De notre confrère La Provence – Par Marie-Noël Paschal

Imaginez un site perché sur les hauteurs de la Provence, où les vents du Verdon murmurent les secrets d’un passé millénaire. C’est ici, à Gréoux-les-Bains, que le Château des Templiers a ouvert grand ses portes lors de la 42e édition des Journées européennes du Patrimoine, les 20 et 21 septembre derniers. Sous le thème fédérateur du « patrimoine architectural », ce monument emblématique de la région a dévoilé son histoire fascinante au public, effaçant les ombres du temps pour laisser place à la lumière des découvertes.

Un événement organisé par la commune, en partenariat avec l’office de tourisme et des congrès du Pays de Manosque, qui a attiré des centaines de visiteurs avides de voyage dans le temps.
Une légende tissée de pierre et de mythes
Le Château des Templiers n’est pas seulement un nom évocateur ; c’est un témoignage vivant de l’architecture provençale médiévale. Datant de 1325 – une précision confirmée par la dendrochronologie de sa charpente en bois –, il fut fondé par Arnaud de Trian, neveu du pape Jean XXII, sous l’égide de l’Église avignonnaise. Perché sur un promontoire dominant la vallée, ce bastion seigneurial évoque les grandeurs d’un passé où la Provence était un carrefour de pouvoirs spirituels et temporels. Pourtant, son histoire est bien plus ancienne : les lieux abritaient déjà un modeste vicus romain à l’Antiquité, avant que les populations, fuyant les invasions, ne migrent vers ces hauteurs protectrices.
Au fil des siècles, le château s’est enrichi de strates architecturales. Au début du XVIIIe siècle, deux galeries superposées y ont été ajoutées, témoignant d’une adaptation aux besoins d’une noblesse en déclin. Mais le temps a été impitoyable : au dernier inventaire avant la Révolution française, il n’était plus qu’une semi-ruine, livrée au pillage et à l’oubli. Au début du XXe siècle, son état de dégradation était tel qu’il semblait condamné à l’effacement. Heureusement, la légende des Templiers – cette association romantique avec l’ordre militaire du Temple – a su entretenir le mystère. Attention toutefois : comme l’ont rappelé les experts lors des Journées du Patrimoine, cette connexion n’est qu’une « légende tardive », née au XVIIIe siècle. Aucune trace historique ne lie les moines-guerriers à la construction ou à la propriété du site. Un mythe qui, loin d’altérer l’authenticité, ajoute une couche de poésie à ces pierres provençales.
Des visites guidées qui font revivre l’histoire
L’accès libre au château a été le clou du spectacle. Dans la cour pavée, baignée de soleil automnal, une conférence captivante a réuni le public autour de passionnés du patrimoine. Sandrine Claude, archéologue et conservatrice, autrice du livre Le Château de Gréoux-les-Bains, une résidence seigneuriale du Moyen Âge à l’époque moderne, a guidé les pas des visiteurs à travers les phases de construction. Avec une éloquence qui fait vibrer les murs, elle a décrit comment Arnaud de Trian, sous l’ombre bienveillante de son oncle pontife, érigea ce bastion comme un rempart contre l’incertitude des temps. À ses côtés, l’historien Régis Bertrand a démystifié la légende templière, invitant à une lecture plus nuancée de l’histoire.

Renzo Wieder, architecte du patrimoine, a complété ce tableau vivant en dévoilant les coulisses des travaux de restauration. La première phase, achevée récemment, a permis la mise en sécurité du site : doublage du mur extérieur, restitution de la couverture de la tour Ronde et consolidation de l’escalier principal. Des gestes salvateurs qui redonnent vie à un édifice classé parmi les trois plus grands châteaux de Provence, après le majestueux Palais des Papes d’Avignon et le Château de l’Emperi à Salon-de-Provence. Paul Audan, maire de Gréoux-les-Bains, n’a pas manqué de souligner l’engagement collectif : « L’État, le Département et la Région nous accompagnent financièrement pour que ce joyau ne soit plus un fantôme du passé, mais un lieu de vie. » Une seconde phase de travaux est d’ores et déjà programmée pour 2026, promettant une renaissance complète.
Les visiteurs, familles, historiens amateurs et curieux de tous âges, ont déambulé entre les vestiges, touchant du doigt des éléments qui, hier encore, étaient inaccessibles. Des anecdotes sur les pillages révolutionnaires aux échos des galeries du XVIIIe siècle, chaque pierre raconte une page d’histoire. L’événement a non seulement éduqué, mais aussi émerveillé, transformant une simple visite en une immersion sensorielle dans l’âme de la Provence.
Vers un avenir radieux pour un patrimoine vivant
Les Journées du Patrimoine ont rappelé avec force que le Château des Templiers n’est pas un reliquat figé, mais un patrimoine en mouvement. Grâce à ces initiatives, Gréoux-les-Bains réaffirme son rôle de gardienne des trésors provençaux, invitant le public à redécouvrir ses racines. Que vous soyez un passionné d’archéologie ou un amoureux des légendes, ce site offre une expérience unique : un mélange de rigueur historique et de mystère enchanteur.
En cette fin septembre 2025, alors que l’automne colore les collines environnantes, il est temps de planifier votre prochaine escapade. Le château attend, restauré et prêt à partager ses secrets. Car, comme l’a si bien dit Sandrine Claude, « ces murs ne sont pas muets ; ils attendent simplement qu’on les écoute. » Rendez-vous à Gréoux-les-Bains pour une rencontre inoubliable avec l’histoire vivante de la Provence.