. Mourir à l’ancien moi pour naître libre. « Né libre » : celui qui, après être mort aux préjugés des masses, renaît à la vie nouvelle conférée par l’initiation.
La branche d’acacia : immortalité promise

Sur la tombe d’Hiram pousse l’acacia. Vert, incorruptible. Symbole de résurrection. Le maçon mort au monde profane porte désormais cette branche en lui. Il n’a plus peur de la grande faucheuse. Il sait : la mort physique n’est qu’un troisième bandeau qui tombera. Derrière, la Lumière. Éternelle.
Frère, sœur : es-tu prêt ?

Ce soir, quand tu rentreras chez toi, regarde ton tablier. Il est blanc. Mais il fut noir. Et demain, il sera rouge. Car l’initiation ne s’arrête jamais. Chaque tenue est une petite mort. Chaque chaîne d’union, une petite résurrection. Chaque « À moi les enfants de la Veuve ! » un cri de victoire sur la tombe. Mourir avant la mort. Renaître avant la Vie. Telle est la promesse maçonnique. Telle est la promesse alchimique. Telle est la promesse humaine. Que la Lumière soit.
Et que l’acacia fleurisse éternellement.
