(Les « éditos » de Christian Roblin paraissent le 1er et le 15 de chaque mois.)
L’initiation est non seulement une quête de sens mais aussi une mise en harmonie de soi-même avec le sens profond de la vie, ainsi qu’une mise en œuvre de forces cohésives dans le monde. C’est donc une recherche commune à une très large humanité, mais alors par une voie intérieure choisie qui promet ou promettrait une réalisation plus ample, plus lucide et plus haute.

À l’inverse, la vie profane, condamnée à errer dans les ténèbres, c’est-à-dire dans un tohu-bohu de contradictions, se déroule avec beaucoup d’inconséquence au regard du destin de l’humanité, l’égoïsme le disputant constamment à la partialité.
L’initié, quant à lui, connaît la diversité du vivant qui se manifeste aussi chez l’Homme par la pluralité des cultures, des croyances, des opinions et des comportements. Pour autant, comme il en est du Yin et du Yang, avec peut-être des proportions moins tranchées, il oscille, dans sa vie, entre des vérités qu’il cherche obstinément, concédons-le lui, et des réalités où il cherche, malgré tout, des satisfactions plus immédiates, ne serait-ce que par souci de sécurité personnelle. Bref, l’initié n’est pas un saint, c’est-à-dire qu’au mieux, il n’incarne la pureté et la perfection qu’en pointillé plus ou moins espacé. Sur le chemin, il est censé se perfectionner, ce qui est une vue raisonnable – et c’est tout ce qu’on espère. J’en connais, en effet, chez qui j’ai constaté des progrès, au fil des années. Reste à savoir s’ils le pensent également à mon égard…

Ainsi, qu’est-ce qu’une vie, une vie qui ne soit pas tournée vers l’absurde, mais vers une tentative d’espérance et d’unité ? Quelle qu’elle soit alors, si l’on en regarde la toile, il y a fort à parier que l’on y voit un méli-mélo de convictions et d’attitudes allégeant par le haut une petite démence de formes et de couleurs. C’est ça, la vie, après tout.
Quant au sens profond d’un Ordre plus grand que soi, enfoui dans le chaos de l’Histoire et de nos minuscules destinées, toute existence n’en est jamais, à tout prendre, qu’une exécution partielle et provisoire[1].

[1] Clin d’œil à l’actualité, mais dans une perspective et avec un sens tout autres, évidemment. Clin d’œil à l’actualité, assez lourd tout de même, que je ne pouvais accompagner ici d’un regard plus direct qui aurait outrepassé le cadre de cette tribune. Il n’empêche que, sans aucune remise en cause d’une décision de justice sur le fond, cette allusion transparente suggère une grave interrogation. En effet, je suis peu enclin à admettre le principe de l’exécution provisoire, quand il n’y a ni risque de récidive ni risque de fuite. La garantie d’un second degré de juridiction doit s’accompagner alors d’une présomption d’innocence effective, pour le condamné qui fait appel. Comment un présumé innocent ne présentant aucun danger pour la société peut-il se voir appliquer tout ou partie de la sanction qu’il conteste judiciairement ? L’interjection peut-elle à ce point devenir douloureuse, en étant en tout ou partie vidée de sa portée ? À cet égard, il me semble que, quelle que soit leur couleur politique, tous les justiciables devraient s’accorder sur une telle exigence – à mon avis, minimale dans un État de droit qui se respecte, une France qui voudrait continuer à se proclamer « la patrie des droits de l’homme ». En outre, ne voit-on pas souvent que les juges de première instance cherchent à tordre le bras de leurs collègues en appel, en incitant ainsi ces derniers à prononcer au moins les peines d’ores et déjà exécutées ? Étrange et singulière conception : décidément, la France est un cas à part, dans sa compréhension de la Justice…
Tout à fait d’accord avec ce clin d’oeil. La justice française, en tout cas une partie d’entre elle, s’éloigne de plus en plus de l’Esprit des lois…