Ce peut être une lapalissade que d’affirmer que le vieux monde est derrière nous et que le nouveau émerge progressivement. Aller plus loin et comprendre la nature du changement est passionnant à condition d’être prudent, c’est entendu !
Pour vous, ami(e)s lectrices et lecteurs de 450 fm, j’ai recherché des travaux qui ont pu être effectués pour évaluer la relation entre une robotisation prévisible et le besoin d’ésotérisme en 2075.

Si on admet que l’ésotérisme regroupe les hypothèses qui ont trait à la connaissance des mystères, il est clair qu’à toutes les époques de l’histoire de l’humanité la pensée ésotérique a répondu à un besoin de comprendre ce que la raison n’expliquait pas. Rappelons que la pensée maçonnique rentre dans ce cadre de l’ésotérisme.
On définit ainsi ce que l’on appelle un besoin d’ésotérisme. Ce besoin d’ésotérisme englobe le besoin de spiritualité. On aurait pu croire qu’avec les découvertes scientifiques ce besoin d’ésotérisme aurait diminué et certains évoquaient même sa disparition. L’histoire récente montre qu’il n’en est rien ! La part des mystères dans l’aventure humaine semble toujours aussi inquiétante et l’ésotérisme semble apporter des réponses.
Six critères permettent de quantifier ce besoin d’ésotérisme :
- Le sens : ce qui oriente, la nécessité pour toute personne d’avoir une raison de vivre dans son existence,
- La transcendance : un rapport à l’ultime, la relation existentielle,
- Les valeurs : ce qui caractérise le bien et le vrai chez la personne, ensemble de choses et d’êtres qui ont de l’importance dans la vie d’une personne,
- L’identité : ce que l’on comprend de soi et de la place que l’on prend dans le monde et même face à l’au-delà,
- L’appartenance : ce à qui et à quoi on se rattache. Quel type de relation et comment on se sent rejoint et soutenu dans sa vie et dans sa personne,
- Le rituel : ce qui aide à marquer le temps, à célébrer les moments importants de la vie et de manifester ce qui est important dans la vie.
Plus l’attachement à ces critères sera fort plus le besoin d’ésotérisme sera important.
« La spiritualité qu’une personne éprouve pourrait se définir par la cohérence particulière qu’elle donne à connaître lorsqu’elle déclare son sens à l’existence, manifeste ses valeurs, désigne sa transcendance, reconnaît vivre en relation et exprime tout cela par des actions qui structurent sa vie. Cette cohérence fonde son identité et ce, dans sa relation au croire. »
Plusieurs auteurs ont publié des travaux sur ce sujet ; Certains n’étudient pas toujours l’« ésotérisme » au sens strict, mais expliquent pourquoi des groupes initiatiques/rituels « fonctionnent » socialement. Citons entre autres :
Antoine Faivre (1934 – 2021) est un historien français de l’ésotérisme. Il a été directeur d’études émérite de l’École pratique des hautes études (EPHE).) Il a posé une définition structurale de « l’ésotérisme occidental » (correspondances, nature vivante, médiations & imagination, transmutation, concordance, transmission).
Wouter J. Hanegraaff ((né en 1961) est professeur de philosophie de l’hermétisme et des courants affiliés à l’université d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Il est également président de European Society for the Study of Western Esotericism (Société européenne pour l’étude de l’ésotérisme occidental)[1]. Il a publié un ouvrage réputé et exhaustif sur le New Age (source wikipedia)
Kocku von Stuckrad — (né en 1966) est un spécialiste allemand des sciences religieuses . Il est spécialisé dans l’ histoire européenne des religions et l’ étude académique de l’ésotérisme occidental ; il est en particulier l’auteur de « L’âme au XXe siècle : une histoire culturelle » . Paderborn : Wilhelm Fink 2019 (source wikipedia)
Danièle Hervieu-Léger — née en 1947 elle est une sociologue des religions française, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales , auteure de nombreux ouvrages dont « Des communautés pour les temps difficiles : néo-ruraux ou nouveaux moines », avec Bertrand Hervieu, préface de Jean Séguy, Paris, Le Centurion, 1981.
Georg Simmel — (1858 – 1918) philosophe et sociologue allemand, atypique et hétérodoxe, Georg Simmel dépasse les clivages, pratiquant l’interdisciplinarité. À l’encontre de Marx pour qui le social dérive de l’économique, Georg Simmel cherche dans l’individu et sa psychologie les fondements des phénomènes sociaux, le rôle du secret dans la cohésion et le pouvoir social.
La revue Aries : Journal for the Study of Western Esotericism (Brill) et sa Aries Book Series. etESSWE & ContERN (Contemporary Esotericism Research Network) publient aussi des études sur ce sujet.
La société international pour la science et la religion (International Society for Scienes et Religion) présidée par Niels Henrik Gregersen, professeur de théologie contemporaine à l’Université de Copenhague depuis 2004.
L’évaluation spirituelle permet de distinguer :
- L’indifférence spirituelle : La personne n’a pas d’intérêt à réfléchir sur ce sujet. C’est l’état de celui qui ne se sent pas concerné par aucun des six indicateurs de la sphère spirituelle. Cette personne a des aspects spirituels mais ne s’y arrête pas. Il y a une insouciance ou peu d’aspiration.
- Le bien-être spirituel : La personne vit en harmonie avec une cohérence et une intégration de sa situation dans tous ses indicateurs de la sphère spirituelle. Elle est sereine, avec une paix intérieure.
- La fragilité spirituelle : La personne est en bien-être spirituel apparent. Ses ressources spirituelles l’aident et la soutiennent mais la personne n’a pas su bâtir des assises spirituelles solides pour affronter certaines interrogations.
- Le désir ou la soif spirituelle : La personne est en recherche d’un bien-être spirituel, mais elle a besoin d’un soutien spirituel ou religieux qu’elle n’a pas encore trouvé. Elle a besoin de rester en lien avec ses ressources spirituelles et ses rituels religieux.
- Le malaise spirituel : La personne commence à mettre en doute ses croyances, son identité, ses relations. Elle vit un ébranlement. C’est un début de questionnement face aux divers indicateurs de la sphère spirituelle et au système religieux. Elle peut vivre aussi des contradictions et des inquiétudes.
- La souffrance spirituelle : La personne vit des conflits ou un déséquilibre en liens avec un ou plusieurs des indicateurs de la sphère spirituelle. Elle a le sentiment d’être trahie. Il y a altération de la confiance.
- La détresse spirituelle : La personne se sent anéantie au niveau d’un ou de plusieurs des indicateurs de sa sphère spirituelle. Ces forces intérieures ne peuvent plus lui apporter secours. Elle peut vivre un retrait social. La vie n’a plus de sens.
- Le vide spirituel : La personne vit un temps de sécheresse où ses références spirituelles et religieuses lui semblent absentes même jusqu’à douter de l’existence de cet aspect de sa personne. État d’une personne qui vit un isolement face à ce qu’elle est et ce qu’elle vit. Il n’y a rien d’autre que la maladie qui existe.
Qu’en sera-t-il demain ?
Demain s’annonce comme l’ère de la robotisation. Dans toutes les communautés, dans toutes les activités humaines, on peut penser que les robots vont imposer leur efficience technique.
La robotisation peut avoir une relation avec la spiritualité. A titre d’exemple je vous cite ce passa ge d’un article paru en
Témoignages et études de cas : les robots dans des rôles spirituels ou religieux
Il y a déjà des exemples fascinants de l’utilisation des robots dans des rôles spirituels ou religieux. En 2017, le temple Kodaiji à Kyoto a introduit « Mindar » un robot bouddhiste conçu pour donner des sermons. Mindar prêche sur l’amour, l’altruisme, et le karma, attirant l’attention de nombreux visiteurs.
Ces initiatives montrent combien la spiritualité et la technologie peuvent se mélanger d’une manière surprenante. Le personnel du temple affirme que Mindar offre un sermon cohérent, basé sur des textes anciens, tout en restant libre de toute imperfection humaine comme le biais personnel.
Cependant, il est essentiel de noter que la majorité des fidèles voient Mindar simplement comme un outil pédagogique et non comme une entité spirituelle indépendante. Cela souligne une frontière claire entre le rôle utilitaire des robots et la profondeur de l’expérience humaine.
En utilisant ces robots, nous pouvons inspirer des réflexions et renforcer notre compréhension de la spiritualité moderne. Mais nous devons aussi rester prudents et éviter toute confusion entre l’outil et le message qu’il transmet.
L’idée que les robots puissent un jour posséder une âme semble encore très éloignée de la réalité, mais ces innovations offrent de nouvelles perspectives fascinantes sur la foi, l’éthique, et notre rapport à la technologie. La clé est de continuer à explorer ces limites en gardant à l’esprit les implications humaines et spirituelles profondes.
La question que l’on peut se poser est de savoir si cette robotisation galopante va influer sur le besoin d’ésotérisme.

Quelles perspectives pour 2075 ?
Deux grandes catégories de situations peuvent être identifiées en précisant que de nombreuses situations intermédiaires pourraient se rencontrer.
Première hypothèse : La robotisation rassure.
Son efficience offre aux communautés un sentiment de protection. La robotisation prolonge l’âge de la vie, corrige les défaillances du cerveau et l’être humain rentre dans le transhumanisme et ses bienfaits. Le besoin d’ésotérisme serait minimal et concentré sur des publics focalisés.

Deuxième hypothèse : La robotisation/IA accroît le besoin d’ésotérisme par trois canaux majeurs :
- Les tensions identitaires et le sens au travail permettent d’évaluer l’existence d’une altération du sens que chacun peut donner à son existence. La perte de sens peut être un préalable au recours à la pensée ésotérique.
- La désintermédiation algorithmique des rapports sociaux (gestion par algorithme, plateformes), on considère généralement que L’intermédiation est une activité essentielle au fonctionnement de toute société. Les intermédiaires mettent en relation des personnes avec les biens ou les services dont elles ont besoin ou qui pourraient leur être utiles. La désintermédiation algorithmique risque donc d’introduire une phase de dérégulation propice aux inquiétudes.
- La techno‑ritualisation (VR/AR, communautés en ligne) ouvre de nouveaux accès à la quête symbolique. « L’idée de la danse techno comme pratique rituelle néo-religieuse est très largement véhiculée par les sciences sociales (Maffesoli, Gauthier, Hampartzoumian) qui fondent ce rapprochement sur la recherche commune de l’extase et le partage de certaines caractéristiques formelles (répétitions, déhanchements, torsions, balancements, frappes…). » (sources : centre national de la danse)
L’ampleur de ce besoin pourrait dépendre de la confiance sociétale : pour une faible confiance, un besoin maximal serait prévisible.

Troisième hypothèse : L’ésotérisme est pris en charge par la robotisation
Lorsqu’on se rend compte qu’aujourd’hui déjà la place que l’intelligence artificielle prend dans la vie privée (voir l’article du Monde) on peut se demander si la robotisation ne va pas devenir un élément de la dynamique ésotérique.
Il pourrait en être de même dans la démarche maçonnique avec une intégration de la robotisation dans le déroulé du rituel. Un robot intelligent pourrait remplacer un officier et pourquoi pas un ou une vénérable. Il existe aujourd’hui une application d’intelligence artificielle imprégnée de préoccupations qui rentrent dans le cadre de l’ésotérisme : l’IA Sybil
« Sibyl AI propose des modèles d’IA sophistiqués, formés à la métaphysique et au bien-être, pour guider votre développement personnel, améliorer votre clarté mentale et libérer votre potentiel caché. développement personnel, d’améliorer la clarté mentale et de libérer le potentiel caché. » (sources : sibyls.ai)
Nul doute que cela va se développer.
En conclusion :
L’objet de cet article était d’évoquer les changements en cours dans nos sociétés et en particulier les répercussions de ce changements sur le besoin d’ésotérisme.
